Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 09-12-2019
« Ce qu’on est en train de vivre, c’est la mort cérébrale de l’OTAN », déclare Emmanuel Macron dans son entretien devenu un must, un mythe accordé à The Economist le 7 novembre 20191. Et cela à moins d’un mois d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement de ses 29 membres réunis pour célébrer, à Londres/Watford (3-4 décembre 2019), haut lieu de l’atlantisme, le soixante-dixième anniversaire de la création de l’OTAN. La métaphore est pour le moins vigoureuse. Il est vrai que le président de la République aime appeler un chat un chat. Il n’a pas toujours le sens de la formule diplomatique pour faire passer son message à ses partenaires. Le moins que l’on puisse dire est que le cœur n’y est plus. À une crise globale du multilatéralisme vient se greffer une crise de la relation transatlantique. Deux crises dues en grande partie à la posture extérieure américaine qui ne croit plus en la vertu des organisations multilatérales pour défendre ses intérêts bien compris (point d’application de son America First) et qui ne croit plus en la vieille Europe (en raison de son pivot vers l’Asie). Deux crises exacerbées par la diplomatie du tweet de Donald Trump qui jugeait l’OTAN « obsolète », il y a peu encore, reprochant à une majorité de ses membres (Allemagne en tête) de ne pas prendre leur part du « partage du fardeau » (financier). Disposer d’une assurance tous risques dans le domaine de la sécurité de la part du grand frère américain suppose la réunion de trois conditions cumulatives : s’aligner automatiquement sur les positions de Washington comme prix diplomatique de sa servitude volontaire, accepter d’acquitter une copieuse prime de risque comme prix de sa couverture sécuritaire et acquérir en exclusivité du matériel militaire américain au prix fort comme prix de la sacro-sainte interopérabilité. Or, y compris dans l’église la mieux tenue, il arrive que certains fidèles s’interrogent, à l’occasion, sur la pertinence du dogme venu d’Outre-Atlantique, s’autorisent à le faire savoir urbi et orbi comme vient de le faire, Emmanuel Macron l’hérétique de fraiche date, le 7 novembre dernier en contestant les évangiles de la religion atlantiste et en célébrant les vertus de la religion européenne2. Dans ce contexte, qu’en est-il au juste de la mésalliance atlantique ?
UNE ALLIANCE EN PROIE À UN DOUTE EXISTENTIEL
« L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit » (Aristote). Le moins que l’on puisse dire est que le doute n’est pas la vertu la plus répandue dès qu’il s’agit de s’interroger sur les vertus de l’atlantisme. Nous sommes le plus souvent dans la posture de l’ignorant qui affirme. Ceci étant posé, les faits sont têtus. Les doutes qui pèsent sur la solidité et la pérennité de la relation transatlantique sont aussi bien anciens que récents.
Un doute ancien : la chute de l’URSS en 1989Lire la suite
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