USA-France : Chronique d’un naufrage médiatique globalisé

« La presse mondiale catastrophée »

Tel est le titre d’une dépêche de l’AFP reprise par un certain nombre de journaux francophones et de médias suite à la victoire de Donald Trump. Si l’annonce de la dépêche s’est métamorphosée dans la plupart des médias l’ayant reprise en un beaucoup plus consensuel : « Les médias en pleine introspection », le titre originel reste affiché dans la plupart des url des articles en question.
Mais puisque cette « presse mondiale » a prétendu, et prétend encore, nous allons le voir, avoir fait preuve d’indépendance, et avoir assuré une parfaite impartialité dans son traitement de la campagne, pourquoi, au juste serait-elle « catastrophée » par les résultats de l’élection ? Et puisque les titres de presse prétendent offrir une diversité d’opinion et jouir d’une liberté d’information assez ferme et vivace pour garantir le bien-fondé de nos démocraties, comment pourraient-ils faire corps dans une unité de point de vue assez parfaite pour que l’on puisse affirmer que c’est bien « la presse mondiale » dans son ensemble qui subit cette catastrophe ?

La tribune du New-York Times, aveu ou déni ?

Que l’on soit favorable ou non à l’élection de Donald Trump, il tiendrait de la gageure de contester que le parti pris de l’écrasante majorité des médias de masse, notamment en France et aux États-Unis, penchait en faveur d’Hillary Clinton. Voilà une chose que les médias en question ne reconnaissent évidemment pas, bien que le témoignage de leur surprise et de leur déception ait occupé un temps d’antenne conséquent suite à l’annonce des résultats.
Contrairement à la quasi totalité de leurs confrères, l’éditeur et le rédacteur en chef du New York Times se sont néanmoins sentis obligés de publier dimanche 13 novembre un communiqué dans l’édition new-yorkaise du prestigieux quotidien, afin se justifier de leur couverture de la campagne. Loin de s’y excuser pour leur partialité, leur manque de probité et de professionnalisme, il y écrivent :

Alors que nous réfléchissons à ce résultat capital, et les mois de reportages et de sondages qui l’ont précédé,  nous aspirons à nous recentrer sur la mission fondamentale du journalisme « Times« , qui est de décrire l’Amérique et le monde honnêtement, sans peur ni parti pris, en nous efforçant toujours de comprendre et de refléter toutes les perspectives politiques et l’expérience personnelle dans les articles que nous vous apportons.  Il s’agit aussi de conserver le pouvoir de réaliser des comptes-rendus de manière impartiale et inflexible.  Nous pensons avoir couvert les deux candidats de façon équitable durant la campagne présidentielle.  Vous pouvez compter sur le New York Times pour faire preuve de la même équité, du même niveau de contrôle, et de la même indépendance dans la couverture du nouveau Président et de son équipe.
Nous ne pouvons pas délivrer un journalisme indépendant et original -qui a fait notre renommée-  sans la loyauté de nos lecteurs. Nous voulons profiter de cette occasion, au nom de tous les journalistes du Times, pour vous remercier de cette fidélité.
Cordialement,
Arthur Sulzberger Jr., éditeur
Dean Baquet, rédacteur en chef
(traduction : levilainpetitcanard.be)

Devant un tel déni, suivi de la promesse que l’on croirait ironique de continuer de « faire preuve de la même équité, du même niveau de contrôle, et de la même indépendance » , on ne peut qu’inviter les journalistes du New-York Times, ainsi que tous leurs collègues à travers le monde faisant preuve au quotidien de ce même type d’« indépendance », à s’interroger réellement et à se poser a minima, un certain nombre de questions qui permettront peut-être de se reconnecter un tant soit peu à la réalité du monde qu’ils prétendent décrire.  Nous invitons cordialement les journalistes qui s’aventureraient sur notre site à réfléchir aux quelques éléments de réponse que nous leur proposons. Profitez-en, c’est gratuit.

Pourquoi les « minorités » n’ont pas fait gagner Clinton ?

Les organes partisans qui prenaient leur prophétie pour une réalité, s’étaient assurés que les peurs liées à l’avènement du fascisme, du sexisme et du racisme accolés systématiquement comme des épithètes au nom de Trump (à tort ou à raison, l’avenir nous le dira) suffiraient à précipiter les militants de la gauche radicale, les femmes, les latino-américains et les noirs sur la voie royale du « vote utile » en faveur de Clinton. Un article de la version états-unienne du site Slate, par exemple, affirmait le 4 août 2016 avec une prétention et une certitude sans mesure ni déontologie aucune :

« Donald Trump ne va pas être président », car pour cela il « devrait gagner des parts sans précédent des électeurs qui le détestent : les Noirs, les Latinos et les femmes »

Répéter à qui voulait l’entendre que le vote des victimes présumées de la politique de Trump se rallieraient mathématiquement au camp démocrate, comme l’ont fait médias et instituts de sondage, c’était oublier un certain nombre de paramètres politiques et sociaux que leurs biais idéologiques leur interdisaient d’interroger. C’était oublier, avant toute chose, que les électeurs se prononcent en tant qu’individus, et pas en tant que membres et représentants d’une catégorique ethnique ou sociale à laquelle on voudrait les réduire.

L’échec de l’appel à la gauche radicale et aux femmes

« Les démocrates de Wall Street nous ont fait échouer » Militants de gauche militant contre la nomination de Chuck Schumer comme représentant de la minorité démocrate au sénat
C’était oublier que les militants de la gauche radicale n’ont pas encore digéré les reniements successifs du parti démocrate sur les questions géopolitiques, économiques et sociales, de Bill Clinton à Barack Obama, et que l’échec d’Hillary, comme l’explique le philosophe Slavoj Zizek, est pour eux une opportunité plus qu’une défaite. Même au sein du parti démocrate, la volonté de changement est prééminente.
Ainsi, après la nomination du meneur de la minorité démocrate au sénat, Chuck Schumer, candidat rêvé de Wall Street, de jeunes militants du groupe allofUs2016 ont été interpelés après avoir manifesté dans le bureau de l’heureux élu, annonçant que les démocrates perdraient les élections tant qu’ils serviraient les intérêts de Wall Street. Ils s’étaient armés d’une bannière sur laquelle il était inscrit : « Les démocrates de Wall Street nous font échouer ».
Penser que les femmes, elle aussi, voteraient automatiquement Hillary, c’était oublier qu’ avant d’être une femme, elle est un représentant de commerce de l’hyper-classe mondialisée qui n’a de cesse d’imposer sur toute la surface de la terre l’image d’un corps féminin réduit au rang de marchandise sexuelle. Un nombre conséquent d’états-uniennes ne s’y sont pas trompées.
C’était oublier à ce titre qu’Hillary Clinton n’était absolument pas la seule femme à concourir pour la magistrature suprême, et qu’un nombre conséquent de femmes se retrouvaient certainement bien plus dans les figures de Jill Stein, de Gloria de la Riviera, d’Alyson Kennedy,  de Monica Moorehead, de Lynn Kahn, ou de Princess Khadijah que dans celle de Clinton. Et ceci bien que les candidatures de ces autres femmes aient été outrageusement ignorées par les médias.

La géopolitique contre la cooptation des latino-américains

Présenter les « latinos » comme les appellent les médias, comme des victimes potentielles de Trump, c’était oublier qu’ils ont une histoire précédant leur immigration. C’était oublier que cette histoire est intimement liée à celle de l’impérialisme états-unien, notamment dans la forme que lui donnèrent les gouvernements démocrates successifs, de la baie des cochons à la récente offensive ayant abouti à la destitution de Dilma Roussef au Brésil, à la déstabilisation du Venezuela ou à l’opération de corruption-infiltration « fast and furious » menée par l’administration Obama au Mexique par exemple.
C’était oublier que sans les accords de libre-échange et les guerres que les États-Unis imposent à l’Amérique du Sud, ces chers « latinos » sur lesquels comptait Clinton pour se mobiliser contre Trump n’auraient peut-être pas besoin d’encourir les risques liés au franchissement illégal de la frontière pour servir de sous-prolétaires clandestins aux multinationales made in USA.

Les afro-américains contre l’éternelle trahison démocrate

Le philosophe afro-américain Cornel West s’est prononcé en faveur d’Obama avant de le considérer comme la mascotte noire de Wall Street
Faire peser sur les noirs la menace de la négrophobie présumée de Trump pour les inciter à voter Clinton, c’était oublier enfin, qu’un nombre conséquent de noirs américains a pris conscience qu’Obama ne les représentait pas plus qu’un autre, ou pour le dire avec la virulence des propos du philosophe afro-américain Cornel West, qu’il avait été « la mascotte noire des oligarques de Wall Street ».  Malcom X, dans un discours devenu célèbre, disait déjà aux afro-américains vivant aux États-Unis : « si vous votez pour le parti démocrate, vous êtes un traître à votre race » .
La violence de ces propos ne trouve sa mesure que dans ceux du président démocrate Lyndon B. Johnson rapportés par le journaliste Ronald Kessler dans son ouvrage Inside the white house publié en 1996 : « je ferai en sorte que tous ces nègres votent démocrate pour les 200 années à venir » .

« Hillary nous parle comme à des animaux de compagnie »

Les noirs américains ne se contentent plus des gesticulations de chanteurs millionnaires issus de leur « communauté » diffusées en direct sur CNN pour accréditer un candidat de leur vote. La chanteuse afro-américaine Azealia Banks, partisane de Trump, a exprimé un sentiment partagé par beaucoup de noirs aux États-Unis : « Hillary nous parle comme si nous étions des enfants ou des animaux de compagnie ».
Si un certain nombre d’états où Obama l’avait emportée sont passés sous l’étendard républicain, c’est nécessairement parce qu’une portion considérable d’électeurs noirs a refusé de se mobiliser une nouvelle fois pour les démocrates en général, pour le clan Clinton en particulier.

Primaires : pourquoi des inégalités aussi flagrantes entre les candidats ?

Si les médias, les instituts de sondage et les « spécialistes » en tout genre ont oublié tout cela, c’est non seulement parce qu’ils avaient envie de l’oublier, mais avant tout parce qu’ils avaient envie de le faire oublier aux spectateurs-électeurs. L’énorme avantage médiatique dont ont bénéficié Clinton et Trump sur leurs concurrents durant les primaires, ont verrouillé le débat avant même qu’il ne commence.

Trump : la créature a-t-elle battu son créateur ?

A l’affût des moindres absurdités de Trump à relayer, les médias n’ont eu de cesse d’encourager la dynamique spectaculaire de l’insulte et du mépris qu’il avait engagée. Tout se passait comme s’il faisait office de candidat idéal face à Clinton. C’est à dire de candidat qui, après avoir éliminé tous les républicains plus ou moins modérés du paysage des primaires, était en mesure de faire passer Clinton pour la seule prétendante raisonnable à la présidence. Une stratégie qui n’est pas sans rappeler celle adoptée par l’équipe de François Mitterrand en 1986 pour favoriser le FN afin de déstabiliser le RPR de l’époque.

La stratégie du joueur de flûte

Ceux à qui cette stratégie semblera peu crédible peuvent s’en référer aux documents issus des courriels récupérés par Wikileaks échangés entre les membres de l’équipe de campagne d’Hillary. L’adversaire idéal censé pousser le parti républicain dans les marges de l’extrême droite afin de dégoûter l’électorat modéré y est surnommé pied piper, joueur de flûte, certainement en référence au conte allemand Le joueur de flûte de Hamelin rapporté par les frères Grimm, dans lequel le joueur de flûte fait sortir les rats de la ville pour les mener à la noyade et en délivrer les citadins :

Notre espoir est qu’une potentielle campagne d’Hillary Clinton et de la Convention Nationale Démocrate se fixe comme objectif de rendre le candidat républicain, quel qu’il soit, exécrable aux yeux de la majorité de l’électorat (…)
Il y a deux moyens de faire aboutir nos stratégies. La première consiste à user du champ [politique du parti adverse] comme un tout de manière à lui infliger des dommages similaires à ceux subis par Mitt Romney en 2012. La variété des candidats est positive en ce sens, et beaucoup parmi les moins connus peuvent permettre de pousser les candidats les mieux établis plus loin vers la droite. Dans ce scenario, nous ne voulons pas marginaliser les candidats les plus extrêmes,  mais faire en sorte qu’ils deviennent les meneurs et représentent le courant majoritaire du parti républicain. Les meneurs charismatiques incluent (mais ne se limitent pas à) :
. Ted Cruz . Donald Trump . Ben Carson
Nous avons besoin d’élever les candidats les plus charismatiques afin qu’ils deviennent les meneurs du lot et que la presse les prenne au sérieux.

Ce qui viendrait corroborer cette thèse avec le plus d’acuité ne vient pas du Wikileaks ni même du parti démocrate, mais de l’attitude du parti républicain lui-même. Les dirigeants du Grand Old Party savaient qu’une victoire de Trump serait le symptôme d’une défiance profonde des électeurs vis-à-vis de leur propre ligne politique. Faire gagner Trump à la primaire, c’était saboter le parti républicain de l’intérieur. Les responsables républicains le savaient. Ils avaient conscience qu’une opposition frontale à Trump placerait médiatiquement Clinton en position de sauveur de la démocratie et de rempart contre le fascisme.

Élections au congrès dans la ligne de mire

Par ailleurs, ils se plaçaient également dans la perspective des élections au congrès, se déroulant en même temps que l’élection présidentielle. La chambre des représentants et un tiers du sénat devaient se soumettre aux voies des urnes le 8 novembre. Or, les républicains voyaient Trump comme le fossoyeur d’une majorité républicaine au congrès, même s’il gagnait la présidentielle.
Beaucoup de gens chez les républicains pensaient avoir énormément à perdre dans la candidature de Trump. C’est pourquoi les cadres du parti ont tenté de saborder la campagne de leur propre candidat (ce qui ne faisait mystère pour personne). La presse, quant à elle, a joué avec un peu trop d’application le rôle qui lui était dévolu dans la montée en puissance de Trump pour discréditer les républicains. Certes, les électeurs ont pris Trump au sérieux, mais pas en tant que menace pour la démocratie.

Pourquoi le parti démocrate a-t-il saboté ses propres primaires ?

Du côté démocrate, l’avantage donné à Clinton avant même que les noms de l’intégralité des candidats à la primaire soient connus, témoigne lui aussi d’une envie de la part des médias et des « spécialistes » en tout genre. Une envie de faire oublier qu’aucune politique sociale d’envergure n’est compatible avec la forme spéculative, mercantiliste et impérialiste adoptée par le capitalisme néo-libéral qui trouve aujourd’hui son quartier général mondial quelque part entre Wall Street et Washington.

La complicité des entreprises de presse et de sondage

Placer Clinton en « favorite » des sondages tout en faisant oublier tous les candidats, démocrates ou indépendants qui rappelaient un tant soit peu cette évidence, aller jusqu’à exclure des débats et des sondages eux-mêmes les candidats tels que Martin O’Malley, Jim Webb ou Larry Lessig, sans même jamais prononcer leurs noms, voilà qui témoignait déjà d’une volonté manifeste des organes de presse et de sondage de fabriquer leur favorite sur les fondations d’un mensonge éhonté.

Algorithmes et sciences sociales au service de la propagande et du déni ?

Le sondage est au service de celui qui le commande. Il crée pour lui les éléments d’une réalité différée qui ne s’impose qu’au prix d’un martelage intensif avec la certitude de la prophétie auto-réalisatrice. Trump ne devait pas gagner. Il fallait donc parvenir, par la force de conviction hypnotique que pense exercer la presse sur son auditoire, à obtenir qu’il ne puisse pas gagner. Quitte à engager les mathématiques dans la bataille.
Ainsi, citations de politologues en poche, un article paru le 30 août 2016 sur le site euronews nous expliquait « pourquoi Trump ne peut pas gagner, c’est mathématique ». Un article paru le 12 août sur le site du JDD invoquait quant à lui l’autorité des sciences sociales pour donner des leçons de sociologie politique et de géographie électorale à Trump, tout en analysant par le prisme d’on ne sait quelle boule de cristal, les 5 raisons de sa défaite à venir. Aujourd’hui, Trump remercie certainement le JDD pour ses bons conseils …

Vers un retour au terrain contre les gadgets numériques ?

Les résultats des batteries d’algorithmes se sont révélé incapables de rapprocher un tant soit peu les journalistes de la réalité de terrain. Et si l’on peut déplorer l’indigence de la déontologie journalistique à cet égard, ivre de chiffres et de graphiques, il y a peut-être matière à se réjouir du fait que le cours de l’Histoire s’avère plus imprévisible qu’il n’y paraît.
Espérons (on a le droit de rêver) que l’expérience de la campagne conduira les médias à une saine remise en question, à une prise de distance salvatrice  vis-à-vis « des outils et des anecdotes technologiques » comme le suggère un article publié sur le site numerama, et à prendre au sérieux ce qu’un journaliste du New-York Times a eu tout de même l’honnêteté de nommer avec une nuance qui aurait été bienvenue au long de la campagne de la part de ses collaborateurs :  « une leçon pour l’âge digital ».

Des sondages pour comprendre ou façonner l’opinion ?

Mais une telle réflexion pose question. Quelle résolution au juste les maîtres de cérémonie des grand-messes médiatiques et autres télé-spécialistes assermentés comptent-ils tirer de cette leçon ? S’agira-t-il d’appréhender l’actualité avec davantage d’humilité afin de faire preuve de plus de déontologie, ou bien au contraire, cette comédie de la remise en question servira-t-elle qu’à servir leurs intérêts de classe avec plus d’efficacité ?
Ce que regrettent les rares titres de presse à avoir fait leur mea culpa, au fond ce n’est peut-être pas tant d’avoir échoué à percevoir et retranscrire les éléments les plus prégnants de la réalité de la campagne, mais plutôt d’avoir échoué à façonner cette réalité. Le rôle des sondages d’opinion est essentiel pour saisir cette nuance.  Comme l’écrit le conservateur britannique Peter Hitchens dans son ouvrage The Broken Compass, le sondage n’a jamais été un moyen de comprendre l’opinion, mais un moyen de la formater.

Bourdieu : l’opinion publique n’existe pas

Les gérants des entreprises de sondage reconnaissent aisément la dimension mercantile de leur activité, ainsi le président Pierre Weill, président de l’entreprise Taylor Nelson Sofres :

« le terme institut est devenu obsolète pour caractériser ce métier. Le terme institut en rappelle les origines, avec un côté universitaire et sociologique, alors que la réalité actuelle est celle des entreprises et du business. »

Cette réalité actuelle des entreprises et du business, elle sert, comme Pierre Bourdieu le signale dans son article L’opinion publique n’existe pas (1973), à créer l’illusion qu’il existe une opinion publique lisse et indivisible, par laquelle la ligne politique dominante peut se rassurer en disant « l’opinion publique avec nous » comme on disait autrefois « Dieu avec nous ».

La bonne excuse du « vote caché »

Or, lors de cette élection, les entreprises de sondage et les patrons de presse ont échoué à faire ce qui leur était demandé, à savoir faire en sorte qu’Hillary Clinton puisse dire en restant crédible « l’opinion publique avec moi ». Ou plutôt, ils lui ont donné la fausse certitude de cette sympathie dans l’opinion publique.
C’était sans compter sur ce que les sondeurs, les professionnels du consulting et autre agences de charlataning, appellent pour se dédouaner de leurs flagrantes escroqueries l’effet du « vote caché ». À savoir que devant la honte qu’on tentait d’infliger aux partisans de leurs positions politiques, un certain nombre d’électeurs interrogés par les multinationales du sondage ont peut-être refusé d’évoquer leur vote pour Trump lorsqu’ils étaient interrogés.

Une leçon pour la présidentielle française ?

Les chroniqueurs de la présidentielle française, fabricants quotidiens de faux débats et de fausses controverses, semblent avoir déjà choisi leurs candidats, dans les personnes d’Alain Juppé et d’Emmanuel Macron. Si certains  « spécialistes » ont commencé à envisager un virage conséquent dans leur manière d’aborder cette élection, il y a malheureusement fort à parier que certains ne changeront rien à leurs procédés. Ces derniers auront certainement de nombreuses surprises durant la campagne, c’est du moins tout ce que l’on peut en espérer. En attendant, les candidats n’ayant pas la sympathie des médias continuent de se faire humilier sous prétexte des faibles intentions de vote recueillies par les fameux sondages. C’est le cas de Jean-Frédéric Poisson, candidat à la primaire des « républicains » qui a décidé de quitter le plateau de France 3 le 16 novembre 2016 après qu’on lui ait coupé la parole pour lui faire parler des sondages. J.F Poisson a alors évoqué le discrédit qui pesait sur les entreprises de sondage depuis l’élection de Donald Trump.

Ce ne sont là que quelques questions destinées à interroger une prétention, un orgueil, un aveuglement médiatique qui n’a malheureusement rien d’exceptionnel.  Dans l’instant de l’annonce du résultat, le torrent de mépris, de certitude mal placée, de condescendance exprimés envers Trump et ses électeurs ont peut-être soudainement laissé place, quelques heures durant, à une once d’humilité et de remise en question. On ne peut qu’espérer qu’elle perdurera dans le traitement qui sera fait de la campagne qui attend désormais la France.
Galil Agar
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