Intervention du Représentant Permanent de la Bolivie auprès des Nations Unies, Sacha Llorenti, lors du Conseil de sécurité de l'ONU le 14 avril 2018, après que les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France ont mené des frappes unilatérales contre la Syrie.
Traduction : http://sayed7asan.blogspot.fr
Transcription : Merci beaucoup, Monsieur le Président. Ma délégation tient à remercier le Secrétaire Général pour sa présence et sa participation à cette réunion. La Bolivie tient également à remercier la Fédération de Russie d'avoir pris l'initiative de convoquer cette réunion urgente du Conseil de Sécurité. Aujourd'hui est un jour sombre dans l'histoire de ce Conseil. Trois membres permanents du Conseil ont pris la décision de violer la Charte des Nations Unies et de prendre une mesure unilatérale contre la souveraineté et l'intégrité territoriale d'un autre Etat membre de notre organisation. La Bolivie souhaite exprimer clairement et catégoriquement sa condamnation de l'utilisation d'armes chimiques ou de substances chimiques comme armes, car cela est injustifiable et criminel partout où cela se produit et par qui que ce soit. Leur utilisation est un crime grave contre le droit international, la paix dans le monde et la sécurité internationale. Les personnes responsables d'actes aussi terribles et criminels doivent être identifiées, faire l'objet d'une enquête, être poursuivies et punies avec la plus grande rigueur. La Bolivie continue d'exiger une enquête transparente et impartiale pour déterminer qui sont les coupables. Mais en plus de cela, le sujet de cette réunion est le fait que trois membres permanents du Conseil ont utilisé la force en violation de la Charte des Nations Unies. On ne peut pas combattre des violations alléguées du droit international en violant le droit international. La Bolivie est surprise par le fait que les membres permanents du Conseil, étant donné qu'ils ont une plus grande responsabilité dans le maintien de la paix et de la sécurité dans le monde, ont décidé de contourner les Nations Unies chaque fois que cela leur sied. Ils défendent le multilatéralisme tant que cela leur sert, et ensuite ils le rejettent purement et simplement. Quand il n'est plus dans leur intérêt, ils ne sont plus attachés au multilatéralisme. Malheureusement, ce n'est pas le seul cas où une action unilatérale a été utilisée. Rappelons-nous, et nous ne nous lasserons jamais de le rappeler, les événements en Irak en 2003 et en Libye en 2011. Toute action de ce type devrait être autorisée par le Conseil de Sécurité, conformément à la Charte des Nations Unies. Toute action unilatérale est contraire au droit international, contraire aux valeurs et aux principes de la Charte des Nations Unies et inacceptable. La Bolivie rejette l'usage de la force. L'action unilatérale ne répond pas seulement aux intérêts spécifiques de ceux qui les exécutent, mais en fait, ce sont, permettez-moi l'expression, des mesures impérialistes. Il se trouve que les Empires, comme nous l'avons dit précédemment, se considèrent supérieurs au reste du monde. Ils pensent qu'ils sont exceptionnels, qu'ils sont indispensables, et, par conséquent, qu'ils sont au-dessus des lois, au-dessus du droit international. Mais en fait, l'intérêt véritable de ceux qui utilisent unilatéralement la force et violent la Charte des Nations Unies n'est pas de faire avancer la démocratie, de promouvoir la liberté, ou de combattre l'utilisation d'armes chimiques. Leur but est d'étendre leur pouvoir et d'étendre leur domination. Ce que nous avons vu ces dernières heures est une attaque contre la mission d'enquête de l'OIAC qui n'a même pas commencé son travail, qui devait commencer aujourd'hui. Cette attaque unilatérale est une attaque contre les organisations multilatérales telles que l'OIAC. C'est une attaque contre ce Conseil et son principal devoir de maintenir la paix et la sécurité internationales. C'est une attaque contre la Charte des Nations Unies. Et c'est une attaque contre l'ensemble de la communauté internationale. Je demande aux membres permanents qui ont utilisé la force il y a quelques heures à peine : combien d'argent ont-ils investi dans l'armement et la formation des groupes armés en Syrie ? Quelles ressources nationales convoitent-ils ? Et avec quelle autorité morale pourront-ils invoquer la Charte des Nations Unies dans d'autres situations ? Malheureusement, l'histoire des violations des principes et des objectifs de la Charte des Nations Unies est longue. Nous avons mentionné la Libye et l'Irak, mais il y a des chapitres plus récents. C'est arrivé avec la décision unilatérale concernant Jérusalem, un autre signe clair d'un manque de respect du droit international. Qui sont ceux qui vendent des armes à ceux qui bombardent des civils au Yémen ? Qui sont ceux qui rejettent l'accord de Paris sur le changement climatique ? Qui sont ceux qui se sont retirés du Pacte international sur les migrants ? Qui sont ceux qui érigent des murs ? Mais nous croyons aussi qu'il également important de considérer l'Histoire sur de plus longues périodes. Au Moyen-Orient surtout, nous subissons les conséquences des actions provoquées par certaines puissances coloniales remontant à plus d'un siècle, et de leur mépris pour le droit international. Et ce mépris total pour le droit international que nous éprouvons encore en Syrie, est aussi quelque chose que nous avons déjà expérimenté quand, par exemple, le Royaume-Uni refuse de rendre la souveraineté des îles Malouines à l'Argentine, ou quand la question de l'archipel des Chagos n'est pas résolue, lorsque l'avis consultatif de la Cour internationale de Justice sur ce sujet n'est pas pris en compte. En d'autres termes, nous parlons de toute une série de politiques qui compromettent la paix et la sécurité internationales. Le Représentant permanent des États-Unis dit que les États-Unis, son pays, est prêt à faire feu, « locked and loaded », dit-elle. Bien sûr, nous avons clairement entendu ses mots avec beaucoup d'inquiétude et beaucoup de tristesse. Nous savons que les États-Unis ont des porte-avions, des satellites, des missiles « intelligents » et un énorme arsenal d'armes nucléaires. Nous savons aussi qu'ils n'ont que du mépris pour le droit international. Mais nous avons ceci, nous avons les principes et les objectifs de la Charte des Nations Unies [il en brandit un exemplaire]. Et finalement, comme l'Histoire l'a démontré maintes fois, en fin de compte, ces principes l'emporteront. Je vous remercie.
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