Merveilles du libre-échange : une usine française victime de l’arsenic chinois – Par Éric Juillot

Source : Les Crises, Éric Juillot, 03-03-2019
Le 8 janvier dernier, le journal local L’Éclaireur du Gâtinais a choisi pour sa « une » un titre-choc : « L’arsenic chinois menace des postes chez Keraglass ». Un article en page 5 évoquait la suppression possible de 50 à 60 emplois sur les 300 que compte l’usine Keraglass de Bagneaux-sur-Loing, au sud de Nemours. Dans cette usine, spécialisée dans la fabrication de plaques vitrocéramiques, la direction est contrainte de fermer l’un des trois fours. En cause : la concurrence agressive des fabricants chinois. Selon les propres mots du directeur : « En Europe, nous sommes soumis à des contraintes justifiées en matière de qualité de l’air et nous utilisons un procédé de fabrication sans arsenic. Ce qui est pratiqué en Chine fait baisser les coûts et rend leurs produits plus compétitifs ».
Banalité et ampleur de la désindustrialisation
Personne, à l’échelle nationale, n’entendra parler de la disparition des emplois chez Keraglass-Bagneaux. Mais tous les Français, depuis plusieurs décennies, ont eu à connaître des exemples comparables dans leur ville ou dans leur région. Les sites industriels condamnés au déclin ou à la fermeture sur notre sol depuis le début des années 1980 se comptent par milliers, et l’annonce de leur disparition a fini par composer une triste litanie, entonnée sans fin par les médias locaux.
Lorsqu’elle est relayée à l’échelle nationale — dans le contexte, le plus souvent, d’une campagne électorale —, une énième fermeture peut cependant devenir un événement politique, dont la séquence médiatique, partout et toujours la même, débouche systématiquement sur le constat de l’impuissance du politique face aux forces du marché. L’écho national donne à la fermeture du site un retentissement qui oblige des responsables politiques attentifs aux émotions populaires à s’engager solennellement — souvent à l’occasion d’un déplacement sur le site concerné — à tout faire pour empêcher la fermeture du site ou, à tout le moins, pour amortir le choc de ses conséquences sociales. Puis, quelques mois plus tard, une fois l’affaire médiatiquement refroidie, se produit l’abandon et le renoncement, dissimulés sous des « mesures d’accompagnement » destinées à acheter le silence des ex-salariés. Lire la suite

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