Le Conseil constitutionnel, dont on rappelle que son rôle est de veiller à la conformité des lois avec la Constitution mais pas de faire les lois ni la Constitution, ce Conseil donc, qui se montre habituellement si prudent et mesuré dans le contrôle des prérogatives régaliennes de la Ve République vient de commettre un acte assez inouï en torpillant soudainement certaines des dispositions législatives réprimant la complicité d’entrée et de séjour irréguliers sur le territoire français. Ceci est en train de provoquer une levée de boucliers de la part des constitutionnalistes, comme en témoigne la tribune d’Anne-Marie Le Pourhier, professeur de droit public à l’université Rennes-I et vice-président de l’Association française de droit constitutionnel[1]. Bien sûr, les bonnes âmes de l’humanitaire vont se réjouir de cette décision. Mais, on doit considérer l’ampleur des bouleversements qu’elle introduit et qui menacent, directement et indirectement, nos libertés publiques.
Un constat
Madame Anne-Marie Le Pourhier, commence sa tribune par ce constat : « Le juge constitutionnel a trahi sur au moins trois points la lettre et l’esprit de la Constitution qu’il est chargé d’appliquer: d’une part, la fraternité n’a jamais eu la moindre définition ni donc de contenu normatif ; d’autre part, elle n’a jamais évidemment concerné que les citoyens de la nation française réunis en «fratrie» symbolique ; enfin, l’article 2 de la Constitution distingue soigneusement la «devise» de la République de son «principe» qui n’est pas du tout celui que le Conseil constitutionnel prétend consacrer ». Ce constat, on le partage sur le premier et le dernier point.Lire la suite