« La vérité s'inscrit toujours en négatif des apparences »

Ce personnage en mal de reconnaissance, en désir d'être, ce marginalisé, ce chômeur, ce solitaire abandonné, cet étranger, cet original, cette anomalie de la nature, ce condamné à tous les maux de la terre, cette espèce en voie de disparition, génétiquement plus ou moins modifiée, globalement, et pour n'oublier personne, cet hystérique, cet obsessionnel, ce névrotique, ce psychotique, c'est moi, c'est toi que je connais ou que je ne connais pas. Dans son unicité, sa différence, ce personnage a besoin d'être reconnu.
Si c'est de moi dont il s'agit, et si mon signalement est en partie ou globalement similaire à la description de l'un des profils mentionnés, je vais devoir impérativement devenir un enfant dans ma tête. Dans cette stratégie de flexibilité adoptée, je changerai de plan et puiserai dans mon imaginaire la ressource, la spontanéité et la fraîcheur d'esprit pour voir dans mon interlocuteur, en apparence plus nanti que moi, une attente de reconnaissance. C'est ma liberté, mais je vais devoir prendre sur moi, le jeu sera difficile et décourageant. A ce moment précis je serais libre. Oui mais libre de me taire, d'écouter, de regarder, d'être discret mais présent. Surtout, et cela m'arrange peut être, je n'aurai rien à comprendre. S'il m'est arrivé d'entendre fréquemment ce reproche, « Tu ne comprends rien ! »alors, plus que jamais je serais celui qui n'a pas la prétention de comprendre, en parfaite innocence, dans l'interrogation totale, en somme, un extra-terrestre absolu ? Non simplement un être humain. Comme je ne puis me satisfaire d'un rôle, à première vue aussi dérisoire, je me dirais, c'est cela être un vrai thérapeute, ah bon ? Alors j'ai trouvé du boulot ? Au temps de l'humanisme naissant M. De Montaigne disait : « Que sais-je ? » C'est en effet difficile de s'ouvrir à l'infini d'un être en devenir, car il nous place devant le mystère de la vie. Maintenant que je suis investi d'une mission, me voici en présence d'un inconnu. Ce personnage m'indispose, car il m'oblige à transgresser mes certitudes illusoires, mes théories savantes, mes croyances confortables et rassurantes. C'est humainement angoissant. C'est affolant pour ceux qui savent ou surtout croient savoir. Alors s'il m'est arrivé de penser que j'étais resté sur le bord du chemin, oublié, méprisé, abandonné, alors je suis neuf, sans illusion, sans certitude, sans prétention, sans bagage, simple et libre, comme au premier moment, quand je vins au monde. Et là, plus que jamais tout est encore possible...je commence à présent. De plus, et c'est important, je suis valorisé, car, depuis un moment, j'apprends à vivre, scientifiquement, je philosophe sans le savoir, naturellement. Ma pensée s'anime, elle se confronte à l'essentiel (la mort, l'amour, l'amitié, l'éducation des enfants, la solitude, l'expérience...) dans la parole de l'inconnu qui m'honore de sa présence, tout cela s'inscrit et se déroule comme un film et touche étrangement une partie secrète de ma personnalité. Philosopher, c'est vivre heureusement, c'est vrai, je me sens bien, il parait que c'est l'apprentissage de la sagesse. C'est une douce médecine la philosophie. La médecine traditionnelle m'apportait le bien être qu'après la guérison. Celle ci me fait plaisir et me guérit en même temps. Sur les bancs de l'école, cela m'effrayait, mon prof était grave, sourcilleux, renfrogné, terrible et impressionnant, je me sentais idiot, sans parole et sans voix, pétrifié ! Dans ce climat de confiance qui s'instaure avec mon vénérable client, je sens en moi une profonde joie contenue, une allégresse, une douce folie. Il me semble que j'assiste à une fête, un temps précieux se ma vie s'écoule, le bon temps. Je sens dans les yeux de mon interlocuteur une espèce de gratitude, je ne dis rien ou presque, mon visage tout entier parle en silence, je suis enrichi par la réflexion de l'autre. Je sens que la magie opère, mon interlocuteur semble s'ouvrir au monde par sa parole et sa pensée sans que rien ni personne s'oppose à cet élan, le censure et l'emprisonne. Il se sent reconnu. La connaissance s'est effacée devant la reconnaissance. Si je l'ai rencontré, c'est que je n'avais aucune illusion de le comprendre. Je l'ai perçu comme un être en marche vers un futur, son futur. Kierkegaard nous dit : « Le soi, c'est seulement ce qui est entrain de devenir » Notre différence prend toute sa signification, je ne veux pas le comprendre. Dans les instants qui suivent s'opère un mécanisme subtil, le personnage qui me fait face accomplit une expérience par laquelle il devient en mesure d'aborder l'autre inconnu en lui, son inconscient. C'est là qu'il pourrait solliciter mon intervention pour penser et formuler à sa place, car cela lui demande un pénible engagement qui peut être inquiétant. « je viens ici pour que vous me contiez mon histoire ! » crie-t-il dans son âme aphone. Se maîtriser est laborieux, car en marge de cette écriture verbale silencieuse on capte le déroulement du fil sensible des événements sporadiques et les affects opposés. La pleine vie. La vie de l'autre touche au sacré dans son essence. Nous ne sommes pas des écrivains mais il nous incombe d'être d'excellents relieurs. Persistance de la mémoire de Salvador Dali Imaginons le contre-transfert négatif dans l'échange virtuel du partage. C'est une véritable tragi-comédie qui nous happe, nous enveloppe jusqu'à l'addiction. Dans la vie en général et dans nos articles et commentaires en particulier, le découragement et l'agressivité sont démultipliés, d'autant que nous ne sommes pas toujours dans le bon réflexe d'analyser ce qui se passe en nous. On peut se sentir frustré, par une mise en échec de notre capacité de reconnaître l'autre. L'autre, parlons en, il évolue dans un monde virtuel, plus ou moins masqué, aux icônes les plus incongrues, aux patronymes les plus fantaisistes, nous traînons des casseroles dans un vacarme assourdissant, c'est Venise, mais transfiguré par le talent sulfureux d'un Federico Fellini. La commedia dell'Arte se transforme en un cauchemar insoutenable à la Jérôme Boch ou à la Brueghel l'ancien. Ce qui peut expliquer nos passages furtifs dans un zapping ininterrompu. Si l'on pouvait visualiser les miasmes qui circulent dans cette atmosphère troublée de violence diffuse, (l'enfer de Brueghel l'ancien.) la reproduction en introduction Le but de l'opération n'est pas de penser Agoravox comme la plaque tournante de la psychologie des profondeurs, mais il n'est pas interdit de rêver à un mieux être dans un futur plus serein. Il est entendu que l'on ne soumet pas les auteurs et commentateurs à « la question » comme sous l'inquisition, mais il se passe des courants perturbants pour les âmes plus sensibles qu'il est difficile d'évaluer Que voulez vous reconnaître dans ce tohu-bohu. Mais enfin, quelle est la question essentielle ? Plus concrètement. L'auteur vient de sortir son papier, il a fait part de ses états d'âme, de ses convictions, enfin de tout ce qui le touche. Le commentateur entre en jeu. Car il s'agit bien d'un jeu de rôle. Sans bien s'en apercevoir, l'auteur s'est positionné en « analysant ». L'analysant, dans l'intimité d'un cabinet de consultation vient chercher chez l'analyste une reconnaissance. Sans bien s'en rendre compte, le commentateur est investi d'un rôle plus docte, « l'analyste » c'est en quelque sorte celui qui sait, celui qui connaît. Le professeur en quelque sorte. Bien entendu aussi, celui qui croit connaître, car enfin il faut tenter d'être juste. J'en profite pour demander aux commentateurs qui ont fait ce choix, de bien réfléchir sur le pourquoi et le comment de leur choix, une manière d'auto-analyse en quelque sorte. On ne peut tout de même pas leur laisser la part trop belle. Car enfin, pour un auteur, même modeste, et surtout modeste, c'est un plaisir de raconter sa petite histoire. Le jeu psychologique entre l'auteur, l'analysant et le commentateur l'analyste est posé. Le climat émergeant dans cette rencontre est au fond angoissant. De cette rencontre subtile entre les deux protagonistes, deux attitudes naîtront. Le rejet ou la fusion, (dans la mesure où l'émotion et trop présente). Ces deux réflexes sont négateurs d'altérité. L'autre est nié. La relation qui s'instaure est une relation de pouvoir. « Là où l'amour manque, le pouvoir occupe la place vacante » C.G.Jung. Voici donc une tentative d'analyse, à chacun ses responsabilités. Par nature, par goût et par choix, je ne suis pas friand des polémiques qui sévissent sur Agoravox, à chacun son tempérament, le mien est intimiste. « La forme que revêt le langage ne saurait être secondaire. Si, comme je le soutiens, à l'origine, la langue se définit comme la forme la plus expressive et la plus significative de la communauté humaine naturelle », il est indéniable que l'on ne peut retrouver actuellement dans le mode de production capitaliste de l'expression pervertie par le marché démocratique du paraître et de l'inversé, la véracité des mots qu'au travers de la fameuse dynamique de sortie de l'obscurité des situations aliénées par la mise en forme creusée d'une désignation systématique des processus de l'obscurcir qui renverse justement le renversé. La dialectique radicale à partir de Marx et de Debord et au-delà d'eux-mêmes constitue assurément la seule voie de clarté vers un vrai langage non spectaculaire, c'est à dire qui sache exprimer cette substantialité révolutionnaire qui montre que la vérité s'inscrit toujours en négatif du parler creux des servitudes quotidiennes même décorées d'un mauvais ciel d'espérance compensatoire. » Karl Marx, Guy Debord et surtout le passeur et penseur anté-socratique Francis Cousin Pour oublier un moment le monde du creux et du mensonge auxquels nous contraignent les imposteurs journaleux, les politiques de l'indigence et du mensonge, les financiers de la violence et de la guerre. Les éternels faussaires dénaturés de la SOCIÉTÉ DE L'AVOIR. « La vérité s'inscrit toujours en négatif des apparences »
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/francis-cousin-guy-debord.jpg

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