« Eretz Israël » – le funeste « Plan Oded Yinon »

Note du traducteur: L’article qui suit est la traduction d’un billet du site canadien « Global Research » du Pr. Michel Chossudovsky, publié le 7 novembre 2015. Il s’agit de la republication d’un article publié sur le même site le 29 avril 2013, agrémenté d’une introduction du Pr. Michel Chossudovky. Nous vous le rendons ici dans son intégralité.
Introduction du Pr. Michel Chossudovsky
Le document reproduit ci-dessous en rapport avec la formation du « Grand Israël » (Eretz Israël en hébreu, ndlr) constitue l’une des pierres d’achoppement de factions sionistes puissantes au cœur du gouvernement actuel de Netanyahou (qui a récemment été réélu), du parti du Likoud, ainsi qu’au sein des militaires israéliens et du milieu du renseignement. L’élection fut menée par Netanyahou sur une plateforme politique qui renie la souveraineté palestinienne.
Selon le père fondateur du sionisme Théodore Herzl, « le territoire de l’État Juif s’étend du bassin du Nil à l’Euphrate. » Selon le Rabbin Fischmann, « La Terre Promise s’étend du Fleuve du Nil jusqu’à l’Euphrate, elle comprend des parties de la Syrie et du Liban. »
Considérées dans le contexte actuel, la guerre contre l’Irak, la guerre de 2006 contre le Liban, la guerre de 2011 contre la Libye, la guerre en cours contre la Syrie et l’Irak, la guerre au Yémen, le processus de changement de régime en Égypte, doivent être comprises en lien avec le plan sioniste pour le Moyen-Orient. Celui-ci consiste à affaiblir et éventuellement fractionner les pays arabes avoisinants dans le cadre d’un projet d’expansion israélien.
Le « Grand Israël » consiste en une zone s’étendant de la vallée du Nil à l’Euphrate
Le projet sioniste soutient l’initiative d’implantation juive. Plus généralement il inclut une politique d’exclusion des Palestiniens de la Palestine menant à l’éventuelle annexion à la fois de la Cisjordanie et de la bande de Gaza dans l’État d’Israël.
Le Grand Israël créerait un certain nombre d’États fantoches. Il comprendrait des parties du Liban, de Jordanie, de Syrie, du Sinaï, ainsi que d’Irak et d’Arabie Saoudite.
Selon Mahdi Darius Nazemroaya dans un article de Global Research de 2011, le Plan Yinon a été la continuation du dessein colonial de la Grande-Bretagne pour le Moyen-Orient:

[Le Plan Yinon] est un plan stratégique israélien pour assurer à Israël la supériorité dans la région. Il insiste et soutient qu’Israël doit reconfigurer son environnement géopolitique à travers la balkanisation des états arabes voisins en états plus petits et plus faibles.
Les stratèges israéliens ont vu l’Irak comme leur plus grand défi stratégique venant d’un état arabe. C’est pourquoi l’Irak a été défini comme la pièce centrale de la balkanisation du Moyen-Orient et du monde arabe. En Irak, sur la base des concepts du Plan Yinon, les stratèges israéliens ont appelé à la division de l’Irak en un état kurde et deux états arabes, l’un pour les Musulmans chiites et l’autre pour les Musulmans sunnites. Le premier pas vers sa réalisation a été une guerre entre l’Irak et l’Iran, que soulève le Plan Yinon.
The Atlantic, en 2008, et l’Armed Forces Journal des militaires US, en 2006, ont tous deux publié des cartes qui ont largement circulé et qui suivent de près le dessin du Plan Yinon. En plus d’un Irak divisé, auquel aspire également le Plan Biden, le Plan Yinon appelle à un Liban, une Égypt et une Syrie divisées. Les fractionnements de l’Iran, de la Turquie, de la Somalie et du Pakistan s’alignent aussi tous droit dans cette ligne. Le Plan Yinon appelle également à la dissolution de l’Afrique du Nord et prévoit que celle-ci commence par l’Égypte pour ensuite déborder au Soudan, en Libye et au reste de la région.

Le Grand Israël requiert de briser les états arabes existants en états plus petits.

Le plan fonctionne selon deux principes essentiels. Pour survivre, Israël doit 1) devenir une puissance régionale impériale, et 2) doit accomplir la division de toute la région en états plus petits à travers la dissolution de tous les états arabes existants. « Petit » dépendra ici de la composition ethnique ou sectaire de chaque état. Par conséquent, l’espoir sioniste est que les états basés sur le sectarisme deviennent les satellites d’Israël et, ironiquement, sa source de légitimation morale… Ce n’est pas une idée nouvelle, ni est-ce la première fois qu’elle émerge hors de la pensée stratégique sioniste. En effet, la fragmentation de tous les états arabes en unités plus petites a été un thème récurrent. (Plan Yinon, voir ci-dessous)

Vue dans ce contexte, la guerre contre la Syrie et l’Irak fait partie du processus d’expansion territoriale israélienne. Les renseignements israéliens, travaillant main dans la main avec les USA, la Turquie, l’Arabie Saoudite et l’OTAN, soutiennent directement la croisade dirigée contre le soi-disant État Islamique (EI), qui cherche en fin de compte à détruire à la fois la Syrie et l’Irak en tant qu’états-nations.
– Michel Chossudovsky, Global Research, le 6 septembre 2015
Une carte présentant le territoire d’ « Eretz Israël », du Nil à l’Euphrate.
Le Plan Sioniste pour le Moyen-Orient
Traduit et amendé par
Israel Shahak
L’Israël de Théodore Herzl (1904) et de Rabbi Fischmann (1947)
Dans ses Journaux Complets, Vol. II. p. 711, Théodore Herzl, le fondateur du sionisme, affirme que le territoire de l’État Juif s’étend: « Depuis le Bassin de l’Égypte jusqu’à l’Euphrate. »
Rabbi Fischmann, membre de l’Agence Juive pour la Palestine, déclara dans son témoignage devant la Commission d’Enquête Spéciale de l’ONU le 9 juillet 1947: « La Terre Promise s’étend du Fleuve de l’Égypte jusqu’à l’Euphrate, elle comprend des parties de la Syrie et du Liban. »
d’après
« Une Stratégie pour Israël dans les années 1980 »
par Oded Yinon
Publié par
L’Association de Diplômés Universitaires Arabo-Américains, Inc.
Belmont, Massachusetts, 1982
Document Spécial No. 1 (ISBN 0-9377694-56-8)
Table des Matières
Note de l’Éditeur
1
L’Association de Diplômés Universitaires Arabo-Américains trouve irrésistible d’inaugurer sa nouvelle série de publications, Documents Spéciaux, avec l’article d’Oded Yinon qui a paru dans Kivunim (Orientations), le journal de la Division de l’Information de l’Organisation Sioniste Mondiale. Oded Yinon est un journaliste israélien et fut dans le passé rattaché au Ministère israélien des Affaires Étrangères. À notre connaissance, ce document est à ce jour la déclaration la plus explicite, détaillée et non-ambigüe sur la stratégie sioniste au Moyen-Orient. De plus, il figure une représentation précise de la « vision » du régime sioniste actuellement au pouvoir de Begin, Sharon et Eitan pour l’ensemble du Moyen-Orient. Son importance, donc, ne repose pas dans sa valeur historique mais dans le cauchemar qu’il expose.
2
Le plan fonctionne selon deux principes essentiels. Pour survivre, Israël doit 1) devenir une puissance régionale impériale, et 2) doit accomplir la division de toute la région en états plus petits à travers la dissolution de tous les états arabes existants. « Petit » ici dépendra de la composition ethnique ou sectaire de chaque état. Par conséquent, l’espoir sioniste est que les états basés sur le sectarisme deviennent les satellites d’Israël et, ironiquement, sa source de légitimation morale.
3
Ce n’est pas une idée nouvelle, ni est-ce la première fois qu’elle émerge hors de la pensée stratégique sioniste. En effet, la fragmentation de tous les états arabes en unités plus petites a été un thème récurrent. Ce thème a été très modestement documenté par la publication d’AAUG, Le Terrorisme Sacré d’Israël (1980), par Livia Rokach. Sur les bases des mémoires de Moshe Sharett, ancien Premier Ministre d’Israël, l’étude de Rokach documente, dans des détails convaincants, le plan sioniste ainsi qu’il s’applique pour le Liban et qu’il fut préparé au milieu des années cinquante.
4
La première invasion israélienne massive du Liban en 1978 exécuta ce plan jusque dans ses détails les plus infimes. La seconde, plus conséquente et barbare invasion israélienne du Liban, le 6 juin 1982, a visé a rendre effectives certaines parties du plan espérant voir non seulement le Liban, mais la Syrie et la Jordanie aussi, se fragmenter. Ceci devrait ridiculiser les affirmations publiques israéliennes concernant leur désir d’un gouvernement central libanais fort et indépendant . Plus précisément, ils veulent un gouvernement central libanais qui entérine leurs desseins régionaux impériaux par la signature d’un traité de paix avec eux. Ils cherchent également l’acceptation de leurs ambitions de la part des gouvernements syrien, irakien, jordanien et des autres gouvernements arabes, tout comme de la part du peuple palestinien. Ce qu’ils veulent et projettent n’est pas un monde arabe, mais un monde de fragments arabes qui soit prêt à succomber à l’hégémonie israélienne. Donc, Oded Yinon, dans son essai « Une Stratégie pour Israël dans les années 1980 », évoque « de vastes opportunités pour la première fois depuis 1967 » qui sont suscitées par la « situation très explosive entourant Israël. »
5
La politique israélienne de déplacement forcé des Palestiniens hors de Palestine est une politique tout à fait active, mais qui est poursuivie avec davantage de zèle en temps de conflit, comme lors de la guerre de 1947-1948 et de la guerre de 1967. Un appendice intitulé « Israël Parle d’un Nouvel Exode » est ajouté à cette publication afin de démontrer les expulsions sionistes passées des Palestiniens hors de leur terre natale et exposer, au delà du principal document sioniste que nous présentons, d’autres projets sionistes de dé-palestinisation de la Palestine.
6
Il est clair d’après le document de Kivunim, publié en février 1982, que les « vastes opportunités » auxquelles ont pensé les stratèges sionistes sont les mêmes « opportunités » dont ils s’efforcent de convaincre le monde et qu’ils affirment avoir été générées par leur invasion de juin 1982. Il est également clair que les Palestiniens n’ont jamais été les seules cibles des plans sionistes, mais la cible prioritaire puisque leur présence viable et indépendante en tant que peuple est la négation de l’essence de l’état sioniste. Chaque état arabe, cependant, surtout ceux dotés d’une orientation nationaliste claire et cohésive, devient tôt ou tard une cible réelle.
7
Par contraste avec la stratégie détaillée et sans ambigüité exposée dans ce document, la stratégie arabe et palestinienne, malheureusement, souffre d’ambigüité et d’incohérence. Il n’y a pas d’indication que les stratèges arabes aient intériorisé le plan sioniste dans toutes ses ramifications. Plutôt, ils réagissent avec choc et incrédulité à chaque fois qu’une nouvelle étape en est franchie. Ceci ressort de la réaction arabe, quoique peu audible, au siège israélien de Beyrouth. La triste réalité est que tant que la stratégie sioniste pour le Moyen-Orient n’est pas prise au sérieux la réaction arabe à tout siège à venir d’autres capitales arabes sera la même.
Khalil Nakhleh – 23 juillet 1982
Avant-Propos
par Israel Shahak
1
L’essai qui suit représente, à mon avis, le plan exact et détaillé du régime sioniste actuel (de Sharon et Eitan) pour le Moyen-Orient basé sur la division de toute la région en petits états, et la dissolution de tous les états arabes existants. Je commenterai l’aspect militaire de ce plan dans une note de conclusion. Ici je souhaite attirer l’attention des lecteurs vers certains points importants:
2
1. L’idée que tous les états arabes devraient être fragmentés par Israël en unités plus petites est récurrente dans la pensée stratégique israélienne. Par exemple, Ze’ev Schiff, le correspondant militaire de Ha’aretz (et probablement le plus informé en Israël sur ce sujet) écrit à propos du « meilleur » qui puisse arriver en Irak pour les intérêts d’Israël: « La dissolution de l’Irak en un état chiite, un état sunnite et la séparation de la partie kurde » (Ha’aretz, 2 juin 1982). En réalité, cet aspect du plan est très ancien.
3
2. La forte connexion avec la pensée néo-consevratrice aux USA est prééminente, en particulier dans les notes de l’auteur. Mais, bien qu’un discours convenu soit fait en faveur de l’idée de la « défense de l’Occident » face à la puissance soviétique, le réel objectif de l’auteur, comme de l’establishment israélien actuel est clair: faire d’un Israël Impérial une puissance mondiale. En d’autres termes, l’objectif de Sharon et de tromper les Américains après qu’il ait trompé tous les autres.
4
3. Il est évident que beaucoup des informations pertinentes, à la fois dans les notes et dans le texte, ont été brouillées ou omises, comme pour l’aide financière US à Israël. Une grande part relève du pur fantasme. Mais, le plan ne doit pas être considéré comme étant sans influence, ou incapable d’une réalisation en peu de temps. Le plan suit fidèlement les idées géopolitiques courantes en Allemagne entre 1890 et 1933, qui furent digérées d’un coup par Hitler et le gouvernement nazi, et détermina leurs ambitions pour l’Europe Orientale. Ces ambitions, en particulier la division des états existants, furent accomplies entre 1939 et 1941, et seule une alliance à l’échelon mondial empêcha leur consolidation pendant un temps.
5
Les notes de l’auteur suivent le texte. Pour éviter la confusion, je n’ai pas ajouté de notes de mon fait, mais en ai mis la substance dans cet avant-propos et dans la conclusion de fin. J’ai, par contre, ajouté de l’emphase à certains éléments du texte.
Israel Shahak – 13 juin 1982
Une Stratégie pour Israël dans les années 1980
par Oded Yinon
Cet essai a d’abord paru en hébreu dans KIVUNIM (Orientations), un Journal pour le Judaïsme et le Sionisme; No. 14, Hiver 5742, Février 1982; Rédacteur-en-Chef: Yoram Beck. Comité Éditorial: Eli Eyal, Yoram Beck, Amnon Hadari, Yohanan Manor, Elieser Schweid. Publié par la Division de la Publicité/Organisation Sioniste Mondiale, Jérusalem.
1
En entamant les années 1980 l’État d’Israël a besoin d’une nouvelle perspective quand à sa place, à ses ambitions et objectifs nationaux, sur son territoire et à l’étranger. Ce besoin est devenu encore plus vital du fait d’un nombre de processus centraux que traversent le pays, la région et le monde. Nous vivons aujourd’hui le cours des premiers instants d’une époque nouvelle de l’histoire humaine qui ne ressemble pas du tout à la précédente, et ses caractéristiques sont totalement différentes de ce que nous avons connu jusqu’à présent. C’est pourquoi nous avons besoin d’une compréhension des processus centraux qui caractérisent cette époque historique d’une part, et d’autre part nous avons besoin d’une vision du monde et d’une stratégie opérationnelle en accord avec les nouvelles conditions. L’existence, la prospérité et la solidité de l’État Juif dépendront de sa capacité à adopter un nouveau cadre pour ses affaires domestiques et étrangères.
2
Cette époque se caractérise par plusieurs traits que nous pouvons déjà diagnostiquer, et qui représentent une véritable révolution de notre mode de vie actuel. Le processus dominant est l’effritement de la vision rationaliste et humaniste en tant que pierre d’achoppement majeure soutenant la vie et les réalisations de la civilisation occidentale depuis la Renaissance. Les opinions politiques, sociales et économiques qui ont émané de cette fondation ont reposé sur plusieurs « vérités » qui dorénavant disparaissent – par exemple, l’opinion selon laquelle l’homme en tant qu’individu est le centre de l’univers et tout existe afin de satisfaire ses besoins matériels vitaux. Cette position est actuellement invalidée depuis qu’il est devenu évident que la quantité de ressources du cosmos ne remplissent pas les attentes de l’Homme, ses besoins économiques et ses contraintes démographiques. Dans un monde où il y a quatre milliards d’êtres humains et des ressources économiques et énergétiques qui ne croissent pas en proportion pour satisfaire les besoins de l’humanité, il est irréaliste de s’attendre à satisfaire la principale attente de la Société Occidentale, c’est-à-dire, l’envie et l’aspiration à une consommation illimitée. L’opinion selon laquelle l’éthique ne joue aucune part dans la détermination de l’orientation qu’emprunte l’Homme, mais plutôt ses besoins matériels – cette opinion devient prééminente aujourd’hui comme nous voyons un monde dans lequel presque toutes les valeurs disparaissent. Nous perdons la capacité d’évaluer les choses les plus simples, surtout lorsqu’elles concernent la simple question de ce qui est Bien et de ce qui est Mal.
3
La vision des aspirations et capacités sans limites de l’homme s’efface devant les tristes réalités de la vie, quand nous sommes témoins de la fragmentation de l’ordre mondial autour de nous. L’opinion qui promet l’émancipation et la liberté à l’humanité semble absurde au regard du triste fait que les trois quarts de la race humaine vivent sous des régimes totalitaires. Les opinions concernant l’égalité et la justice sociale ont été transformées par le socialisme et surtout par le Communisme en un sujet de raillerie. Il n’y a pas d’argument quand à la vérité de ces deux idées, mais il est clair qu’elles n’ont pas été correctement mises en pratique et la majorité de l’humanité a perdu la liberté et l’opportunité de l’égalité et de la justice. Dans ce monde nucléaire où nous vivons (encore) en paix relative depuis trente ans, le concept de paix et de coexistence parmi les nations n’a aucun sens quand une superpuissance comme l’URSS entretient une doctrine militaire et politique telle qu’est la sienne: que non seulement une guerre nucléaire est possible et nécessaire afin d’accomplir les buts du Marxisme, mais qu’il est possible d’y survivre après coup, sans parler du fait qu’on puisse en sortir victorieux.
4
Les concepts essentiels de la société humaine, surtout en Occident, subissent un changement à cause de transformations politiques, militaires et économiques. Ainsi, la puissance nucléaire et conventionnelle de l’URSS a transformé l’époque qui vient de s’achever en dernier répit avant la grande saga qui démolira une grande partie de notre monde dans une guerre globale mutli-dimensionnelle, en comparaison de laquelle les guerres mondiales passées n’auront été que des jeux d’enfants. La puissance des armes nucléaires et conventionnelles, leur quantité, leur précision et qualité mettront le monde sur sa tête en quelques années, et nous devons nous aligner afin d’y faire face en Israël.C’est là, donc, la principale menace à notre existence et à celle du monde occidental. La guerre pour les ressources du monde, le monopole arabe sur le pétrole, et le besoin de l’Occident d’importer la majeure partie de ses matières premières du Tiers-Monde, transforment le monde que nous connaissons, étant donné que l’un des objectifs majeurs de l’URSS est de vaincre l’Occident en prenant le contrôle des gigantesques ressources du Golfe Persique et dans la partie méridionale de l’Afrique, où se situe la majorité des minéraux du monde. Nous pouvons imaginer l’échelle de la confrontation mondiale à laquelle nous serons confrontés dans l’avenir.
5
La doctrine Gorshkov appelle à un contrôle soviétique des océans et de régions riches en minéraux du Tiers-Monde. Ceci, de pair avec la doctrine nucléaire soviétique actuelle comme quoi il est possible de gérer, remporter et survivre à une guerre nucléaire, pendant laquelle la puissance militaire de l’Occident peut bien être détruite et ses habitants rendus esclaves au service du Marxisme-Léninisme, représente le principal danger pour la paix mondiale et notre propre existence. Depuis 1967, les Soviétiques ont transformé la phrase de Clausewitz en « La guerre est la continuation de la politique par des moyens nucléaires », et en ont fait le slogan qui guide toutes leurs politiques. Déjà, aujourd’hui ils s’affairent à remplir leurs objectifs dans notre région et à travers le monde, et le besoin de leur faire face devient l’élément majeur de la politique sécuritaire de notre pays et bien sûr du reste du Monde Libre. C’est notre principal défi à l’étranger.
6
La monde arabo-musulman, par conséquent, n’est pas le principal problème stratégique que nous allons rencontrer dans les années 1980, en dépit du fait qu’il soit porteur de la principale menace envers Israël, du fait de sa puissance militaire croissante. Ce monde, avec ses minorités ethniques, ses factions et ses crises internes, qui est incroyablement auto-destructeur, comme nous pouvons le voir au Liban, dans l’Iran non-arabe et maintenant aussi en Syrie, est incapable de régler avec succès ses problèmes fondamentaux et ne constitue donc pas une réelle menace contre l’État d’Israël à long terme, mais seulement à courte échéance où sa puissance militaire immédiate a beaucoup d’impact. À long terme, ce monde sera incapable d’exister dans son cadre actuel dans la région nous environnant, sans devoir passer par de réels changements révolutionnaires. Le Monde Arabo-Musulman est construit comme un château de cartes temporaire assemblé par des étrangers (la France et la Grande-Bretagne dans les années 1920) sans que soient pris en considération les souhaits et les désirs de ses habitants. Il a été arbitrairement divisé en 19 états, tous faits de combinaisons de minorités et de groupes ethniques hostiles les uns envers les autres, si bien que chaque état arabo-musulman, est aujourd’hui confronté à la destruction ethnique et sociale de l’intérieur, et dans certains une guerre civile fait déjà rage. La plupart des Arabes, 118 millions sur 170 millions, vivent en Afrique, surtout en Égypte (45 millions aujourd’hui).
7
Hormis l’Égypte, tous les états du Maghreb sont faits d’un mélange d’Arabes et de Berbères non-arabes. En Algérie il y a déjà une guerre civile qui fait rage dans les montagnes Kabyles entre les deux nations du pays. Le Maroc et l’Algérie sont en guerre à propos du Sahara Espagnol, en plus des troubles internes dans chaque pays. L’Islam militant met en péril l’intégrité de la Tunisie et Khadafi organise des guerres qui sont destructrices du point de vue arabe, depuis un pays qui est à peine peuplé et qui ne peut devenir une nation puissante. C’est pourquoi il a essayé des unifications dans le passé avec des pays plus authentiques, comme l’Égypte et la Syrie. Le Soudan, l’état le plus déchiré dans le monde arabo-musulman aujourd’hui est construit sur quatre groupes hostiles les uns envers les autres, une minorité arabe musulmane sunnite qui règne sur une majorité d’Africains non-arabes, de Païens et de Chrétiens. En Égypte il y a une majorité musulmane sunnite face à une grande minorité de Chrétiens qui prédomine en Haute-Égypte: ils sont quelques 7 millions, si bien que même Sadat, dans son discours du 8 mai, a exprimé la crainte qu’ils veuillent un état pour eux, une espèce de « deuxième » Liban chrétien en Égypte.
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Tous les États arabes à l’est d’Israël sont déchirés, fragmentés et criblés de conflits internes encore plus que ceux du Maghreb. La Syrie n’est fondamentalement pas différente du Liban à l’exception du fort régime militaire qui la dirige. Mais la guerre civile réelle se livrant de nos jours entre la majorité sunnite et la minorité régnante chiite alaouïte (seulement 12% de la population) rend témoignage de l’intensité des troubles domestiques.
9
L’Irak n’est, encore une fois, pas essentiellement différent de ses voisins, bien que sa majorité soit chiite et la minorité régnante sunnite. Soixante-cinq pour cent de la population n’a pas son mot à dire en politique, dans laquelle une élite représentant 20 pur cent de la population détient le pouvoir. De plus il y a une large minorité kurde au nord, et si ce n’était la force du régime en place, l’armée et les revenus pétroliers, l’état futur de l’Irak ne diffèrerait pas de celui du Liban dans le passé ou de la Syrie aujourd’hui. Les graines de conflits internes et de guerre civile sont déjà visibles aujourd’hui, surtout après l’arrivée au pouvoir de Khomeiny en Iran, un dirigeant que les Chiites d’Irak considèrent comme leur chef naturel.
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Toutes les pétromonarchies du Golfe et l’Arabie Saoudite sont construites sur un fragile château de sable dans lequel il n’y a rien d’autre que le pétrole. Au Koweït, les Koweïtiens ne forment qu’un quart de la population. Au Bahreïn, le Chiites sont la majorité mais sont privés du pouvoir. Aux Émirats Arabes Unis, encore une fois les Chiites sont majoritaires mais les Sunnites sont au pouvoir. La même chose est vraie à Oman et au Yémen du Nord. Même dans le Yémen du Sud marxiste il y a une minorité chiite significative. En Arabie Saoudite la moitié de la population est d’origine étrangère, égyptienne et yéménite, mais une minorité saoudienne détient le pouvoir.
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Le Jordanie est en réalité palestinienne, dirigée par une minorité bédouine de Cisjordanie, mais la majeure partie de l’armée et assurément la bureaucratie sont désormais palestiniennes. En fait Amman est aussi palestinienne que Naplouse. Tous ces pays disposent de puissantes armées, relativement parlant. Mais ici il y a aussi un problème. L’armée syrienne est majoritairement sunnite avec un corps d’officiers alaouïtes, l’armée irakienne chiite avec des commandants sunnites. Ceci a une grande importance sur le long terme, et c’est pourquoi il ne sera pas possible de préserver la loyauté de l’armée pendant longtemps sauf en ce qui concerne le seul dénominateur commun: l’hostilité envers Israël, et aujourd’hui cela même ne suffit plus.
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Parallèlement aux Arabes, aussi divisés soient-ils, les autres états musulmans partagent des problèmes similaires. La moitié de la population iranienne est constituée d’un groupe de langue persane et l’autre moitié d’un groupe ethniquement turc. La population de la Turquie comprend une majorité turque musulmane sunnite, à peu près 50%, et deux grandes minorités, 12 millions d’Alaouïtes chiites et 6 millions de Kurdes sunnites. En Afghanistan il y a 5 millions de Chiites qui forment un tiers de la population. Au Pakistan sunnite il y a 15 millions de Chiites qui mettent en danger l’existence de cet état.
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Ce portrait de minorités ethniques nationales s’étendant du Maroc à l’Inde et de la Somalie à la Turquie indique l’absence de stabilité et une rapide dégénérescence de toute la région. Quand ce portrait est ajouté au décor économique, nous voyons comment l’ensemble de la région est construit comme un château de cartes, incapable de surmonter ses sévères problèmes.
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Dans ce monde immense et fracturé il y a quelques groupes fortunés et une énorme masse de pauvres gens. La plupart des Arabes ont un revenu annuel moyen de 300 dollars. C’est la situation en Égypte, dans la plupart des pays du Maghreb sauf pour la Libye, et en Irak. Le Liban est déchiré et son économie tombe en morceaux. C’est un état dans lequel il n’y a pas de pouvoir centralisé, mais seulement 5 autorités souveraines de facto (chrétienne au nord, soutenue par les Syriens et dirigée par le clan Franjieh, à l’est une zone de conquête syrienne directe, au centre une enclave chrétienne contrôlée par les Phalangistes, au sud et jusqu’au fleuve Litani une région principalement palestinienne contrôlée par l’OLP et l’état chrétien du Major Haddad et un demi-million de Chiites). La Syrie est dans une situation encore plus grave et même l’assistance qu’elle obtiendra à l’avenir après l’unification avec la Libye se suffira pas à gérer le simple problème de l’existence et l’entretien d’une grande armée. L’Égypte est dans la pire situation: des millions sont au bord de la famine, la moitié de la population active est au chômage, et les logements sont rares dans cette région la plus densément peuplée du monde. À l’exception de l’armée, il n’y a pas un seul ministère qui fonctionne efficacement et l’état est dans une situation de banqueroute permanente, dépendant entièrement de l’aide étrangère américaine accordée depuis la paix.
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Dans les états du Golfe, en Arabie Saoudite, en Libye et en Égypte il y a la plus grande accumulation d’argent et de pétrole au monde, mais ceux qui en bénéficient sont de minuscules élites qui manquent d’une large base de soutien et de confiance en soi, quelque chose qu’aucune armée ne peut garantir. L’armée saoudienne avec tout son équipement est incapable de défendre le régime de dangers réels domestiques ou venant de l’étranger, et ce qui s’est passé à La Mecque en 1980 n’en est qu’un exemple. Une situation triste et très explosive encercle Israël et lui crée des défis, des problèmes, des risques mais également de vastes opportunités pour la première fois depuis 1967. Il se peut que les opportunités manquées à cette époque deviennent réalisables pendant les années 1980 à un point et dans des perspectives que nous ne pouvons même pas imaginer aujourd’hui.
16
La politique de « paix » et la restitution des territoires, à travers une dépendance envers les USA, écartent la réalisation de la nouvelle option créée pour nous. Depuis 1967, tous les gouvernements d’Israël ont lié nos objectifs nationaux à des besoins politiques étroits, d’une part, et d’autre part à des opinions domestiques destructrices qui ont neutralisé nos capacités à la fois sur le territoire et à l’étranger. L’échec à faire des gestes en direction de la population arabe dans les nouveaux territoires, acquis à la suite d’une guerre qui nous fut imposée, est l’erreur stratégique majeure commise par Israël au lendemain de la Guerre de Six Jours. Nous aurions pu nous épargner tous les conflits amers et dangereux entre temps si nous avions donné la Cisjordanie aux Palestiniens vivant à l’ouest du Jourdain. Ce faisant nous aurions neutralisé le problème palestinien qui nous fait face aujourd’hui, et auquel nous avons trouvé des solutions qui ne sont en fait pas du tout des solutions, telles que des compromis territoriaux ou l’autonomie qui aboutissent, en somme, à la même chose. Aujourd’hui, nous sommes soudain face à d’immenses opportunités pour transformer dramatiquement la situation et c’est ce que nous devons faire dans la décennie qui vient, ou alors nous ne survivrons pas en tant qu’état.
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Au cours des années 1980, l’État d’Israël devra passer par de vastes changements domestiques dans son régime politique et économique, ainsi que par des changements radicaux dans sa politique étrangère, afin de confronter les défis globaux et régionaux de cette nouvelle époque. La perte des champs pétroliers du Canal de Suez, de l’immense potentiel en pétrole, en gaz naturel et autres ressources de la péninsule du Sinaï qui est géo-morphologiquement identique aux riches pays producteurs de pétrole de la région, résulteront en un déficit énergétique dans l’avenir proche et détruiront notre économie domestique: un quart de notre PNB actuel ainsi qu’un tiers du budget servent à l’achat de pétrole. La quête de matières premières dans le Néguev et le long de la côte ne servira pas, à court terme, à changer cet état de faits.
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(Regagner) la péninsule du Sinaï avec ses ressources actuelles et potentielles est par conséquent une priorité politique qui est obstruée par les accords de paix de Camp David. Le poids de cette faute retombe évidemment sur le gouvernement israélien actuel et sur les gouvernements qui ont pavé la route de la politique du compromis territorial, les gouvernements de l’Alignement depuis 1967. Les Égyptiens n’auront pas besoin de respecter le traité de paix après le retour du Sinaï, et ils feront tout ce qu’ils pourront pour rejoindre à nouveau la communauté du monde arabe et de l’URSS afin de gagner du soutien et de l’assistance militaire. L’aide américaine n’est garantie que pendant un court laps de temps, car les termes de la paix et l’affaiblissement des USA chez eux et à l’étranger entraîneront une réduction de l’aide. Sans pétrole et son revenu, avec les énormes dépenses actuelles, nous ne parviendrons pas à passer 1982 dans les présentes conditions et nous devrons agir afin de faire revenir la situation au statu quo qui existait au Sinaï avant la visite de Sadat et l’accord de paix mal inspiré signé avec lui en mars 1979.
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Israël dispose de deux voies majeures par lesquelles réaliser cet objectif, l’une directe et l’autre indirecte. L’option directe est la moins réaliste à cause de la nature du régime et du gouvernement en Israël ainsi que de la sagesse de Sadat qui obtint notre retrait du Sinaï, ce qui fut, après la guerre de 1973, son grand accomplissement depuis sa prise de pouvoir. Israël ne rompra pas le traité unilatéralement, ni aujourd’hui ni en 1982, à moins d’être sous une très grande pression politique et économique et que l’Égypte fournisse à Israël la bonne excuse pour reprendre le Sinaï entre nos mains pour la quatrième fois de notre courte histoire. Ce qui reste donc, est l’option indirecte. La situation économique en Égypte, la nature du régime et sa politique pan-arabe, susciteront une situation après avril 1982 dans laquelle Israël sera contraint d’agir directement ou indirectement afin de reprendre le contrôle du Sinaï en tant que réserve stratégique, économique et énergétique à long terme. L’Égypte ne constitue pas un problème militaire stratégique du fait de ses conflits internes et pourrait être repoussée jusqu’aux positions d’après la guerre de 1967 en pas plus d’une journée.
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Le mythe de l’Égypte comme fort chef de file du Monde Arabe fut démoli en 1956 et ne survécut certainement pas à 1967, mais notre politique, comme dans le cas de la restitution du Sinaï, ont servi à faire de ce mythe un « fait ». Toutefois, en réalité, la puissance de l’Égypte, relativement à Israël et au reste du Monde Arabe, s’est réduite à peu près de moitié depuis 1967. L’Égypte n’est plus le chef de file politique du Monde Arabe et est économiquement au bord de la crise. Sans assistance étrangère la crise est pour demain. À court terme, du fait de la restitution du Sinaï, l’Égypte va engranger de nombreux avantages à nos dépens, mais seulement à court terme jusqu’en 1982, et cela n’altèrera pas l’équilibre du pouvoir à son bénéfice, et provoquera même peut-être sa chute. L’Égypte, dans son paysage domestique actuel, est déjà un cadavre, d’autant plus si nous prenons en compte le désaccord croissant entre Musulmans et Chrétiens. Fragmenter le territoire de l’Égypte en régions géographiques distinctes est l’objectif politique d’Israël sur son front occidental.
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L’Égypte est divisée et déchirée entre plusieurs centres d’autorité. Si l’Égypte s’effondre, d’autres pays comme la Libye, le Soudan ou même les états plus lointains ne continueront pas d’exister sous leur forme actuelle et s’ajouteront à l’effondrement et à la dissolution de l’Égypte. La vision d’un État Chrétien Copte en Haute Égypte à côté de quelques états faibles ayant un pouvoir très localisé et sans gouvernement centralisé à ce jour, est la clé d’un développement historique qui n’a été que ralenti par l’accord de paix mais qui semble inévitable à long terme.
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Le front occidental, qui en apparence semble le plus problématique, est en fait moins complexe que le front oriental, sur lequel la plupart des événements ayant récemment fait les gros titres se sont déroulés. La dissolution totale du Liban en cinq provinces distinctes sert de précédent à l’ensemble du Monde Arabe y compris pour l’Égypte, la Syrie, l’Irak et la Péninsule Arabique et empreinte déjà cette voie. La dissolution de la Syrie et plus tard de l’Irak en zones d’unité ethnique ou religieuse comme au Liban, est le principal objectif d’Israël sur le front oriental à long terme, tandis que la dissolution de la puissance militaire de ces états sert d’objectif principal à court terme. La Syrie va se disloquer, selon sa structure ethnique et religieuse, en plusieurs états comme dans le Liban actuel, de sorte qu’il y aura un état Alaouïte Chiite le long de sa côte, un état Sunnite dans la région d’Alep, un autre état Sunnite à Damas hostile à son voisin du nord, et les Druzes qui établiront un état, peut-être même dans notre Golan, et certainement dans le Hauran et au nord de la Jordanie. Cet état de faits sera la garantie de paix et de sécurité dans la région à long terme, et cet objectif est déjà à notre portée aujourd’hui.
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L’Irak, d’une part riche en pétrole et déchiré intérieurement de l’autre, est un candidat garanti comme cible d’Israël. Sa dissolution nous est encore plus importante que pour la Syrie. À court terme c’est le pouvoir irakien qui constitue la plus grande menace à l’encontre d’Israël. Une guerre irako-iranienne déchirera l’Irak et provoquera son effondrement sur le plan domestique avant même qu’il n’ait le temps d’organiser une lutte contre nous sur un front plus large. Chaque espèce de confrontation inter-arabe nous assistera à court terme et raccourcira la voie vers l’objectif beaucoup plus important du morcellement de l’Irak en dénominations comme en Syrie et au Liban. En Irak, une division en provinces le long de lignes ethniques/religieuses comme en Syrie à l’époque ottomane est envisageable. Donc, trois (ou davantage) états existeront autour des trois villes principales: Bassorah, Bagdad et Mossoul, et les régions chiites du sud se sépareront du nord sunnite et kurde. Il est possible que l’actuelle confrontation entre l’Iran et l’Irak approfondisse cette polarisation.
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Toute la péninsule arabique est candidate naturelle à la dissolution du fait de pressions internes et externes, et le sujet est particulièrement inévitable en Arabie Saoudite. Que sa puissance économique basée sur le pétrole demeure intacte ou qu’elle soit diminuée à long terme, les conflits et les querelles internes sont un développement clair et naturel au regard de la structure politique actuelle.
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La Jordanie constitue une cible stratégique immédiate à court terme mais non à long terme, car elle ne représente pas réellement une menace à long terme après sa dissolution, la fin mise au long règne du Roi Hussein et le transfert du pouvoir aux Palestiniens à court terme.
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Il n’y a aucune chance que la Jordanie continue à exister dans sa structure actuelle très longtemps, et la politique d’Israël, à la fois en temps de paix comme en temps de guerre, devrait être orientée vers la liquidation de la Jordanie sous son régime actuel et au transfert de pouvoir à la majorité palestinienne. Changer le régime à l’est du fleuve amènera aussi la fin du problème des territoires densément peuplés d’Arabes à l’ouest du Jourdain. Que ce soit en temps de guerre ou dans des conditions de paix, l’émigration hors des territoires et la stagnation économique et démographique sur place sont les garanties du changement à venir sur les deux rives du fleuve, et nous devrions être actifs afin d’accélérer ce processus dans l’avenir le plus proche. Le plan d’autonomie devrait également être rejeté, ainsi que tout compromis ou division des territoires car, étant donné les plans de l’OLP et ceux des Arabes israéliens eux-mêmes, le plan Shefa’amr de septembre 1980, il n’est plus possible de continuer à vivre dans ce pays dans le contexte actuel sans séparer les deux nations, les Arabes vers la Jordanie et les Juifs vers les régions situées à l’ouest du fleuve. Une véritable coexistence et la paix ne règneront sur ces terres que lorsque les Arabes auront compris que sans pouvoir juif entre le Jourdain et la mer ils n’auront jamais ni l’existence ni la sécurité. Une nation à eux et en sécurité ne sera leur qu’en Jordanie.
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À l’intérieur d’ Israël la distinction entre les zones de ’67 et les territoires au-delà, ceux de ’48, n’a jamais revêtu de sens pour les Arabes et n’a plus de nos jours de signification pour nous. Le problème doit être pris dans sa totalité sans aucune division dès ’67. Il devrait être clair, dans n’importe quelle situation politique ou constellation militaire à venir, que la solution au problème des indigènes arabes ne viendra que lorsqu’ils auront admis l’existence d’Israël dans des frontières sécurisées jusqu’au fleuve Jourdain et au-delà, puisque notre besoin existentiel en cette époque difficile, l’ère nucléaire que nous allons bientôt pénétrer. Il n’est plus possible de vivre avec les trois quarts de la population juive sur le front de mer qui est si dangereux dans une ère nucléaire.
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La dispersion de la population est par conséquent un objectif domestique de la plus haute importance; sinon, nous cesserons d’exister à l’intérieur d »e nos frontières. La Judée, la Samarie et la Galilée sont notre seule garantie d’existence nationale, et si nous ne devenons pas la majorité dans les zones montagneuses, nous ne règnerons pas dans le pays et serons comme les Croisés, qui perdirent ce pays qui n’était de toute façon pas le leur, et dans lequel ils étaient, dès le départ, des étrangers. Le rééquilibrage démographique, stratégique et économique du pays est aujourd’hui l’objectif le plus important et le plus central. Prendre le contrôle du bassin versant montagneux de Bersabée à la Haute Galilée est l’objectif national généré par la considération stratégique majeure qui est de coloniser la partie montagneuse qui est aujourd’hui vide de Juifs.
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La réalisation de nos objectifs sur le front oriental dépend d’abord de la réalisation de cet objectif stratégique interne. La transformation de la structure politique et économique, afin de permettre la réalisation de ces objectifs stratégiques, est la clé pour accomplir le changement dans son ensemble. Nous avons besoin de changer d’une économie centralisée dans laquelle le gouvernement est largement impliqué, à un marché libre et ouvert ainsi que de passer d’une dépendance envers le contribuable US au développement, de nos propres mains, d’une véritable infrastructure économique productive. Si nous ne sommes pas capables de procéder à ce changement librement et volontairement, nous y serons contraints par les développements mondiaux, en particulier dans les domaines de l’économie, de l’énergie et de la politique, comme par notre propre isolement croissant.
30
D’un point de vue militaire et stratégique, l’Occident emmené par les USA est incapable de supporter les pressions globales imposées par l’URSS à travers le monde, et Israël doit donc se défendre seul dans les années 80, sans aucune assistance étrangère, militaire ou économique, et ceci est dans l’ordre de nos capacités aujourd’hui, sans compromis. De rapides changements mondiaux amèneront également une modification de le la situation de la Juiverie mondiale pour laquelle Israël deviendra non seulement un dernier recours mais la seule option existentielle. Nous ne pouvons pas présumer que les Juifs US et les communautés d’Europe et d’Amérique Latine continueront à exister sous leur forme actuelle à l’avenir.
31
Notre existence dans ce pays est en elle-même certaine, et il n’y a aucune force qui puisse nous en déloger que ce soit par la force ou par la ruse (la méthode de Sadate). En dépit des difficultés issues de la politique erronée de « paix » et du problème des Arabes israéliens et de ceux des territoires, nous pouvons concrètement régler ces problèmes dans un avenir proche.
Conclusion
1
Trois points importants doivent être clarifiés afin de pouvoir comprendre les chances significatives de réalisation de ce plan sioniste pour le Moyen-Orient, et aussi pourquoi il fallait qu’il soit rendu public.
2
La Toile de Fond Militaire du Plan
Les conditions militaires de ce plan n’ont pas été mentionnées ci-dessus, mais aux nombreuses occasions où quelque chose y ressemblant de près est « expliqué » au cours de réunions à huis clos à des membres de l’Establishment israélien, ce point est éclairci. Il est présumé que les forces militaires israéliennes, dans tous leurs corps, sont insuffisantes pour le travail en lui-même d’occupation de territoires aussi vastes que ceux décrits ci-dessus. En fait, même aux moments de « troubles » palestiniens intenses en Cisjordanie, les effectifs de l’Armée Israélienne sont trop dispersés. La réponse à cela est la méthode de pouvoir par le biais de « forces Haddad » ou d’ « Associations Villageoises » (aussi connues sous le nom de « Ligues Villageoises »): des forces locales sous les ordres de « chefs » complètement dissociés de la population, ne disposant même pas de structure féodale ou de parti (comme en ont les Phalangistes, par exemple). Les « états » proposés par Yinon sont des « Haddadlands » et des « Associations Villageoises », et leurs forces armées seront, sans nul doute, assez comparables. En outre, la supériorité militaire israélienne dans une telle situation sera beaucoup plus grande qu’elle ne l’est même maintenant, si bien que tout mouvement de révolte sera « puni » soit par une humiliation en masse comme en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, soit par le bombardement et l’annihilation de villes, comme au Liban aujourd’hui (juin 1982), ou encore les deux. Afin d’assurer cela, le plan, tel qu’expliqué oralement, appelle à l’établissement de garnisons israéliennes dans des lieux stratégiques entre les mini-états, équipées des forces mobiles de destruction nécessaires. En fait, nous en avons vu quelque chose au Haddadland et nous verrons certainement le premier exemple de ce système en fonctionnement au Sud Liban ou dans tout le Liban.
3
Il est clair que les présomptions militaires ci-dessus, ainsi que l’ensemble du plan, dépendent également des Arabes continuant à être encore plus divisés qu’ils ne le sont actuellement, et du manque de mouvement de masse vraiment progressiste en leur sein. Il se peut que ces deux conditions ne soient retirées que lorsque le plan sera bien avancé, avec des conséquences qui ne peuvent être prédites.
4
Pourquoi est-il nécessaire de publier ceci en Israël?
La raison de la publication est la nature duelle de la société juive israélienne: une très grande mesure de liberté et de démocratie, surtout pour les Juifs, combinée à l’expansionnisme et à la discrimination raciale. Dans une telle situation l’élite juive israélienne (car les masses suivent la TV et les discours de Menahem Begin) doit être convaincue. Les premières étapes de cette persuasion sont orales, comme indiqué ci-dessus, mais un temps arrive où cela devient problématique. Du matériel écrit soit être produit pour le bénéfice des « convainqueurs » et « expliqueurs » plus stupides (par exemple des officiers de rang intermédiaire qui sont souvent remarquablement stupides). Ensuite ils l’ « apprennent », plus ou moins, et le prêchent à d’autres. Il faut préciser qu’Israël, et même les Yishuv des années 20, ont toujours fonctionné de cette façon. Je me souviens personnellement bien comment (avant que je ne sois en « opposition ») la nécessité de la guerre m’a été expliquée ainsi qu’à d’autres un an avant la guerre de 1956, et la nécessité de la conquête du « reste de l’ouest de la Palestine dès que nous en aurons l’opportunité » fut expliquée dans les années 1965-67.
5
Pourquoi est-il présumé qu’il n’y a pas de risque extérieur significatif dans la publication de tels plans?
De tels risques peuvent provenir de deux sources, tant que l’opposition de principe reste très faible en Israël (une situation qui peut changer à la suite de la guerre contre le Liban): le Monde Arabe, y compris les Palestiniens, et les États-Unis. Le Monde Arabe s’est jusqu’à présent révélé bien incapable d’une analyse détaillée et rationnelle de la société juive israélienne, et les Palestiniens n’ont, en moyenne, pas été meilleurs que les autres. Dans une telle situation, même ceux qui crient au sujet des dangers de l’expansionnisme israélien (qui sont suffisamment réels) ne le font pas en se reposant sur un savoir factuel et détaillé, mais à cause de la croyance en un mythe. Un bon exemple est la croyance persistante en l’écriture non-existante sur le mur de la Knesset du verset biblique sur le Nil et sur l’Euphrate. Un autre exemple sont les déclarations persistantes et complètement fausses, qui ont été faites par certains des dirigeants arabes les plus importants, que les deux bandes bleues du drapeau israélien symbolisent le Nil et l’Euphrate, alors qu’en réalité elles sont tirées des rayures du châle de prière juif (Talit). Les spécialistes israéliens présument qu, en général, les Arabes ne prêteront pas attention à leurs discussions sérieuses sur l’avenir, et la guerre au Liban leur a donné raison. Donc pourquoi ne continueraient-ils pas avec leurs vieilles méthodes de persuasion des autres Israéliens?
6
Aux États-Unis existe une situation très similaire, au moins jusqu’à maintenant. Les commentateurs plus ou moins sérieux prennent leurs informations, et la plupart de leurs opinions sur le sujet, de deux sources. La première est les articles de la presse américaine « libérale » (de gauche, ndlr), écrite presque exclusivement par des admirateurs d’Israël qui, même s’ils critiquent certains aspects de l’état israélien, pratiquent loyalement ce que Staline appelait « la critique constructive » (en fait certains d’entre eux qui affirment aussi être « anti-stalinistes » sont en réalité plus stalinistes que Staline, avec Israël étant leur dieu qui n’a pas encore failli). Dans le cadre d’une admiration si critique il doit être présumé qu’Israël a toujours de « bonnes intentions » et fait seulement « des erreurs », et par conséquent un tel plan ne ferait pas matière à discussion – exactement comme les génocides bibliques commis par les Juifs ne sont pas mentionnés. L’autre source d’information, le Jerusalem Post, a des politiques similaires. Donc, aussi longtemps qu’en Israël existe la situation où c’est en fait une « société fermée » au reste du monde, parce que le monde veut fermer les yeux, la publication et même le commencement de la réalisation d’un tel plan sont réalistes et faisables.
Israel Shahak – 17 juin 1982, Jérusalem
Israel Shahak (1933-2001) était professeur de chimie organique à l’Université Hébraïque de Jérusalem et président de la Ligue Israélienne de Droits Civiques et Humains. Il a publié The Shahak Papers, une collection d’articles-clés de la presse hébraïque, et est l’auteur de nombreux articles et livres, dont Non-Jew in the Jewish State. Son dernier livre s’intitule Israel’s Global Role: Weapons for Repression, publié par l’AAUG en 1982.
Traduit de l’anglais par Lawrence Desforges
Source: http://www.globalresearch.ca/greater-israel-the-zionist-plan-for-the-middle-east/5324815

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