Une vidéo. Qu'y voit-on ? Un régiment de l'armée régulière mexicaine ? Non, simplement les narcotrafiquants du Cartel de Jalisco Nouvelle Génération. Cette vidéo datant de juillet 2020 dans laquelle ces narcos exhibent leurs équipements militaires illustre à merveille le phénomène d'hybridation entre acteurs étatiques et les organisations criminelles au Mexique que certains analystes appellent la « Zetanisation ». A la fin des années 1990, le cartel du golfe met sur pied une unité paramilitaire composée d'anciens de la police et de l'armée mexicaine. Certains sont d'anciens commandos déserteurs issus d'une élite des forces spéciales de l'armée mexicaine entraînée par les Américains et les Israéliens. Le cartel dispose ainsi de sa propre unité paramilitaire appelée les Zetas, chargés de s'emparer de territoires et de faire fuir les gangs rivaux. Ils construisent des camps pour former les nouvelles recrues dans des domaines aussi variés que les armes, la communication et la tactique militaire. Des soldats des unités spéciales guatémaltèques rejoignent rapidement ces camps. C'est un moment crucial dans l'évolution des cartels. L'efficacité terrifiante avec laquelle les Zetas ont régné sur une partie du pays a changé la manière de fonctionner des cartels mexicains. « Avant les Zetas, on avait affaire à des exécutants, des soldats assez bas de gamme », explique Robert Bunker, professeur à l'Institut des Études Stratégiques du U.S. Army War College. « Les Zetas ont amené une capacité opérationnelle de niveau militaire. Les autres cartels ignoraient tout de cela. Cette stratégie a révolutionné le commerce de la drogue. » Avec un tel avantage concurrentiel, le cartel grandit vite et prend le dessus sur ses rivaux. Pour rester compétitifs, les autres cartels ont dû créer leurs propres unités paramilitaires. En révolutionnant l'utilisation faite de la technologie et de la stratégie – associant des campagnes hyper-violentes à la collecte minutieuse d'informations –, les Zetas ont créé un nouveau modus operandi pour qui veut réussir dans le narcotrafic. Une rigueur militaire au service des pires crimes. Ce phénomène n'est pas limité au Mexique, que ce soit les zones peu contrôlées (Sahara, Sahel) ou des États fragiles ou faillis, ou corrompus (piraterie somalienne, frontières d'Amérique du Sud, Asie centrale, sans même parler des multiples zones désagrégées du Moyen-Orient), partout on observe la même convergence : des criminalités organisées deviennent des problèmes politiques, voulant maîtriser des territoires à l'abri de l'autorité d'États défaillants. La globalisation a renforcé les organisations criminelles, leur a permis de trouver des alliés, de créer de nouvelles filiales, d'investir de nouveaux marchés et de conquérir de nouvelles cibles. Elle a aussi permis à ces structures de s'enraciner dans des États « échoués », ou en voie de l'être, incapables d'assurer leurs missions vitales et donc livrés à l'anomie, à la corruption et aux luttes intestines. Le concept d'hybridation ne se limite pas à la fusion entre acteurs étatiques et non étatiques criminels, il peut prendre plusieurs formes déployant une inextricable collusion entre organisations terroristes, religieuses, économico-financières, médiatico-culturelles etc. pour donner naissance à des nébuleuses hybrides, changeant de nom ou de mode opératoire en fonction des événements. Les frontières s'effacent entre catégories : intérieur et extérieur, défense et sécurité, criminalité, terrorisme et Etatisme, politique et économique, civil et militaire etc. La théorie des hybrides décrit cette hybridation qui est désormais non pas l'exception, mais le champ commun de la globalisation. Voici une note de lecture de Michel Drac sur l'ouvrage consacré par Jean-François Gayraud à ce phénomène d'hybridation : Sources : -Comment les Zetas ont mis en place un réseau de communication secret -« Théorie des hybrides, terrorisme et crime organisé » de Jean-François Gayraud -EL TIEMPO -Michel Drac
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/Drac_theorie_des_hybrides.jpg
Source