Source : Le Point, Géraldine Woessner
Depuis le 13 mars, le gouvernement dispose d’une solution pour augmenter considérablement les capacités de tests de la France. Mais rien n’a bougé.
Les biologistes médicaux sont des gens polis. Lorsque Le Point les a contactés il y a 10 jours, ils ont hésité à parler. « Nous sommes en contact avec le gouvernement, la situation va forcément se débloquer… » Et puis ? Et puis rien. Silence radio. Un silence « incompréhensible », pour plusieurs des directeurs de laboratoires départementaux que Le Point a entendus. Les Français les connaissent mal, mais ils sont un rouage essentiel de notre système de santé. Implantés sur tout le territoire, 75 laboratoires publics (et leurs 4 500 employés) dépendent des départements, et assument la lourde tâche d’effectuer les analyses de contrôle des eaux, d’hygiène alimentaire ou de santé animale. Contrairement aux laboratoires de santé humaine, qui ne traitent ordinairement qu’un faible nombre d’analyses, ils sont dimensionnés pour travailler « par troupeaux », à la chaîne : pendant les crises de la vache folle ou de la peste aviaire, ils ont réalisé des dizaines de milliers de tests… par jour ! Et justement : c’est cette spécificité qu’ils pensaient que le gouvernement prendrait en compte. « Les laboratoires de biologie humaine, qui réalisent les tests aujourd’hui, travaillent avec des machines très performantes, mais » fermées, « c’est-à-dire conçues pour ne travailler qu’avec un seul type de réactifs », décrypte Philippe Nicollet, directeur du laboratoire départemental de l’environnement et de l’alimentation de Vendée.
Cela explique la pénurie actuelle de réactifs : les appareils disponibles dans les CHU ou les laboratoires privés, peu nombreux, sont souvent limités aux réactifs de leurs fabricants (une machine bioMérieux ne peut pas traiter un réactif Roche, par exemple.) À l’inverse, les machines utilisées dans les laboratoires départementaux sont « ouvertes » : « Pour nous prémunir contre une pénurie de réactifs en cas d’épizootie, nous avons choisi d’utiliser des thermocycleurs qui acceptent différents types de réactifs, précise Philippe Nicollet. Nous pouvons donc travailler avec une trentaine de kits disponibles. » Des tests PCR, ils en réalisent des centaines par jour. Et, parmi leurs kits, certains détectent déjà le coronavirus : « Le Covid-19 appartient à la même famille que les autres coronavirus ! » insiste Jean-Pierre Barreaud, président du laboratoire d’analyses départementales de la Creuse. « Il suffirait de vérifier auprès de l’Institut Pasteur que nos kits sont fiables, de les adapter au besoin… C’est l’affaire de quelques jours », confirme Jean-Louis Hunault, président du SIMV (Syndicat de l’industrie du médicament et du diagnostic vétérinaires).Lire la suite