Source : le blog Mediapart, Pascal Boniface, 09-11-2017
Depuis longtemps, hélas, Marianne nous habitue à des Unes sur les musulmans, proches de celles de Valeurs actuelles ou du Figaro Magazine. Je fus quand même étonné quand, à la télévision, Renaud Dély a accusé Edwy Plenel et moi-même de « complicité intellectuelle » avec Tariq Ramadan.
R. Dély établissait ainsi pour le public un lien entre nous et les accusations de viols qui pèsent sur T. Ramadan (1).
Le magazine Marianne, quant à lui, consacre sa Une du 3 novembre 2017 « aux irresponsables qui lui [T. Ramadan] ont déployé un tapis rouge », sous les plumes de Martine Gozlan et Caroline Fourest. Tout d’abord, un sujet d’étonnement. Pour avoir débattu avec T. Ramadan, ou simplement plaidé en faveur de sa libre expression, un lien est tissé entre nous et les accusations dont il fait l’objet. Je l’ai rencontré une fois et Edwy Plenel quelques fois. Cela ne nous permet aucun accès à sa vie privée. R. Dély et C. Fourest sont, en revanche, proches de Philippe Val. Ce dernier a été en tournée pendant plus de quinze ans avec Patrick Font, condamné pour des actes de pédophilie. Il devait pourtant, pour avoir partagé déplacement et hébergement, en connaître davantage sur la vie privée de P. Font, qu’E. Plenel et moi-même en connaissons sur celle de T. Ramadan. Si R. Dély et C. Fourest se plaçaient sur le terrain des principes, ils se montreraient bien plus accusateurs envers P. Val. Mais, des principes, ils n’en ont guère. Leur boussole ne connaît que deux pôles : ami/ennemi. Quel que soit son comportement, un ami sera exonéré, quand, quel que soit le sien, un ennemi sera jugé coupable sans autre forme de procès.
Dans un État de droit, c’est à la justice de trancher. Si T. Ramadan a fait ce dont il est accusé, il doit être puni à la hauteur de l’atrocité des actes. Mais établir un lien entre ses éventuels crimes et le fait d’avoir débattu avec lui est un procédé indigne, contraire aux règles de la déontologie journalistique. A-t-on reproché à tous ceux ayant accompagné Dominique Strauss-Kahn ou l’ayant soutenu au Parti socialiste (PS) d’être responsables des actes pour lesquels il a été ultérieurement mis en cause par la justice ? La réponse est non. Et c’est heureux. Son comportement était pourtant connu. Jean Quatremer avait même publié un article de mise en garde lorsqu’il était parti à Washington, expliquant que ce qui se déroulait en France ne pourrait se passer aux États-Unis. C’est ce dernier qui avait été mis en cause à l’époque. A-t-on accusé de complicité les écologistes qui ont soutenu Denis Baupin ? Bien sûr que non.Lire la suite
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