Source : monnaieprix.hypotheses.org, 06-06-2019
Le débat continue à faire rage en Italie à propos des mini-Bots suite au vote récent du Parlement encourageant à leur mise en place. Ainsi, les institutions européennes elles-mêmes semblent durcir le ton conjointement. Après les menaces de la commission européenne visant à sanctionner l’Italie pour déficit excessif mercredi, c’est au tour de Mario Draghi lui-même, le Président italien de la Banque centrale Européenne, de se prononcer au sujet des mini-Bots aujourd’hui. Cela nous montre bien, si besoin en était, que cette affaire est le sujet le plus brûlant qui soit pour les institutions européennes, et ceci depuis le début de la mise en place de ce gouvernement, à l’issue d’une crise inouïe concernant la nomination d’un ministre des Finances qui ne soit pas trop hostile à l’euro. Mario Drahgi déclare donc aujourd’hui, concernant les mini-Bots : « Les mini-Bots sont soit de la monnaie, et dans ce cas ils sont illégaux, soit ils sont une dette, et dans ce cas le stock de dette augmente. Je ne pense pas qu’il y a de troisième possibilité. »[1] Ce à quoi le président de la commission des finances de l’Assemblée, l’économiste Claudio Borghi Aquilini, a répondu sur twitter : « … Bien-sûr qu’ils sont de la dette. Mais ils ne sont pas de la NOUVELLE dette parce qu’ils dérivent des engagements existants de l’Etat envers les fournisseurs et les citoyens. » [2]De son côté le Secrétaire d’Etat aux affaires européennes, le juriste Luciano Barra Carraccio, a déclaré : « Evidemment qu’ils ne sont pas de la monnaie, mais des moyens de paiement à l’acceptation volontaire, dont la valeur est un droit d’option sur le crédit d’impôt opposable sine die. »[3] On voit là toute l’efficacité du dispositif gouvernemental et parlementaire mis en place l’an dernier. L’élite au pouvoir actuellement en Italie est une élite bien préparée et déterminée à affronter les abus des institutions européennes avec les meilleurs outils intellectuels, ce qui contraste fortement avec l’improvisation permanente que fût l’expérience grecque en 2015.
Il faut analyser de près ces déclarations pour bien les comprendre et en tirer toutes les conséquences, car ce qui semble se préparer, si le gouvernement assume solidement sa position, ce n’est rien moins que la mise en place d’une nouvelle monnaie circulant à partir du Trésor Public italien, en lieu et place de la Banque centrale européenne. Comme on l’a vu hier, cela est tout à fait possible si le Trésor émet au passif de sa comptabilité des mini-bots en lieu et place de sa dette publique. A son actif, il récolte ensuite les impôts en minibots, ce qui lui permet de supprimer la part de sa dette que ses créanciers acceptent de transformer en minibots, autrement dit de déduire de leurs impôts. Si la BCE refuse de prendre en charge ces écritures dans sa comptabilité, puisque le Trésor public italien possède un compte à la Banque centrale européenne, rien n’empêche le Trésor de l’appliquer dans la sienne, créant alors une rupture de fait avec la BCE. A partir de ce moment-là, le Trésor public est maître du jeu s’il arrive à faire circuler ses mini bots comme une monnaie, en l’émettant à l’occasion de ses dépenses et en la détruisant en prélevant des impôts. Ce système permettra de faire circuler une grande quantité de monnaie, mais avec des problèmes très importants dus au fait que cette monnaie ne viendra plus du crédit aux particuliers et aux entreprises. D’une part le besoin de crédit courant ne sera plus satisfait, d’autre part le secteur public deviendra prépondérant, ce qui posera de graves problèmes à l’économie italienne assez rapidement.
Mais il faut insister sur le fait que ce danger peut être évité si le gouvernement prend les mesures nécessaires. Pour cela, si le Trésor Public rompt avec la BCE, il est vital qu’il se transforme en une grande banque nationale pour accorder des crédits aux italiens. Cela n’a rien d’utopique ou d’impossible, si l’on considère que, comme en France, le Trésor Public est une institution tentaculaire, pour laquelle travaillent un très grand nombre d’agents publics partout sur le territoire italien. En Italie, ces agences territoriales, réparties partout sur le territoire sont regroupées dans le département des Finances du Ministère de l’Economie et des Finances et se nomment des Agences des impôts (Agenzia delle Entrate)[4]. Pour faire fonctionner efficacement le mini-bot, il est nécessaire de donner à ces agences le pouvoir d’accorder des crédits en mini-bots aux particuliers et aux entreprises, quitte à allouer des moyens supplémentaires pour créer des services spécifiquement dédiés à cette tâche. Cela permettrait de répartir sur le territoire l’ensemble de la demande de crédit courante qui est à la base, quotidiennement, de la création monétaire dans les banques. De plus, cela permettrait de rassurer l’ensemble des acteurs en s’adressant dans chaque endroit du territoire à l’Etat pour obtenir sa nouvelle monnaie (bien qu’elle n’aura peut-être toujours pas ce statut à ce moment-là).
Ainsi pourra être assurée rapidement et efficacement cette tâche essentielle et vitale pour la nation d’assurer le maintien de l’offre de crédit pour créer de la monnaie. L’expérience historique nous montre d’ailleurs que dans ce type de crise monétaire, l’institution prépondérante à laquelle les agents font confiance est toujours l’Etat, aussi le département des Finances, via ses nombreuses agences d’impôts, devra-t-il assurer cette mission. Au niveau central, le gouvernement devra certainement veiller autant que possible à séparer au sein de cette administration l’activité classique de prélèvement des impôts et de gestion des comptes des administrations, de l’activité nouvelle de gestion des crédits aux particuliers. D’autre part pour cette activité, il faudra fixer aux agences un objectif d’équilibre économique, voire de recherche de profit, afin qu’elles soient attentives à ne pas accorder des crédits de façon excessive. Certes, cet objectif de profit devra être modéré, surtout au début de la mise en place de ce système. Les agences se refinanceront ensuite en mini-bots au sein du Trésor Public central, et de la même manière, celui-ci devrait assurer une séparation entre ses activités bancaires et de gestion des fonds publics et des impôts.Lire la suite
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