Djibouti : Le grand jeu ! Par Richard Labévière

Source : Proche & Moyen-Orient, Richard Labévière, 26-03-2018
Le 17 mars 2017, prochetmoyen-orient.ch se félicitait d’enregistrer un certain retour de la France à Djibouti en titrant : « Paris – Djibouti : remise à flot… » Un an plus tard, force est de constater la confirmation du mouvement et l’intensification d’un Grand jeu dont Djibouti est devenu l’épicentre. Cette évolution confirme l’une des principales conclusions de la Revue Stratégique de Défense et de Sécurité, remise par Arnaud Danjean au Président de la République en novembre dernier : l’un des axes stratégiques majeurs de notre pays relie la Méditerranée, le canal de Suez, la mer Rouge à l’océan Indien. Djibouti en constitue le pivot central !
Bien avant son indépendance, l’histoire de la jeune République de Djibouti n’a pas été un long fleuve tranquille. « La Grande Bretagne, qui avait établi son protectorat sur l’Egypte en 1882, se prétendit héritière de droit des possessions égyptiennes sur les rives de la mer Rouge et de l’océan Indien. Ses visées se portèrent plus particulièrement sur Zeila, Berbera et Bulhar mais Massaoua fut laissée à l’Italie. Trop prudente pour risquer une aventure jusqu’à Harar, l’Angleterre abandonna à Ménélik – roi du Choa – la conquête de cette ville. L’Ethiopie dut cependant renoncer, une fois de plus, à réaliser son rêve millénaire de possession d’un port sur la mer Rouge. Elle adressa plusieurs demandes en ce sens aux puissances européennes avec l’espoir de ménager un « couloir » éthiopien vers la mer, mais en vain. La côte fut partagée entre l’Angleterre, installée à Zeila et Berbera, l’Italie à Massaoua et Assab, et la France à Obock, puis bientôt à Tadjoura et Djibouti »1.
Ce jeu à trois va se poursuivre durant une grande partie du XXème siècle jusqu’à l’indépendance du 27 juin 1977. Aujourd’hui que cet Etat-portuaire s’impose comme une ville-monde, au sens braudélien du terme – « les informations, les marchandises, les capitaux, les crédits, les hommes, les ordres, les lettres marchandes y affluent et en repartent » -, Djibouti est au cœur d’un grand jeu, qui fonctionne désormais à cinq : sa souveraineté et son développement sont directement confrontés aux intérêts de Dubaï, ville la plus importante et émirat des Emirats arabes unis (EAU) ; les Etats-Unis sont militairement présents depuis les attentats du 11 septembre 2001 ; la Chine y a installé sa première base militaire à l’étranger ; et la France continue à tenir son rôle historique de « plus vieil allié-fondateur ».
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