Covid-19 : Macron alimente-t-il le battage médiatique à propos d’un traitement qui n’a pas fait ses preuves ?

Source : Science Mag, Yves Sciama – 17-04-2020
Le débat très politisé sur l’utilisation de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine, deux médicaments antipaludiques, pour traiter le COVID-19 a atteint son paroxysme en France, où deux petits essais censés montrer un bénéfice potentiel ont été réalisés. Les médecins français ont subi d’énormes pressions de la part de patients désespérés pour qu’ils prescrivent de l’hydroxychloroquine, malgré le peu de preuves de son efficacité, et 460 000 personnes ont déjà signé une pétition pour la rendre plus largement disponible. Le microbiologiste Didier Raoult, qui est à la tête de cette campagne, est une personnalité controversée et bien connectée politiquement.
Son prestige s’est encore accru, puisque le Président français Emmanuel Macron s’est rendu à Marseille pour rencontrer D. Raoult, un directeur d’hôpital et chercheur qui a dirigé les deux essais. E. Macron n’a pas fait de commentaires après la rencontre, mais le rendez-vous, initié par E. Macron, était un signe clair de la nouvelle influence politique de D. Raoult. Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, l’un des nombreux scientifiques et médecins critiques de la réunion, a qualifié celle-ci de « politique spectacle« .
Un sondage publié par l’institut de sondage français IFOP le 6 avril a révélé que 59% de la population française pense que la chloroquine est efficace contre le nouveau coronavirus. La confiance dans les médicaments est plus élevée à l’extrême droite et à l’extrême gauche, et atteint 80% parmi les sympathisants du mouvement des « gilets jaunes » qui a organisé des manifestations massives contre la politique économique de Macron en 2018 et 2019. Le soutien est également très élevé, à 74%, dans la région de Marseille.
Karine Lacombe, responsable des maladies infectieuses à l’hôpital Saint Antoine de Paris, a déclaré à la télévision française qu’elle et son équipe avaient reçu des « menaces physiques » répétées pour avoir refusé de prescrire de la chloroquine ; elle a également déclaré avoir vu de nombreuses fausses ordonnances pour ce médicament. D’autres médecins ont fait état d’expériences similaires. La pression vient s’ajouter au stress causé par la pénurie d’équipements de protection, de tests de diagnostic et de personnel soignant.Lire la suite

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