La scène est surréaliste. "Et les meufs, et les keufs, dans le RER, la banlieue c'est pas rose, la banlieue c'est morose, alors prends-toi zen main...". L'histoire derrière l'est tout autant. En écho à celle retentissante de l'agression en meute sur le youtubeur Bassem Braiki par un rappeur et sa bande, celle-ci a fait moins de bruit mais est encore plus dingue : La victime que l'on voit s'écroulér sur le quai de la gare de Villeneuve Saint George a été poignardée par ses... amies. Si vous ne comprenez rien, rassurez-vous... c'est normal. La pratique serait très à la mode au Congo d'après le Parisien : elle consiste à filmer ses "embrouilles" et les poster sur les réseaux sociaux. En réalité, le "happy slapping" serait apparu dans le sud de Londres en 2004 selon la BBC. Le média britannique se demandait alors par la même occasion si ce mode opératoire consistant à filmer, en groupe, l'agression d'une personne seule, pour ensuite en diffuser la vidéo - à une époque où l'échange se faisait encore par bluetooth sur des téléphones à clapet - relevait du simple phénomène médiatique ou d'un véritable problème de société. Après l'arrivée en France d'un premier cas quelques mois plus tard, un policier visionnaire avait prédit : "vous n'avez encore rien vu...". Depuis, le "happy slapping" a gagné le reste du monde et 15 ans plus tard, cette pratique, qui signifie littéralement "baffer joyeusement" a muté depuis un moment déjà avec une escalade dans le sordide mais toujours avec les mêmes ingrédients : débilité crasse, cruauté, violence gratuite et exhibition du forfait dont les auteurs se gargarisent auprès d'un public client. La violence est un peu comme le porno pour certains : elle doit toujours aller plus loin. Les fictions ne suffisant plus, il faut passer au réel, en direct live, que les gens puissent réagir et si possible avec leurs plus bas instincts. Au Maroc, les agressions sexuelles en groupe filmées sur des femmes sont fréquentes mais là intervient un phénomène culturel, un contexte d'infériorisation de la femme comme l'explique des sociologues spécialistes de la question (lire cet article pour aller plus loin). En France des vidéos similaires de viol ont été postées également. En Suède, au Danemark, aux États-Unis et donc apparemment jusqu'au Congo, pratiquement partout on retrouve ce phénomène d'exhibition de la violence accompagnée de l'humiliation de la victime. La vidéo récente de l'agression de Bassem a explosé les compteurs parce que les protagonistes étaient connus mais il y a un public pour celles de quart de starlettes du web. Tout est surréaliste dans cette vidéo : "L'embrouille" du début, la cible qui s'effondre après le guet-apens, les agresseurs qui chantent leur victoire et paradent avec les effets de leur victime… "Incroyable mais vrai" comme titrait une émission. Car hélas, oui... tout est vrai, à commencer par la mère de famille que vous voyez s'écrouler sur le quai de gare à Villeneuve-Saint-Georges poignardée à de multiples reprises dans la rame d'un RER alors que des voyageurs lui viennent en aide avant l'arrivée des secours. Des témoins filment tout et commentent sur les réseaux sociaux cette tranche de vie en région parisienne du vendredi 31 janvier 2020. Mijosé (dont on entend le prénom prononcé dans cette vidéo dans une langue que personnellement je n'identifie pas, avis aux amateurs...) a été prise en charge pour des plaies importantes notamment dans des zones létales (10 jours d'ITT). "Explication" (entre très gros guillemets) Cela faisait plusieurs semaines apparemment que Mijosé se répandait sur les réseaux sociaux : « Elle faisait des directs, soupire une mère de famille congolaise. Le principe, c'est de se filmer en train de s'embrouiller avec quelqu'un et de mettre ça en ligne. C'est la grande mode au Congo. J'ai surpris ma nièce il n'y a pas longtemps et je lui ai remonté les bretelles. » rapporte Le Parisien. Connue (tout est relatif...) au Congo pour ses vidéos sur la mode, Mijosé "se serait disputée au départ avec ses amies pour une histoire de petit-déjeuner que son enfant ne prendrait pas chez elle". Un motif dérisoire qui aurait peu à peu dégénéré avec des accusations bien plus graves. La victime se disait notamment prête à témoigner dans un procès contre l'une de ses copines... "d'où" cette agression dans le RER à Villeneuve-Saint-Georges. Les enquêteurs de la Brigade des réseaux franciliens privilégient la thèse du guet-apens sanglant fomenté par ses "copines". Juste après les faits, l'une des femmes aurait quitté la gare avec la valise de Mijosé. Le Parisien rapporte que des vidéos auraient été mises en ligne après l'attaque et sur l'une d'elle, un des membres de l'expédition paraderait avec les biens dérobés à la victime. Selon leur source judiciaire, une des femmes aurait même encouragé le public à se rendre à l'hôpital pour "couper les tuyaux" de la victime pour qu'elle meure et une autre se serait vantée d'avoir "découpé" Mijosé. Les trois mises en examen et écrouées auraient reconnu leur présence sur place mais nié avoir porté les coups. Des esprits bassement comptables pourraient se mettre à faire une bien vilaine addition (la prise en charge de la victime par les secours, les interventions chirurgicales, les nuitées d'hospitalisation, les frais de justice, d'incarcération, etc.) mais souhaitons qu'il n'en soit rien. Et puis c'est bientôt le printemps. Oui, c'est cela... Pensons printemps pour ne plus penser à cette croquignolesque scène de vie quotidienne, voire ne plus penser du tout.
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/rer-mijose.jpg
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