Je vois qu’il est grand temps de continuer un peu notre série prématurément interrompue. Demain, l’origine des particules (qui sont simplement des poussières très fines pour mémoire, voir ici)…
Index de la série “Pollution de l’air”
- La pollution de l’air cause 48 000 morts par an en France (+ présentation des polluants)
- La pollution aux particules fines
- Les graves effets des particules sur la santé
- La pollution de l’air dans le monde
- La pollution de l’air en Europe I (+ les morts du charbon)
- La pollution de l’air en Europe II
- La pollution de l’air en France
- Le très polluant chauffage au bois
- Le choix erroné de la France pour le diesel (mais le diesel a évolué…)
- Arrêtons avec les “centrales à charbon allemandes”…
- La pollution de l’air en Île-de-France (hors particules)
- La pollution aux particules en Île-de-France
- L’origine des particules en Île-de-France
- Les épisodes de pollution aux particules en Île-de-France
- Qualité de l’air en Île-de-France et épisodes de pollution récents
- La pollution dans le métro
- La pollution de l’air à la maison
- Suivi en direct de la pollution
- Quelques suggestions…
- Documents
- Synthèse de la série Pollution de l’air
Les particules fines : des niveaux soutenus, en légère baisse
Rappelons que les particules sont constituées d’un mélange de divers composés chimiques de différentes tailles. Une distinction est faite entre les particules PM10, de diamètre inférieur à 10 μm, et les PM2.5, de diamètre inférieur à 2.5 μm. Les particules PM10 sont majoritairement formées de particules PM2.5 : en moyenne annuelle, les PM2.5 représentent environ 60 à 70 % des PM10.
Les sources de particules sont multiples. Il existe d’une part des rejets directs dans l’atmosphère (particules primaires). Les sources majoritaires de particules primaires sont le secteur résidentiel et tertiaire (notamment le chauffage au bois), le trafic routier, les chantiers et carrières et l’agriculture. Elles peuvent également être d’origine naturelle (érosion des sols).
La contribution du secteur résidentiel et tertiaire aux émissions de PM2.5 est plus importante que pour les PM10 et à l’inverse la contribution de l’agriculture et des chantiers est plus faible. Cela s’explique par la nature des phénomènes prépondérants dans la formation des particules. Les particules PM2.5 sont majoritairement formées par des phénomènes de combustion (secteur résidentiel et tertiaire et trafic routier). Les activités mécaniques, telles que le secteur agricole (labours, moissons et phénomènes d’abrasion par les engins agricoles) et les chantiers favorisent la formation de particules de taille plus importante (PM10)
La pollution aux particules fines PM2,5 à Paris depuis 2007
Voici la situation à Paris depuis 2007 en moyenne horaire :
et ici en maximum horaire :
On note que la situation semble un peu s’améliorer, les pics étant un peu moins élevés qu’en 2007-2010.
Cela est confirmé par la tendance sur Paris depuis 2000 pour les PM10 et PM2,5 :
Il est encourageant de voir que les efforts des pouvoirs publics payent ; la situation n’est pas encore parfaite : il faudrait encore arriver à diviser probablement ces chiffres par 2.
Voici la moyenne en représentant l’écart-type (= la moyenne de l’écart à la moyenne)
Voici les tendances dans différentes zones de la région :
On peut aussi regarder le nombre de jours de dépassements de certains seuils suivant les zones, comme ici en zone trafic :
On voit qu’on ne dépasse quasiment plus les 50 µg par jour, qu’on est passé de 300 à 100 jours de dépassements du seuil de 20 µg, et que la zone connait désormais 30 jours par an (contre 0 avant 2011) un niveau conforme à la recommandation de l’OMS.
Voici pour la situation dans le centre de Paris :
Là encore, l’amélioration est nette, et Paris connait un air assez satisfaisant en particules 4 mois dans l’année.
Pour les zones rurales :
Là encore, l’amélioration est nette, et le fond rural connait un air assez satisfaisant en particules 9 mois dans l’année.
La situation en 2016
Voici le détail de situation en 2016 à Paris :
avec les maximums OMS en moyenne annuelle et journalière :
On note bien le pic assez exceptionnel de décembre 2016, le plus fort depuis 2007.
Représentons les deux mêmes graphes pour les PM10 :
On voit donc que le problème est plus important pour les PM2,5 que pour les PM10.
Revenons donc aux PM2,5 ; voici le détail suivant les zones :
Pour mieux voir, on peut représenter par différence le fond rural (comme indiqué dans le précédent), l’ajout urbain (niveau à Paris – niveau rural) et l’ajout trafic (niveau trafic – niveau Paris) :
et ici les 3 isolés :
On voit bien la part importante des particules importées dans les deux pics de l’année, près de 100 % en mars et 50 % en décembre…
L’apport du trafic semble baisser à l’automne, mais c’est un biais dans la présentation : c’est simplement que la part urbaine parisienne augmente fortement, en raison du chauffage principalement, ce qui diminue l’écart avec la zone trafic.
Enfin, voici pour information la situation moyenne par heure à Paris en 2016, qui laisse bien voir les heures de pointe :
Étude des PM10
Rappelons bien l’effet “cumul” pour les particules :
Les émissions de PM10
Les émissions primaires franciliennes de particules PM10 s’élèvent à 15 kt pour la région Île-de-France en 2012 :
On constate une diminution de 48% des émissions de PM10 en Île-de-France sur 12 ans :
Le trafic routier est à l’origine de 28 % des émissions franciliennes de PM10 en 2012. Ces émissions routières se répartissent ainsi :
En 2012, l’échappement des véhicules diesel contribue pour 16 % à l’ensemble de toutes les émissions franciliennes (9 % véhicules particuliers, 5 % véhicules légers, 2 % poids lourds) alors que la contribution des véhicules particuliers essence est inférieure à 1 %. L’usure des routes, des pneus et plaquettes de freins – contre lesquelles il est dur de lutter – est responsable de 11 % des émissions franciliennes.
Les émissions de PM10 du trafic routier ont diminué de 55 % entre 2000 et 2012 grâce à l’apparition de filtres à particules à l’échappement des véhicules diesel.
Voici un zoom plus récent pour la seule ville de Paris :
avec le détail du transport routier :
20 % des émissions totales sont ici dus aux abrasions du trafic routier…
Voici le niveau d’émissions de particules en 2012 par kilomètre pour différents types de véhicules :
Rappelons au passage qu’il y a en Île-de-France 15,5 millions de déplacements quotidiens en voiture, d’environ 6,1 km en moyenne (Source).
Le secteur résidentiel et tertiaire contribue à hauteur de 26 % aux émissions franciliennes. La répartition des émissions par combustible est la suivante :
On constate une diminution de 49 % des émissions de PM10 du secteur résidentiel et tertiaire entre 2000 et 2012. Cette baisse est quasiment exclusivement due au renouvellement progressif des équipements de chauffage au bois. La baisse progressive de l’usage des foyers ouverts, fortement émetteurs de particules, vers l’usage de foyers fermés et de poêles à bois performants a permis de baisser fortement les émissions de particules. Cependant, le chauffage au bois en base et en appoint reste un contributeur important aux émissions primaires de particules en 2012 avec 20 % des émissions régionales de PM10 et 30 % des émissions régionales de PM2.5, alors que ce combustible ne couvre que 5 % des besoins d’énergie pour le chauffage des logements.
Les appareils à foyer ouvert, qui « émettent huit fois plus de particules qu’un foyer fermé avec un insert performant », sont stigmatisés et pour cause : ils représentent à eux seuls « plus de la moitié de ces émissions dues au chauffage au bois », selon la Driee. Selon l’Ademe, l’âge moyen des équipements est de 15 ans, et 18 % des poêles et cheminées possèdent des foyers ouverts – les plus polluants – et le taux de renouvellement n’est que de 4 % par an.
Le secteur agricole contribue à hauteur de 18 % aux émissions de particules PM10 franciliennes (labours, moissons de cultures), tout comme le secteur chantiers et carrières.
Les concentrations en PM10
La valeur limite journalière est de 50 µg/m3 (avec 35 jours de dépassements autorisés) et la valeur limite annuelle est de 40 µg/m3 .
Exposition journalière
En 2015, la valeur limite journalière a été largement respectée en situation de fond – la pire station a dépassé le seuil 11 jours. Mais les dépassements de la valeur limite journalière restent sévères à proximité du trafic routier. Le dépassement de la valeur limite journalière est ainsi constaté en 2015 sur environ 6 % des axes routiers franciliens soit environ 700 km de voirie :
En 2015, environ 300 000 personnes sont potentiellement exposées à un dépassement de la valeur limite journalière, soit environ 3 % de la population francilienne, contre plus de 40 % en 2007 :
Cela représente environ 40 km² :
La distribution est la suivante :
2007 a en effet été le record historique d’exposition.
Soulignons enfin que les teneurs en particules PM10 d’une année sur l’autre sont très impactées par le contexte météorologique. Les années 2008 et 2010 ont connu une météorologie favorable à une bonne qualité de l’air, alors qu’en 2007 et en 2009, des situations particulièrement défavorables, couplées à des émissions accrues de particules (notamment le chauffage au bois pendant les épisodes hivernaux), ont conduit à de forts niveaux en hiver et au printemps. Comme en 2014, 2015 a connu des conditions météorologiques globalement favorables à la qualité de l’air.
Exposition annuelle
En 2015, avec un maximum de 23 µg/m3, la valeur limite annuelle (40 µg) a été largement respectée en situation de fond, tout comme l’objectif de qualité (30 µg).
En revanche, les concentrations peuvent y être jusqu’à deux fois plus élevées (28 à 42 µg) à proximité des grands axes de trafic. Si une seule station de mesure a légèrement dépassé la limite, l’objectif de qualité est dépassé sur la majorité des axes du cœur de l’agglomération.
Il n’y a plus qu’une infime fraction de la population exposée au-delà de la limite légale.
En 2015, environ 1 % de la population francilienne, soit environ 160 000 habitants, est potentiellement exposé à un air excédant l’objectif de qualité annuel pour les particules PM10 ; c’était 30 % en 2007.
N.B. la recommandation OMS est à 20 µg/m3
En 2007, 86 % des Franciliens étaient soumis à des teneurs annuelles de PM10 supérieures à 24 μg/m3, alors qu’en 2015 ce niveau d’exposition potentielle ne concernait plus que 8 % des Franciliens. Les études sanitaires se fondant sur les concentrations massiques indiquent clairement qu’il n’y a pas de seuil en dessous duquel les particules ne sont pas nocives.
Voici enfin la tendance en moyenne triennale des concentrations en fond :
et celle près du trafic :
Étude des PM2,5
Comme nous l’avons déjà vu, la situation des particules fines est bien moins favorable que pour les PM10.
Les émissions de PM2,5
Les émissions primaires franciliennes de particules PM2.5 s’élèvent à 10 kt pour la région Île-de-France en 2012 :
Par rapport aux PM10, on note une part deux fois moindre pour les émissions de l’agriculture et des chantiers, qui émettent donc des particules plus grosses ; les particules fines sont surtout issues de processus de combustion incomplète.
On constate une diminution des émissions de PM2.5 en Île-de-France entre 2000 et 2012 de 55%. Les raisons sont les mêmes que celles exposées pour les PM10 : filtres à particules sur les véhicules diesel et nouveaux poêles à bois à foyer fermé.
Les concentrations en PM2,5
La valeur limite annuelle est de 25 µg/m3 , la valeur cible est 20 µg, et l’objectif de qualité de l’OMS 10 µg.
Rappelons que l’OMS devrait notablement baisser cet objectif de 10 µg (Source OMS 2013) :
La valeur limite applicable en 2015 est égale à 25 μg/m3. Elle est respectée sur toutes les stations du réseau.
En revanche, l’objectif de qualité (10 μg/m3) est dépassé sur la quasi-totalité de l’Île-de-France.
Les teneurs sont 1,2 à 1,4 fois supérieures à ce seuil en fond urbain et de 1,7 à 2,5 fois supérieures en proximité du trafic.
En 2015, environ 150 000 habitants, soit moins de 1 % de la population francilienne, sont potentiellement exposés à un air excédant la valeur cible annuelle (20 μg/m3) pour les PM2.5, en grande partie dans Paris ; c’est toutefois 10 fois moins qu’en 2007.
De gros progrès ont donc été réalisés :
Mais en 2015, 11,5 millions d’habitants, soit plus de 95 % des Franciliens, sont potentiellement concernés par un dépassement de l’objectif de qualité annuel (10 μg/m3) – sachant que ce seuil reste encore probablement trop élevé :
Ainsi, pratiquement aucun Francilien ne bénéficie d’un air sain en particules PM2,5…
Dans une vision de plus long terme, comme pour les PM10, la météo peut beaucoup influer sur la qualité de l’air en PM2,5 :
En s’affranchissant de ces variations météorologiques, les niveaux moyens annuels de fond de PM2.5 montrent une baisse de l’ordre de -25 % entre 2000/2002 et 2013/2015 :
La baisse des concentrations en PM2.5 est plus marquée sur les axes routiers, avec une baisse de l’ordre de 45 %.
Comme pour les PM10, cette baisse s’explique par la diminution des particules primaires émises à l’échappement des véhicules diesel (environ -60 % entre 2000 et 2012). La baisse est plus importante que pour les PM10 car la majorité des PM2.5 sont émises à l’échappement.
Le carbone suie
Les émissions de PM1
Les émissions primaires franciliennes de particules PM1 s’élèvent à 7,2 kt pour la région Île-de-France en 2012 :
La répartition sectorielle des émissions de PM1 montre une contribution quasi exclusive des secteurs émettant des particules issues de la combustion. Le chauffage au bois et les véhicules diesel à l’échappement émettent 76 % des PM1 en Île-de-France pour l’année 2012 avec des contributions respectives de 41 % et 35 % aux émissions régionales.
Les émissions de carbone suie
Les émissions primaires franciliennes du dangereux “carbone suie” appelé également « black carbon » s’élèvent à 2,8 kt pour la région Île-de-France en 2012 :
Le premier contributeur aux émissions de carbone suie en Île-de-France est le transport routier avec 66 % des émissions en 2012. Cette contribution majoritaire ainsi que la faible part importée fait du carbone suie un bon indicateur de suivi de la pollution automobile grâce à sa mesure à proximité du trafic routier. Les véhicules diesel sont à l’origine de la quasi-totalité des émissions franciliennes de carbone suie du transport routier en 2012.
Les émissions du secteur résidentiel et tertiaire représentent 23 % des émissions régionales de carbone suie en 2012. Le chauffage au bois est à l’origine de 84 % de ces émissions, soit environ 20 % du total.
Les concentrations en carbone suie
Les fumées noires sont mesurées depuis la fin des années 1950 dans l’agglomération parisienne. Le prélèvement de fumées noires s’opère sans coupure granulométrique précise. Longtemps normée, la méthode des fumées noires n’est plus une technique de référence pour la surveillance des particules. Cet indicateur permet de suivre l’efficacité de mesure de réduction des sources locales de combustion, en particulier le trafic.
Entre la fin des années 1950 et le milieu des années 1990, les niveaux moyens de fumées noires ont quasiment été divisés par 20 à Paris. Cette très forte diminution est due à la baisse importante des émissions des suies issues de la combustion du charbon, combustible alors largement utilisé en Île-de-France pour la production d’électricité et le chauffage.
Il existe un gradient très important entre les concentrations moyennes mesurées en site trafic par rapport aux sites de fond, de 1 à 15 :
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En résumé pour les particules
300 000 Franciliens sont toujours potentiellement exposés à un dépassement de la valeur limite journalière en PM10.
Des dépassements récurrents et importants des valeurs limites pour les PM10 sont toujours constatés à proximité du trafic.
Les teneurs de fond en PM2.5 sont 1,2 à 1,4 fois supérieures au seuil de l’objectif de qualité, elles sont plus de deux fois supérieures à ce seuil en proximité au trafic. Près de 95 % des Franciliens, soit 11,5 millions de personnes, sont concernés par un dépassement de ce seuil.
Une tendance à la baisse se dessine néanmoins, en particulier en proximité au trafic routier, où la valeur limite annuelle n’est pas dépassée pour la deuxième année consécutive
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Synthèse générale de la pollution de l’air en Île-de-France
Pour synthétiser les deux derniers billets, voici quelques tableaux :
Le principal problème de pollution atmosphérique en Île-de-France est donc, de loin, les particules, suivi dans une moindre mesure du Dioxyde d’Azote puis de l’Ozone.
Voici enfin un vidéo d’AirParif dressant le bilan de 2015 :