Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a agi trop tard pour empêcher les idées les plus radicales du salafisme de se répandre à l’étranger. (Fayez Nureldine/ AFP/Getty Images)
Quelques mois avant que le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane n’entame sa campagne anti-corruption contre les milliardaires, il a d’abord fait taire, puis détenir et, dans certains cas, emprisonner les membres de l’élite religieuse du royaume : des leaders religieux salafistes qui ont d’immenses quantités de partisans au Moyen-Orient et en Afrique du Nord pour leurs campagnes médiatiques contre les musulmans chiites et leur détermination à voir le président syrien Bachar al-Assad destitué. Le prince a interdit leurs programmes de télévision et censuré les comptes Twitter qu’ils utilisent pour atteindre des millions de d’abonnés. L’une des raisons de cette campagne est que de nombreux salafistes s’opposent à son programme de réforme, qui est à la fois hautement nationaliste et socialement libéral. Une autre raison est que, alors que le prince héritier exerce un plus grand contrôle sur l’interprétation de l’islam, il veut remettre en cause la rhétorique incendiaire, en particulier sur la Syrie, qui contribue à propager l’extrémisme.
Mais il est trop tard. Alors que le prince héritier est peut être en mesure de changer le ton à l’intérieur du royaume, la vision des chiites par les imams est maintenant copiée par les adeptes dans les mondes arabe et musulman qui ne considèrent pas les chiites comme de vrais musulmans ; l’idée est maintenant trop répandue pour être défaite. De l’Égypte au Liban en passant par la Jordanie et la Tunisie, de nombreux musulmans sunnites orthodoxes croient que les chiites sont déterminés à convertir les sociétés sunnites au chiisme. En fait, le discours sectaire est devenu le principal facteur de mobilisation au Moyen-Orient, en grande partie à cause de l’expansionnisme iranien en Syrie et en Irak. Sans que les salafistes saoudiens ne perpétuent cette controverse, d’autres autour du monde vont sûrement prendre la relève.
Un Saoudien réduit au silence, Mohammad Arefe, qui compte près de 21 millions d’adeptes sur Twitter, est vénéré par les salafistes et d’autres types d’islamistes dans toute la région. En juin 2013, il a tweeté : « La relation entre le Hezbollah (la principale force chiite au Liban, financée par l’Iran) et le guide suprême iranien Khamenei est de répandre le chiisme dans le monde arabe [sunnite] ». Auparavant, il a dit que les Chiites ont assassiné des sunnites en Irak de manière terrible : « Ils auraient utilisé les méthodes de torture les plus violentes contre eux. Ils auraient kidnappé un enfant, le faisant bouillir dans de l’eau, l’aurait dépouillé comme un mouton, puis ils l’auraient emmené sur un plateau, enveloppé dans un linge, et quand sa famille a découvert le plateau, ils ont vu ce… garçon ». Arefe a été arrêté et interrogé en septembre, puis libéré. Peut-être est-il considéré comme trop puissant pour être empêché définitivement. Mais il ne parle plus en ligne sur les chiites, la guerre en Syrie ou la politique en général.
Un autre salafiste célèbre que le prince héritier saoudien censure est Adnan al-Arour, originaire de Hama, en Syrie, mais qui s’est installé en Arabie saoudite il y a une vingtaine d’années pour rejoindre la campagne contre Assad. Il a fortement réduit sa présence médiatique et numérique depuis mars 2017, et son programme télévisé saoudien a été retiré de l’antenne. Il a plus de 3 millions d’abonnés Twitter.Lire la suite
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