Source : Marianne, Thomas Rabino, 13-12-2019
La Miviludes, privée du quart de ses effectifs, quittera le 1er janvier prochain le giron de Matignon pour intégrer le ministère de l’Intérieur. Malgré le semblant de garanties données par l’exécutif, l’action antisectes a du plomb dans l’aile.
La publication de cet article a semble-t-il fait bouger quelques lignes. Sollicité à plusieurs reprises par Marianne, le gouvernement nous a adressé les précisions suivantes dans la soirée qui a suivi sa mise en ligne, ce vendredi : le site internet de la Miviludes fera l’objet d’une « remise à niveau technique en 2020 » qui ne remet pas en cause son existence. Dont acte. Au centre de toutes les inquiétudes, les archives de la Mission « seront transférées en toute sécurité au SG-CIPDR[Secrétariat général du Comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation, NDLR]. » En résumé, « il n’est évidemment pas question de détruire les archives ». Cette remarque n’avait cependant rien d’évident selon plusieurs témoins des réunions préparatoires au déménagement de la Miviludes, pendant lesquelles la « destruction des archives » a été évoquée pour pallier le manque d’espace.
Il en va de même pour les locaux exigus originellement accordés à la Miviludes : « Il n’a jamais été question de limiter à ce point l’espace dévolu à la Miviludes, assure le service communication de Matignon. Celle-ci disposera de l’espace suffisant pour que les agents puissent travailler, recevoir les personnes et entreposer les archives. L’identification des surfaces et locaux concernés est en cours et les décisions sur ce point seront prises dans les semaines à venir. » Des éléments plutôt rassurants aux airs de rétropédalage… Affaire à suivre.
Au sein de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), mais aussi dans les milieux associatifs, au Sénat et à l’Assemblée nationale, on s’interroge : pourquoi supprimer un organisme qui, en dix-huit ans d’existence, a prouvé son efficacité malgré un budget n’excédant pas les 500.000 euros ? Pourquoi réduire son personnel déjà peu étoffé pour le faire passer de 14 à 9 membres, alors que les 3 000 signalements de mouvements sectaires recensés l’année dernière traduisent une hausse de 23 % par rapport à 2017 ? « Personne ne comprend le sens de cette dissolution de fait », glisse à Marianne un proche de la Miviludes. « Chaque semaine, une église évangélique ouvre ses portes en France, avec des pasteurs autoproclamés qui prétendent ‘‘guérir l’homosexualité’’ ! La Scientologie vient d’investir 33 millions d’euros dans un siège social de 7.000 mètres carrés à Saint-Denis et le complotisme prolifère, porté par des mouvements sectaires très actifs sur internet », rappelle notre interlocuteur. En bref, la Miviludes est plus indispensable que jamais. Son existence paraît néanmoins sérieusement compromise.Lire la suite