Le Cercle des Volontaires est allé à la rencontre de Christophe, président du CRE ESSEC. Cette association, qui veut porter un regard lucide sur l’Union européenne, a attiré notre attention car il n’est pas anodin qu’une telle association voie aujourd’hui le jour dans l’une des plus grandes écoles de commerce françaises.
Nous avons voulu en savoir plus sur la genèse de l’association, ses activités et ses perspectives. Vous trouverez également en bas de l’article le lien vers les deux conférences déjà organisées par ces étudiants militants.
Entretien avec Christophe !
Le CRE, c’est quoi exactement ?
Christophe : Critique de la Raison Européenne est une association étudiante souverainiste présente dans plusieurs Grandes Écoles et universités. Plus précisément, il s’agit d’un réseau associatif composé d’antennes dont la principale et première à avoir vu le jour est celle de Sciences Po Paris. J’ai pour ma part fondé, avec trois de mes camarades, celle de l’ESSEC Business School, à Cergy, en mai 2016. D’autres antennes existent à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, à Sciences Po Lyon, à l’Institut Catholique de Paris ou encore à Strasbourg.
L’association n’est la succursale d’aucun parti politique et rassemble des étudiants de gauche comme de droite qui partagent un même constat : l’Union européenne ne peut continuer à exister telle qu’elle est actuellement et doit impérativement être réformée en profondeur afin de rapatrier le processus décisionnel, confisqué abusivement par elle, à l’échelon national. La construction européenne ne peut en effet se faire en dehors du cadre des États-Nations et contre les peuples. Loin de tout aveuglement idéologique et de tout dogmatisme, nous portons au contraire un regard lucide sur l’UE et sur l’échec de certaines de ses politiques : monnaie unique, politique industrielle, définition et contrôle des frontières extérieures, etc.
Comment est-elle arrivée à l’ESSEC ?
Christophe : L’association a en effet été créée à Sciences Po Paris à la rentrée académique 2013 par un petit groupe d’étudiants — dont certains sont d’ailleurs devenus mes amis, lassés de l’absence de débat et du conformisme ambiant qui régnait sur le campus à propos, notamment, des questions européennes.
C’est en assistant à l’un de leurs événements, une conférence-débat avec Henri Guaino sur le thème « Quel avenir européen pour la France ? », que la nécessité m’est apparue de faire la même chose à l’ESSEC. Le constat fait par nos camarades de la rue Saint-Guillaume était également valable dans notre école : nous disposions en effet d’une association pro-Union européenne mais d’aucune association critique à l’égard de cette dernière. Par ailleurs, j’avais été très agréablement surpris par le format de l’événement, à savoir une intervention libre sans interruption suivie d’un débat, qui permettait ainsi à l’invité de présenter posément, et de façon construite et exhaustive, sa réflexion. Et c’est précisément de cela que nous avons besoin aujourd’hui.
Une telle association à l’ESSEC, c’est à peine croyable ?
Christophe : Si l’ESSEC présente un certain nombre de défauts, au même titre que les autres Business Schools françaises, il faut lui reconnaître également un certain nombre de qualités. Parmi elles, son esprit d’ouverture. À titre d’exemple, l’ESSEC est la première école de commerce française à disposer à partir du début des années 1960 d’une association étudiante de débat. Il n’est donc pas surprenant qu’elle devienne aujourd’hui la première école de commerce française à accueillir en son sein une association étudiante eurosceptique, souverainiste. Il est évident, cependant, que notre association présente une certaine originalité dans une école de commerce, où les vertus économiques du libéralisme sont enseignées sans être questionnées et où la question du politique est globalement évacuée.
Il aura fallu 9 mois de procédures administratives, à compter de la première rencontre avec l’administration de l’école, pour que l’association soit légalement reconnue. Durant cette procédure, fastidieuse, l’école ne s’est pas forcément montrée très coopérante. Aujourd’hui, néanmoins, notre légitimité auprès d’elle est assurée sur le campus et nos relations sont excellentes.
L’une des difficultés à laquelle nous avons été confrontés lors de nos débuts a été de faire face à des étudiants pour qui le mot de « souveraineté » est un gros mot. Pour certains — une infime minorité heureusement, et ce en raison d’un manque de culture historique et politique évident de leur part — notre premier invité Jacques Sapir était vu comme étant un « théoricien d’extrême-droite ». Néanmoins, aujourd’hui, les retours que nous avons de la part d’étudiants qui assistent à nos événements sont tous très positifs et nous poussent à continuer sur cette lancée.
Vos activités se limitent-elles aux conférences ?
Christophe : Pour l’instant, nous nous focalisons sur notre « cœur de métier », l’organisation de conférences-débats. Nous en avons déjà réalisé deux : la première avec l’économiste hétérodoxe Jacques Sapir, la seconde avec le député-maire de Maisons-Laffitte Jacques Myard. Les thèmes de celles-ci étaient respectivement « Souveraineté monétaire et Euro : l’économie peut-elle aboutir à une remise en cause de la démocratie » et « Quelle politique étrangère de la France dans le cadre de ses alliances européenne et transatlantique ? ». Elles sont par ailleurs visibles sur YouTube (1).
Notre prochain événement, le 19 janvier prochain, sera sensiblement différent puisqu’il sera organisé en présence de deux invités. Il s’agira d’une conférence-débat sur la démographie en France et en Europe. Rappelons à toute fin utile que nos événements sont gratuits et ouverts à tous.
Ce prochain événement constitue une étape intermédiaire de ce que nous souhaitons faire à terme. Nous aimerions en effet pouvoir réaliser des colloques thématiques, en présence de trois ou quatre invités, sur le modèle de ce qui est fait par Jean-Pierre Chevènement avec la Fondation Res Publica. Mais cela nécessite des moyens financiers et logistiques que nous n’avons pas pour l’instant.
Quels sont vos projets pour l’avenir ?
Christophe : Outre les projets mentionnés précédemment, c’est-à-dire l’organisation de conférences-débats et colloques sur les questions européennes, nous réfléchissons aux moyens de mettre à disposition de tous le fruit de la veille d’actualité que nous faisons d’ores et déjà pour nous, en interne, sur ces sujets-là. La page Facebook CRE ESSEC nous permet déjà de relayer chaque semaine les articles de presse généraliste ou spécialisée que nous avons lus et que nous jugeons utile de partager. Nous réfléchissons actuellement à la possibilité de mettre en place une newsletter.
Par ailleurs, nous espérons susciter des vocations dans les lieux d’enseignement supérieur où nous ne sommes pas encore présents et rappelons aux intéressés que nous accompagnons et soutenons les initiatives de création de nouvelles antennes !
Propos recueillis par Nico Las (TDH)
(1) : Les deux conférences organisées par le CRE ESSEC sont disponibles sur Youtube.
La première conférence du CRE Essec, avec Jacques Sapir, sur le thème : « Souveraineté monétaire et Euro : l’économie peut-elle aboutir à une remise en cause de la démocratie ? » n’a été enregistrée qu’en audio :
La seconde conférence du CRE ESSEC, avec Jacques Myard, sur le thème : « Quelle politique étrangère de la France dans le cadre de ses alliances européenne et transatlantique ? » est elle un enregistrement vidéo :
(594)
Cet article Le CRE, une association eurosceptique à l’ESSEC… Le signe d’un changement ? est apparu en premier sur Cercle des Volontaires.