Les articles en ligne de plus en plus uniformes, par AFP

Source : Le Parisien, AFP, Lionel Bonaventure, 22-03-2017

Les articles en ligne se ressemblent de plus en plus: 64% des contenus sont de purs copier-coller d’autres articles, en particulier de dépêches AFP, selon une étude.
Les articles en ligne se ressemblent de plus en plus: 64% des contenus sont de purs copier-coller d’autres articles, en particulier de dépêches AFP, selon une étude portant sur 2,5 millions d’articles en 2013, publiée mercredi par l’INA.
En utilisant les techniques du “big data”, les chercheurs Julia Cagé (par ailleurs membre du conseil d’administration de l’AFP), Nicolas Hervé et Marie-Luce Viaud ont suivi le circuit de l’info pour 25.000 événements de l’année – c’est-a-dire des faits marquants rapportés par au moins un média. Et ce sur la production de 86 grands médias.
Ils ont ainsi pu déterminer quel média publiait le premier un article sur un événement, après quel délai d’autres lui emboîtaient le pas et quelle était la part de contenu original dans leurs copie.
Premier constat : l’information se propage très rapidement. Il faut en moyenne moins de trois heures (175 minutes) pour qu’un événement couvert par un site le soit aussi par un autre. La moitié des événements donne lieu à des reprises en seulement 25 minutes et un quart en 230 secondes, généralement des reprises de dépêches AFP.
Une fois sur deux, l’AFP a été la première à publier l’information sur un événement, reprise ensuite par d’autres médias après 25 minutes en moyenne.
En revanche, quand un événement est rapporté par un “pure player”, il faut en moyenne près de 7 heures pour qu’il soit repris par un concurrent ou l’AFP – le temps de chercher une confirmation.
Forte de la plus grosse rédaction des médias français, l’AFP a couvert 93% des événements analysés, quand les autres médias n’apparaissent que dans 16% des événements en moyenne.
Si 64% des contenus en ligne sont des purs et simples copier-coller, l’étude pointe du doigt de fortes disparités: 21% des articles sont entièrement originaux, 19% intégralement copiés et plus de la moitié comportent moins de 20% de contenu original. Même hors AFP, 41% des contenus sont copiés d’autres médias.
La quantité d’information originale est d’autant plus menacée que le nombre de journalistes baisse en France : de 37.904 en 2009, les titulaires d’une carte de presse ne sont plus fin 2016 que 35.000 environ.
Or, selon l’étude, augmenter de 1% l’effectif d’une rédaction accroît de 1,2% la production originale.
Puisque l’information est vite disponible ailleurs, il devient très difficile de monétiser une production originale, s’inquiètent les chercheurs. Accroître de 1% le contenu original n’augmente que de 0,018% le nombre de visiteurs uniques.
Le contenu original accroît pourtant la réputation d’un média et à terme le nombre de ses abonnés.
AFP
Source : Le Parisien, AFP, Lionel Bonaventure, 22-03-2017
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Comme cela a ensuite été relevé sur Twitter, cet article… a vite été dupliqué

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L’étude originale :
Dans L’information à tout prix (Ina Éditions), Julia Cagé, Marie-Luce Viaud et Nicolas Hervé quantifient le recours massif au copié-collé dans les médias en ligne et la vitesse de propagation d’une information. Comment, dans ces conditions, monétiser l’information ? Extraits.

Fragilité ?

Historiquement, les journaux ont été désireux de supporter ces coûts fixes élevés [en particulier les coûts relatifs à la taille de la rédaction, ndlr] car en contrepartie, ils espéraient des profits. Publier une information en exclusivité pour un journal papier lui assurait, au moins durant une journée, une augmentation de ses ventes et donc de ses revenus, car cette information n’était pas disponible dans l’exemplaire papier des journaux concurrent[+]. Autrement dit, l’information avait alors une valeur commerciale.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Sur Internet, sitôt publiée, l’information est disponible presque immédiatement sur le site des journaux concurrents. Comment monétiser dès lors la production d’une information originale ? Quelles incitations les médias ont-ils encore à payer pour une rédaction pléthorique alors qu’ils pourraient se contenter d’un petit nombre de journalistes en charge de monitorer le web et de faire du copié-collé, voire de simples algorithmes et de
« journalistes robots » ? (p.13)

La taille moyenne des rédactions des médias d’information en France diminue de 1 % par an depuis 2013. Or 1 % de journalistes en moins, c’est 1,20 % de moins d’information originale produite. Toutes choses égales par ailleurs, si la diminution de la taille moyenne des rédactions devait continuer au rythme actuel, cela impliquerait qu’en 2020, ce seraient plus de 30 000 articles d’information entièrement originaux de moins qui seraient produits qu’en 2013.Or, au vu des changements actuels, 1 % de baisse par an est une estimation basse de la diminution de la taille des rédactions[+]. Un journal comme L’Express est passé de plus de 120 cartes de presse en 2013 à 40 aujourd’hui, soit un retour à la situation du journal… en 1965. L’Obs, qui a annoncé en juin 2016 un nouveau plan de départs volontaires, avait déjà vu le nombre de ses cartes de presse diminuer de 50 entre 2014 et 2015. Et c’est sans parler d’I-télé qui en 2016 a perdu plus de la moitié de sa rédaction suite au bras de fer qui a opposé les journalistes à un actionnaire intrusif et peu soucieux de déontologie, Vincent Bolloré pour ne pas le nommer. Certes, l’approche quantitative présente de nombreuses limites mais les tendances actuelles font peser une véritable menace sur l’information originale[+]. (p. 16-17) […]

Doit-on s’en inquiéter ? L’enjeu est double ici. On observe une homogénéisation croissante des contenus ; il est facile de la dénoncer, mais l’on peut également décider d’observer le verre à moitié plein et noter que l’un des corollaires de ce recours à la copie est que davantage d’information est mise à disposition du plus grand nombre gratuitement aujourd’hui[+].

Par ailleurs – et c’est ce qui nous semble ici le plus inquiétant –, la combinaison du recours à la copie et de la vitesse de propagation de l’information risque de tuer à terme les incitations des médias à produire une information originale, à faire perdre à l’information originale toute valeur commerciale. Or l’information originale est coûteuse à produire, et la copie mêlée à la réactivité fait de chaque site internet un substitut du site concurrent. Les médias n’arrivent ainsi plus à monétiser cette information si coûteuse à produire. C’est pourquoi il nous a semblé urgent de mettre à plat la réalité de la propagation de l’information en ligne, afin de souligner les difficultés qu’elle fait poser sur le futur de l’information et de nos démocraties.

Lire la suite des bonnes pages sur cet article très intéressant de l’INA puis l’interview des auteurs.





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