Source : Proche & Moyen-Orient, Richard Labévière, 16-04-2018
D’abord, qu’on arrête de parler de « frappes ». Chirurgicales ou non, ces actes de guerre sont destinés à tuer et à détruire et ne sauraient s’assimiler à de simples fessées punitives. Paradoxalement, les bombardements occidentaux du 14 avril 2018 effectués sur la Syrie n’ont fait que trois blessés légers ; ils ont suscité en tout cas des scènes de liesse populaire et renforcé le prestige de Bachar al-Assad, leader arabe qui aura mis en échec la stratégie occidentale au Proche-Orient. Brillant résultat !
En dehors de toutes considérations géopolitiques (nous y reviendrons), on a atteint – avec les dernières péripéties de la crise syrienne -, des sommets himalayens de bêtise et de vulgarité. Bêtise globalisée, méchante et d’un manque total de distinction dans les deux sens du terme – séparation et excellence -, élevée au plus haut niveau d’une communication politique et diplomatique tellement primitive, mais érigée en modèle car émanant du président le plus puissant de la planète. L’un de ses derniers Tweets avant les bombardements : « que la Russie se tienne prête, car ils arrivent nos missiles, beaux, nouveaux et intelligents ». De précédents messages parlaient de « Bachar, l’animal… » Quoiqu’on puisse penser du président syrien, l’emploi d’un tel vocabulaire ajoute inutilement morgue, grossièreté et mépris aux malheurs du monde.
En l’occurrence, la comparaison souvent faite entre Donald Trump et Le Docteur Folamour1, bien trop faible, est loin d’épuiser l’hallucination collective provoquée par cette « diplomatie de l’injonction » et ces tweets à la tronçonneuse du président américain. Et qu’on évite – ici – de parler du « pragmatisme américain » pour « appeler un chat, un chat » et soulignons plutôt que Donald Trump nous impose ses certitudes et son style : celui d’un parvenu persuadé que l’argent est la mesure de toutes choses, celui d’un rustre dont l’éducation nous ramène à l’ère des australopithèques ; en définitive, celui d’une autre catégorie de personnages si bien qualifiés par Michel Audiard : « les cons, ça ose tout. C’est même à ça qu’on les reconnaît ».
Cette phénoménologie de l’indigne est trop peu relevée pour qu’ ici nous lui consacrions justement quelques lignes, d’autant que les journalistes s’en font les zélés diffuseurs, voire les propagandistes dociles, sans même se rendre compte qu’elle finit par atteindre la structure de leur langue et de leurs raisonnements. Mais avant d’essayer d’évaluer les conséquences de l’attaque occidentale, reprenons l’enchainement étonnant que viennent de nous imposer trois des grands dirigeants occidentaux et leurs intervieweurs.Lire la suite
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