Brexit, et maintenant ? Entretien avec Bruno Guigue

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Le jour est, on peut le dire, historique. En ce vendredi 24 juin 2016, les anglais viennent de déjouer les pronostics de tout ce que la France compte d’éditorialistes, de politiques et de soi-disant intellectuels en votant favorablement pour une sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne. Ce « Brexit », sujet tabou, devient une réalité. Le Cercle des Volontaires a souhaité aller à la rencontre de M. Bruno Guigue, ancien haut fonctionnaire et politologue, pour prendre un peu de hauteur sur ces évènements et se poser la question : « Brext, et maintenant ? ».
Entretien !

Les sujets abordés dans la vidéo sont listés ci-dessous. Les réponses de M. Guigue sont à retrouver dans la vidéo.

1. L’analyse du Brexit par les experts et les éditorialistes

Tout commence par un mensonge originel. Celui d’une construction européenne à cliquets. Où, étape après étape, on ne pouvait revenir en arrière. On se souvient de ce discours aujourd’hui complètement discrédité de Jacques Attali, dans lequel il prétendait avoir, avec ses petits camarades de l’époque, pris grand soin de rédiger des traités dont il n’était pas possible de sortir. Une vidéo est disponible ici.
Tout aussi remarquable, ce tweet daté du 22 juin dernier, d’Arnaud Leparmentier qui déclarait, ni plus ni moins (feignant d’ignorer, non seulement l’article 50 du TFUE, mais aussi et surtout le bon vouloir des peuples à se dédire de n’importe quel contrat inique) « On ne défait pas une omelette pour retrouver des œufs. Le brexit est matériellement impossible ».

Il montre ici non seulement une incompétence dont normalement (dans un monde qui tournerait rond) sa carrière professionnelle ne devrait se remettre, mais en plus, il faut le dire, d’une certaine prétention… Apparemment bien sûr de lui-même et de son fait.
Nota : Arnaud Leparmentier fait ici référence à Henrik Enderlein et Pascal Lamy, respectivement « Directeur du bureau de Berlin de l’Institut Jacques Delors » et ancien « Président de l’OMC » (Organisation Mondiale du Commerce).
Question à M. Bruno Guigue : Selon vous, les analystes sont-ils malveillants, manipulateurs ou simplement incompétents ?
Réponse à 1 min 40 dans la vidéo

2. Jamais deux sans trois, vers une nouvelle arnaque ?

En janvier 2015, à l’annonce de l’arrivée au pouvoir, en Grèce, d’Alexis TsiprasJean-Claude Juncker (Président de la Commission Européenne) avait osé déclarer, droit dans ses bottes (qui claquent bien en général) : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ». Phrase que l’on pourrait reformuler, pour l’actualiser : « Il ne peut y avoir de référendum contre la construction de l’Union Européenne ».
Le référendum pour le Brexit ne peut que nous rappeler deux précédents notoires. Tout d’abord, bien sur, le référendum français de 2005 sur la constitution. Malgré un « non » fort de 55 % des votes exprimés,  il s’était fini, trois ans plus tard, en un déni total de démocratie par l’adoption du Traité de Lisbonne, ratifié par la voie du Congrès le 4 février 2008. Mais aussi, il y a tout juste un an, le référendum grec sur l’accord entre la Troïka et le gouvernement grec. Référendum lui aussi balayé d’un revers de main par Alexis Tsipras.
Dans les deux cas, les gouvernements respectifs s’étaient donc assis sur la voix des peuples et étaient passés outre. Dès lors, évidemment, comment faire confiance cette fois à l’oligarchie ? Et ne pas imaginer qu’elle puisse une fois encore, cacher une contre-attaque dans ses cartons.
À noter ce tweet à peine croyable de Peter Sutherland (Président de l’European Policy Centre, de Goldman Sachs International) :
Traduction :
« D’une manière ou d’une autre, le résultat doit être retourné »
Question à M. Bruno Guigue : Y a-t-il un risque qu’une fois de plus ce référendum populaire ne soit pas suivi des faits ?
Réponse à 5 min 40 dans la vidéo

3. Marchandage, étape trois de l’acceptation

Face à une situation de crise (rupture, deuil…) les psychologues analysent la réaction des victimes en cinq étapes. Le déni (ou refus) qui consiste à nier la réalité. Puis la colère, qui consiste a réagir violemment à cet évènement. Puis vient le marchandage ou la négociation, où la victime essaye de relativiser les faits. Avant que la dépression, phase quatre, ne suive, pour finir par l’acceptation finale.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, alors que l’on nous promettait l’apocalypse et les foudres de la colère divine, des voix se sont levées, dès vendredi, pour dire que le Brexit n’était finalement « pas si grave ». On a ainsi entendu sur iTélé, Christophe Barbier, une de ces « Pythie » qui promettaient, en cas de Brexit, pluies diluviennes et chutes de grenouilles, se satisfaire de ce qui serait finalement « un bien pour un mal » permettant enfin de se retrouver entre fédéralistes de bonne compagnie. Barack Obama déclarant finalement lui aussi sa confiance pour une sortie « sans heurts » de l’UE, comme le reportait ici iTélé dans sa bannière info :

Le CAC 40 n’a finalement perdu vendredi que ses gains des cinq jours précédents. La bourse de Londres perdant elle, moins que les bourses de Paris et Francfort.
Après le déni, après la colère, peut-être rentrons-nous enfin dans l’étape du  « marchandage » et de la négociation.
Question à M. Bruno Guigue : le Brexit peut-il nous faire entrer enfin dans une période de vrai débat sur l’UE ?
Réponse à 10 min 20 dans la vidéo

4. Encore une fois le coup d’une autre Europe possible ?

Manuel Valls nous a gratifié vendredi d’un tweet qui a amusé plus d’un observateur. Dans un contexte de « Loi Travail » où il se montre totalement sourd au peuple français, cet appel à « écouter les peuples » européens en a légitimement surpris plus d’un. Ne manquant pas de provoquer bien des railleries. Comme à chaque fois qu’un évènement rappelle à l’oligarchie que le peuple existe malgré tout « encore », celle-ci réagit toujours en prétendant qu’elle va enfin faire ce qu’elle a bien pris soin de ne pas faire depuis quarante ans : écouter le peuple et tout changer…

Jean-Luc Mélenchon, vendredi matin a lui aussi tenu le discours d’une nouvelle Europe en lançant une « petite bombe » en annonçant que  « les cinq présidents de l’Europe (*) » étaient en train de réfléchir, depuis « des mois » à un nouveau traité. Le problème étant que cela fait maintenant quarante ans que tous nos politiques nous vendent la nécessité d’une autre Europe tout en votant tous les traités les uns après les autres.
Question à M. Bruno Guigue : Quelle crédibilité les politiques peuvent-ils encore avoir pour vendre « une autre Europe » ?
Réponse à 14 min dans la vidéo

5. Fédéralistes contre souverainistes

Samedi matin, sur Europe 1, Bruno Le Maire faisait l’éloge des frontières européennes. Les européistes de tout poil ont le culte du drapeau… du drapeau européen, qu’ils veulent en tout lieu imposer au regard de tous. Certains, comme Bernard-Henri Lévy en appellent même régulièrement à une « nation européenne »… En un mot, finalement, les européistes s’affirment chaque jour comme sont des souverainistes, voire, comme de véritables nationalistes ! D’une nation qui serait une fédération européenne. Des nationalistes qui s’ignoreraient, en somme.
Les souverainistes nationaux étant juste pragmatiques et réalistes, en s’appuyant sur des nations qui ont le mérite d’exister et d’avoir démontré dans le passé leur capacité à protéger les peuples qui les constituent, là où les européistes seraient des idéalistes utopistes, qui veulent détruire des nations bien réelles pour tenter de construire une nation européenne chimérique ?
Question à M. Bruno Guigue : L’opposition entre fédéralistes et souverainistes va-t-elle s’imposer après ce Brexit ?
Réponse à 20 min 40 dans la vidéo

6. La couverture médiatique du Brexit

Une fois de plus, les médias rivalisent d’impartialité. Réalisant l’exploit de ne parvenir à interroger à peu près aucun partisan du Brexit, témoignage après témoignage, tous regrettent le choix du peuple anglais. Plus drôle encore, nos médias ont réussi à trouver des témoins ayant « soi-disant » voté pour le Brexit et qui le regrettent déjà ! (Pourquoi ? Cela n’était malheureusement pas précisé…).
Mais le summum  est venu d’iTélé, vendredi, qui présenta trois arguments pour bien nous expliquer combien le Brexit allait avoir à très court terme d’impact sur la vie des anglais. Et ces trois arguments ne manquaient pas de surprendre. Tout d’abord en annonçant que la banque J.P. Morgan avait menacé de retirer une partie de ses activités (et donc de ses emplois) d’Angleterre. Ensuite en expliquant que les pauvres retraités anglais vivant en France ne pourraient plus profiter des prestations sociales françaises (auxquelles ils n’ont jamais cotisé). Et enfin que les touristes britanniques ne pourront plus se payer de vacances sur la Côte d’Azur, et seront obligés de se rabattre sur les plages de Brighton.
Au délà du commentaire très condescendant vis-à-vis de la station balnéaire anglaise, force est de constater que d’évoquer comme arguments, les menaces de la grande finance, et les soucis des retraités et des vacanciers anglais est à priori à minima inaudible, et probablement même « contre-productif » aux oreilles du peuple anglais dont les préoccupations (économie, immigration) sont toutes autres.
Question à M. Bruno Guigue : Une fois de plus ce Brexit ne révèle-t-il pas un décalage total entre médias et population ?
Réponse à 26 min 50 dans la vidéo
Nico Las (TDH)

(*) Les cinq présidents européens sont :
– Jean-Claude Juncker : Président de la Commission européenne
– Martin Schulz : Président du Parlement
Donald Tusk : Président du Conseil européen
– Federica Mogherini : Président du Conseil des affaires générales et relations extérieures
– Jeppe Tranholm-Mikkelsen : Secrétaire général du Conseil de L’Union
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