Les citoyens brésiliens ont à subir un nouvel épisode dans le feuilleton tragique qui pèse sur les esprits depuis le printemps. Il fragilise la démocratie de la septième puissance économique mondiale. La présidente Dilma Rousseff est sous le coup d’une procédure d’impeachment depuis le 12 avril 2016. C’est la date à laquelle le parlement avait voté à la majorité le démarrage de la destitution.
Elle jouait sa dernière carte institutionnelle cette semaine. Confrontée à l’ensemble des parlementaires dont la plupart ont appuyé les conspirateurs de ce coup d’État programmé, cet espace sacré de la démocratie qu’est le Sénat fédéral, à Brasilia, ressemblait à une sorte de tribunal militaire. Le tout a été évidemment diffusé en direct à la télévision.
Un véritable « show » et des discours plus enflammés les uns que les autres. Sans grande nouveauté sur le fond.
Dilma Rousseff et ses soutiens dans l’arène
Les avocats de l’accusation et de la défense ont ouvert les hostilités lundi 29 août. Ils ont plaidé tour à tour pour ou contre l’impeachment. Et comme toujours, sans preuves claires étayant les causes de son éviction. Postée au milieu de l’arène, Dilma Rousseff a ensuite prononcé un discours de 47 minutes d’une force rare. Dans une ambiance électrique, elle a nié le crime contre le budget. Crime dont elle est accusée mais qui n’a encore jamais été démontré au niveau pénal. Elle a aussi dénoncé le « coup d’État » dont le peuple brésilien est victime une fois de plus. Pendant 15 h d’affilée, la présidente châtiée du pouvoir est restée sous les projecteurs. Elle a répondu calmement mais fermement à chacune des interventions des 48 députés.
Il y a eu quelques interventions limpides et courageuses comme ce député pro-démocratie Lindbergh Farias qui a lancé ce discours désormais historique Eu Acuso (J’accuse). Sans détour, il a nommément dénoncé les vrais initiateurs de ce coup d’État, selon lui. Il a ainsi accusé successivement Eduardo Cunha (ancien président du Congrès, mis en examen) et Michel Temer (ancien vice-président de Dilma Rousseff et président intérimaire). Mais aussi Globo, la chaîne quasi monopolistique qui a, selon lui, « martelé l’écran d’une campagne médiatique mensongère contre Dilma depuis 2 ans ». Les citoyens ont été endoctrinés par ces allégations et tous ces coups portés contre la présidente.
La verve de ses défenseurs n’aura pas suffi
Aujourd’hui, mercredi 31 août, les députés étaient sollicités pour se prononcer définitivement sur sa mise à l’écart du pouvoir. Pour ce faire, les « pro-impeachment » avaient besoin de 54 votes « pour ». Et le vote des parlementaires a bel et bien été validé, par 61 voix « pour ». En plus de perdre son mandat elle sera destituée de ses droits politiques pendant 8 ans à partir de 2018 (1). Le président de la Bolivie voisine Evo Morales a d’ores et déjà confirmé qu’il retirait son ambassadeur du Brésil. Le principal sentiment autour de ce renversement de pouvoir est que l’affaire politique au Brésil est une mascarade abjecte. Le peuple vit, bien malgré lui, à des milliers de lieues des intérêts que son élite défend au Congrès.
Demain, sans état d’âme, le président intérimaire Michel Temer s’envolera pour le sommet du G20, en Chine. Il y représentera le Brésil alors que sa légitimité est très largement contestée aux quatre coins du pays.
La démocratie recule pour mieux sauter ?
De son coté, au sortir du siège du gouvernement et entourée de son équipe de collaborateurs, Dilma Rousseff a déclaré ce matin : « L’histoire sera implacable avec eux » dans un discours incisif défendant la continuité de la lutte pour construire « Un Brésil meilleur ». « Rien ne nous fera reculer. Je ne vous dirai pas adieu aujourd’hui, je suis même sûr que je peux vous dire à très bientôt » a-t-elle déclarée. « Nous reviendrons. Nous reviendrons pour continuer ce chemin au service du Brésil, pays dans lequel le peuple est souverain » a-t-elle rajouté. « Il y aura contre eux l’opposition la plus déterminée qui peut exister lorsqu’un gouvernement est né d’un coup d’état ».
Si le Brésil est aujourd’hui en deuil. Il semble que la lame de fond pro-démocratique née de ce trauma s’ancre bel et bien dans la société civile. Peut-être se révélera-t-elle décisive quand les citoyens devront se prononcer cette fois-ci légitimement à la prochaine élection présidentielle, fin 2018. D’ici là, tout peut se passer dans ce pays jeune en quête de maturité.
Jean-François Daniel, correspondant pour le CdV au Brésil
(1) date officielle de la fin de son mandat
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