Peur contre peur. Par Chris Hedges

Source : Truthdig, Chris Hedges, 12-08-2019
M. Fish / Truthdig
Les anciennes règles de la politique ne s’appliquent plus. Le seul langage que comprennent Donald Trump et sa coterie d’escrocs, de milliardaires, de généraux, d’inadaptés et de chrétiens fascistes – et un parti démocrate qui nous a vendus – est la peur. Hurler au sujet des mensonges et du racisme de Trump n’a pas d’importance. Hurler au sujet de son népotisme et sa corruption n’a pas d’importance. Hurler au sujet de son administration criminelle n’a pas d’importance. Hurler au sujet de son incompétence et son idiotie ne compte pas. Hurler au sujet de la soumission abjecte des élites dirigeantes au pouvoir des entreprises ne compte pas. Trump et ses opposants du Parti démocrate sont immunisés contre la persuasion morale. Plus nous nous engageons dans ce théâtre kabuki vide de sens avec ses débordements bizarres et prévisibles, habituellement proférés par Trump, et ses réponses outragées et prévisibles, habituellement proférées par les démocrates, plus nous sommes certains de la paralysie du gouvernement et de la tyrannie des entreprises. Les radotages et les invectives qui passent pour du discours politique sont une roue de hamster géante qui ne va nulle part. Ils masquent les causes profondes de notre déclin politique et économique et divisent la population en camps belligérants qui communiquent de plus en plus par la violence, ce qui explique pourquoi les États-Unis ont subi cette année plus de 30 massacres d’au moins trois morts chacun.
Nous ne nous sauverons qu’en dressant le pouvoir contre le pouvoir. Et puisque nos deux principaux partis politiques obéissent servilement au pouvoir des entreprises et montrent peu de différences essentielles sur presque tous les problèmes majeurs, de l’impérialisme au capitalisme sans entraves, nous devons partir de zéro. Les personnalités politiques, y compris celles de gauche comme Alexandria Ocasio-Cortez, Bernie Sanders, Ilhan Omar et Elizabeth Warren, sont des distractions. Ils n’ont aucun pouvoir au sein du parti démocrate, comme nous le rappelle souvent Nancy Pelosi. Ils servent à réduire la politique à des querelles personnelles, menue monnaie de la vaste émission de télé-réalité perpétrée à des fins lucratives par les médias privés. Les va-et-vient quotidiens de ces personnalités détournent notre attention de la consolidation rapide de la richesse et du pouvoir par les élites dirigeantes, de la dégradation de l’écosystème en une friche toxique et de l’éradication des libertés et droits fondamentaux. Le système politique américain n’est pas récupérable. Il sera renversé lors d’un soulèvement de masse – dont nous avons vu récemment une version à Porto Rico – ou bien de vastes étendues du globe deviendront inhabitables et les riches se nourriront comme des goules de la misère humaine croissante. Ce sont les deux options difficiles. Et il nous reste très peu de temps.
Les démocrates, s’ils avaient un parti politique fonctionnel et s’ils n’étaient ni possédés ni gérés par des entreprises, pourraient facilement déboulonner Trump et démolir le Parti républicain, glissement de terrain électoral après glissement de terrain électoral. Sondage après sondage, comme le souligne Charles Derber dans son livre « Welcome to the Revolution » [« Bienvenue dans la Révolution », NdT], nous savons ce que la majorité des Américains veulent. Une éloquente proportion de 82 % d’entre eux pensent que les riches ont trop de pouvoir et d’influence à Washington, et 70 % estiment que les grandes entreprises ont trop de pouvoir. Près de 80 % sont en faveur de lois plus strictes et de l’application de la réglementation dans le secteur financier. Près de la moitié des Américains pensent que les inégalités économiques sont « très grandes », et 34 % pensent qu’elles sont « modérément grandes ». Près de 60 % des électeurs inscrits et 51 % des républicains inscrits sont favorables à une augmentation de 14 820 $ à 18 000 $ du montant maximal que les travailleurs peuvent gagner tout en bénéficiant du crédit d’impôt sur le revenu. Un pourcentage stupéfiant de 96 % des Américains, dont 96 % des Républicains, croient que l’argent en politique est responsable du dysfonctionnement du système américain. Près de 80 % des gens pensent que les Américains les plus fortunés devraient payer plus d’impôts. Près de 60 % sont favorables à l’augmentation du salaire minimum fédéral à 12 $ de l’heure. 61 % des sondés, dont 42% des républicains, approuvent les syndicats. 60 % des Américains pensent « qu’il incombe au gouvernement fédéral de s’assurer que tous les Américains aient accès aux soins de santé », et 60 % des électeurs inscrits sont en faveur de « l’extension de Medicare pour fournir une assurance santé à chaque Américain ». Près de 60 % sont en faveur d’une éducation gratuite dès la petite enfance, et 76 % sont « très préoccupés » par le dérèglement climatique. 84 % des personnes interrogées sont en faveur d’une vérification des antécédents de tous les acheteurs d’armes à feu. 58 % des Américains estiment que l’avortement devrait être légal dans la plupart des cas.Lire la suite

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