Le président italien Sergio Mattarella avec Carlo Cottarelli
Nous relayons l’analyse de Joël Perichaud, secrétaire national du Parti de la démondialisation chargé des relations internationales, à propos des récentes élections en Italie. En effet, un certain chaos politique s’installe petit à petit dans ce pays (cf. le récent dérapage verbal du commissaire européen au budget, l’Allemand Günther Oettinger), dans un contexte où le Président italien Sergio Mattarella n’a pas validé au poste de Président du Conseil (l’équivalent du premier ministre) l’eurocritique Giuseppe Conte, et a choisi de lui substituer Carlo Cottarelli, qui a fait sa carrière au FMI, et fut surnommé « Monsieur Ciseaux » lorsqu’il fût nommé commissaire à la révision de la dépense publique en 2013…
Raphaël Berland
Lors des élections générales du 4 mars 2018, les Italiens ont clairement voté contre l’austérité imposée par leur gouvernement et l’Union européenne. Les négociations entre le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Lega, qu’ils ont placés en tête, ont été âpres et se sont soldées par un « contrat de coalition », présenté le 18 mai aux militants du M5S et de la Lega.
Malgré nos profonds désaccords politiques sur certains points du contrat de coalition (réaffirmation de l’ancrage de l’Italie dans l’Otan, instauration d’une « flax tax », rétention des demandeurs d’asile possible jusqu’à 18 mois en centre de rétention…), sur la stratégie à adopter vis-à-vis de l’UE (révision, « avec les partenaires européens, du cadre de la gouvernance économique ») et de son bras armé l’euro (« Révision de la politique de la monnaie unique », « actuellement basée sur la prédominance du marché »), nous respectons la souveraineté du peuple italien.
Rien ne peut justifier que le vote du 4 mars soit balayé et ou insulté tant par l’oligarchie que par la gauche bienpensante française. Nous souhaitons au peuple italien de sortir de l’austérité et pour cela de recouvrer sa souveraineté et son indépendance nationale en espérant qu’il tienne compte de la tragédie du peuple grec qui montre, avec une cruelle évidence, que l’on ne peut sortir de l’austérité sans sortir de l’euro et de l’UE !
Les enjeux en Italie
Pour la grande majorité des Italiens, l’enjeu est de sortir de la pauvreté, du chômage et de l’austérité à perpétuité. Il est de recouvrer la souveraineté italienne en matière économique, fiscale, de politique migratoire, etc.
Pour le M5S et la Lega, l‘enjeu est de mettre fin à l’austérité et donc d’affronter les diktats de l’UE. Les pressions des diverses « institutions » pour qu’ils courbent l’échine et trahissent le mandat populaire sont, en fait, énormes. Nous le savons : le vote du peuple italien réveille, anime et excite les oligarchies italiennes et européennes. Ces dernières ont été submergées par le vote populaire et ont tout fait pour empêcher l’établissement d’un gouvernement conforme au vote des italiens.
Pour l’UE et l’oligarchie italienne et toutes les structures supranationales, l‘enjeu est que rien ne change pour continuer à appliquer les politiques néolibérales qui leur réussissent si bien.
L’analyste Berenberg le dit : « Le programme annoncé inclut une liste de mesures irresponsables et économiquement nocives mais pas de menace directe à l’appartenance de l’Italie à l’euro… il faut se préparer à beaucoup de bruit, dont des heurts entre Rome et Bruxelles ».
Le vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen, a mis en garde le futur gouvernement italien contre toute velléité d’entorse au pacte européen de stabilité et de croissance, ses règles « s’appliquent à tous les Etats membres de l’UE ».
Même son de cloche du directeur du FMI pour l’Europe, Poul Thomsen et du commissaire européen, Valdis Dombrovskis, qui affirmait il y a quelques jours: « L’Italie a le deuxième ratio de dette le plus élevé en Europe, au-dessus de 130% du PIB. Donc il est très clair qu’en période de croissance économique, l’Italie doit mettre cette dette sur une trajectoire à la baisse ».
Les illusions du changement de l’UE de l’intérieur…
Le contrat de coalition ne remet pas, directement en cause l’UE et l’euro, même s’il attaque frontalement, par le biais d’une politique de type keynésien, les règles économiques et politiques d’austérité de « l’Union ».
Il faut se rappeler que l’approche n’est pas nouvelle… A. Tsipras (Syriza) et son allié au gouvernement (ANEL) ont été élus le 25 janvier 2015 sur la même base avant de devenir les commis zélés de L’UE et de mener une guerre sans merci au peuple grec.
La différence est que le M5S et la Lega ont fait appel au peuple italien pour soutenir le programme de gouvernement avant que le Premier ministre ne soit nommé. Ils font appel aux citoyens, aux « petits » contre les « grands ». C’est une manière inédite d’instaurer un nouveau rapport de force, immédiat, avec l’UE. Ce n’est cependant pas une garantie contre les revirements ou les trahisons. Tsipras a, sans vergogne, détourné le verdict populaire (61,32% de NON à l’austérité) du 5 juillet 2015 et continue à plonger son peuple dans la misère.
Ne faites pas comme Tsipras !
Doit-on d’ores et déjà s’inquiéter des premiers ont eu lieu ?
Les premières ébauches du contrat de coalition :
– évoquaient, noir sur blanc, l’idée d’une sortie de la zone euro et l’effacement de 250 milliards d’euros de dette publique italienne détenus par la Banque centrale européenne (BCE).
– voulaient « un renforcement du rôle et des pouvoirs du Parlement européen, unique institution européenne à avoir une légitimité directe », alors que ce parlement est illégitime.
– souhaitaient l’institution d’une « citoyenneté de l’Union », qui soit l’expression de l’égalité entre les citoyens européens et une lutte efficace contre le dumping à l’intérieur même de l’UE alors que l’UE est précisément construite sur la base de la concurrence, y compris des peuples, libre et non faussée interne.
ANNEXE
Le contrat de coalition contient de bonnes mesures mais pas toutes !
– Renégociation des traités européens
– Révision, « avec les partenaires européens, du cadre de la gouvernance économique » y compris, la politique de monnaie unique, « actuellement basée sur la prédominance du marché ». L’idée étant de « revenir au positionnement originel, quand les États européens étaient mus par une réelle intention de paix, fraternité, coopération et solidarité ».
– Instauration d’une « flat tax » réduisant les barèmes actuels à deux taux de 15 et 20% pour les particuliers et les entreprises. Dans les faits, une certaine progressivité de l’impôt sera maintenue.
– Versement d’un « revenu de citoyenneté » de 780 euros par mois aux personnes en situation de précarité, pour aider leur réinsertion et favoriser la croissance. Les bénéficiaires n’auront pas le droit de refuser plus de trois offres d’emploi en deux ans.
– L’Italie doit avoir « un rôle déterminant » dans les négociations européennes sur le sujet, en vue d’une meilleure répartition.
– Abrogation du recul progressif de l’âge de la retraite, qui devait passer à 67 ans en 2019, en permettant un départ à la retraite quand la somme de l’âge et de la durée de cotisation atteint 100.
– Réduction drastique du nombre de parlementaires: 400 députés (contre 630 aujourd’hui) et 200 sénateurs (contre 318), tous élus au suffrage universel direct mais avec interdiction de changer de groupe politique pendant la législature.
– Retrait des sanctions imposées à la Russie, qu’il faut réhabiliter comme interlocuteur stratégique.
– Développement des référendums d’initiative populaire
– Coup d’arrêt à la vente au privé de la compagnie aérienne Alitalia, qui doit être « sauvée et même relancée », renégociation complète du projet de ligne ferroviaire Lyon-Turin.
– Introduction d’un salaire minimum légal
– Développement de l’économie verte et des voitures électriques
– Protection de l’épargne et responsabilisation de l’encadrement et de l’autorité de tutelle des banques.
– Réévaluation des engagements dans les missions militaires internationales
– Tour de vis sur les conflits d’intérêts des parlementaires
– Mesures pour la natalité : crèches gratuites pour les Italiens, TVA à 0% pour les produits de la petite enfance.
Le contrat de coalition : certaines mesures très discutables
– Priorité aux expulsions et à la lutte contre « le business des migrants », depuis les réseaux de passeurs jusqu’aux coopératives gérant les centres d’accueil.
– Accélération de l’examen des demandes d’asile et rapatriement systématique des déboutés (ou des demandeurs ayant commis un délit), qui pourront être maintenus jusqu’à 18 mois en centre de rétention.
– Instauration d’un registre des imams, fermeture immédiate des mosquées non autorisées, référendum municipal avant toute installation d’un lieu de culte musulman.
– Assouplissement du principe de légitime défense pour permettre aux particuliers d’ouvrir le feu si quelqu’un s’introduit chez eux, même en l’absence de menace physique claire.
– Plan de construction de nouvelles prisons et programme pour « consentir au plus grand nombre possible de détenus étrangers » de purger leur peine dans leur pays.
– Recrutement massif de policiers, qui devront tous porter une caméra vidéo sur leur uniforme et de gendarmes.
– Retour au principe de « certitude de la peine », durcissement des peines pour les violences sexuelles, durcissement de la justice pour les mineurs.
– Réaffirmation de l’ancrage de l’Italie dans l’Otan « avec les Etats-Unis comme partenaire privilégié » mais « une ouverture vers la Russie, qui ne doit pas être perçue comme une menace mais comme un partenaire économique et commercial ».
– Renforcement de l’autonomie des régions
– Les partis prévoient une « législation anticorruption sévère et incisive » pour « récupérer des ressources soustraites à l’Etat et relancer la compétitivité du pays » : peines augmentées, coupables bannis à vie de la fonction publique, introduction d’ « agents provocateurs » pour tester l’honnêteté des fonctionnaires.
– Pas de ministre ayant été condamné pour corruption, faisant l’objet d’une enquête pour des faits graves, ou franc-maçon.
– Lutte contre les jeux de hasard
– Fermeture de tous les camps nomades irréguliers et obligation de scolarisation des enfants sous peine d’éloignement des parents.
Joël Perichaud, secrétaire national du Parti de la démondialisation
(publié avec l’aimable autorisation de l’auteur – source)
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