Enfin un vrai débat sur le référendum d'initiative citoyenne entre un chaud partisan (Étienne Chouard) et, non pas un opposant, mais un expert au jugement plus prudent, plus circonspect (Bertrand Mathieu, professeur agrégé de droit, spécialiste de droit constitutionnel). Et ce n'est pas TF1, France 2 ou BFM TV qui nous offrent ce débat, mais la-chaîne-de-propagande-russe RT. Merci à Frédéric Taddéï et à son émission "Interdit d'interdire" de faire vivre le débat démocratique dans notre pays (même s'il faudrait multiplier ce type de conversation entre honnêtes hommes... 1h, cela reste trop court).
Quelques arguments de Bertrand Mathieu face à l'optimisme de Chouard : - nos hommes politiques nationaux (que le RIC permettrait de révoquer) n'ont plus le pouvoir (ce sont les juges, les instances internationales, le FMI, l'Union européenne... qui l'ont) ; selon lui, il faudrait d'abord récupérer notre souveraineté avant d'instaurer le RIC dans un contrexte où nous sommes collectivement impuissants (et où nos représentants seraient de toute façon dans l'incapacité de prendre certaines décisions, qui sont prises ailleurs, dans des cénacles qui n'ont rien de démocratique). - le RIC serait instrumentalisé par les lobbies. - le RIC serait instrumentalité par des minorités motivées, sachantes et/ou convaincues (très loin de la majorité de la population, qui reste peu intéressée et apathique). Contre l'objection de l'instrumentalisation possible du RIC, on pourrait prévoir que seuls les RIC qui ont suscité un très fort pourcentage de participation (70 % ?) pourraient être validés. Ainsi, des minorités ou des lobbies pourraient être à l'initiative de nombreux RIC, mais, sans une participation massive, aucune décision ne pourrait être prise. Un "oui" qui l'emporterait avec 40 % ou 50 % de participation ne suffirait pas. Dans ces conditions, les minorités ne pourraient jamais faire la décision, en profitant du désintérêt de la majorité. Bertrand Mathieu évoque l'apathie des masses, qu'il semble considérer comme une constante anthropologique, rappelant au passage que les Gilets jaunes sont loin de constituer le tout du peuple. Chouard estime, pour sa part, que si ce peuple avait l'assurance que ses avis n'étaient pas consultatifs, mais impératifs, s'il retrouvait le pouvoir qu'on lui a confisqué, s'il avait l'assurance que ses décisions seraient respectées, au lieu d'être constamment trahies, il retrouverait sa motivation à prendre part à la vie publique. Sur ce point, on aurait envie de croire Chouard, mais la vision pessimiste de Mathieu correspond mieux à ce que la réalité nous a montré depuis des lustres. Chouard rappelle à juste titre que le RIC n'instaure en rien une démocratie directe. Dans une démocratie directe, on n'en aurait même pas besoin. Le RIC insuffle une simple dose de démocratie directe dans le système représentatif. Il amène à la constitution d'un régime mixte (représentatif et démocratique), auquel Bertrand Mathieu dit aspirer, lui aussi.
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/Chouard_RT_RIC-2.jpg
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