Entre adultes, les conversations prennent parfois un tour « très sérieux » à ne pas mettre dans toutes les oreilles… Aussi, quand l’ancien ministre des Finances, en Grèce, nous invite à de nouvelles conversations, nous nous demandons ce qu’il va nous dire de si osé.
Son livre (1) le dit simplement : l’Union européenne et la zone euro, nos vies en Europe, celles des riches, celles des pauvres, sont aujourd’hui soumises à un risque majeur « d’inintelligence politique » entre États membres. Selon Varoufakis, les dirigeants politiques européens ne sont pas sur le bon chemin.
Le summum de l’incompréhension est visible entre les pays économiques excédentaires, Allemagne et Pays-Bas, et les autres. Les dirigeants de ces deux-là feraient bien de tendre l’oreille. En effet, le risque d’instabilité économique et sociale est élevé et nous n’avons pas encore mis en oeuvre ensemble, au moins dans la zone euro à dix-neuf, les moyens d’apprendre à faire mieux que la dernière fois. Certes, la Banque centrale européenne, au-delà de son statut et de sa légitimité, a fait du travail de sortie de crise. L’abondance de liquidités a pu créer une opinion favorable au statu quo dans l’Union économique et monétaire. Mais pour Varoufakis, il est urgent de régler quatre troubles : mauvaise gestion de la dette privée et publique ; pas assez de préparation de l’avenir par les investissements d’avenir ; crise bancaire larvée (en Italie, par exemple) ; pauvreté redoutée (avec ses conséquences dans les électorats).
Des conseils à Macron
Selon Varoufakis redevenu professeur d’économie, l’heure est à la vérité. Premièrement, avec le trop d’épargne de la zone euro, la souscription d’Eurobons doit financer dans chaque État la préparation de l’avenir, à hauteur d’un plan de 5 % du PIB européen en faveur d’une société post-carbone et intelligente (recherche, éducation, santé).
Deuxièmement, un Fonds monétaire européen doit être prêt à recapitaliser les banques qui vont entrer en position de faiblesse. Troisièmement, un accord intergouvernemental doit décider que les bénéfices de la Banque centrale européenne alimentent des cartes de débit de type « coupons aux plus pauvres », qu’ils soient d’Allemagne de l’Est ou de Grèce. Au plan tactique, le conseil politique et tactique de l’adulte (non-mélenchoniste) Varoufakis à l’adulte Macron est celui-ci : oui au plan vertueux sur cinq biens communs (la sécurité et la stratégie européenne de défense et de sécurité civile, la réponse au défi migratoire hors du droit d’asile inconditionnel, les partenariats avec l’Afrique, la transition écologique efficace et équitable avec une taxe du carbone aux frontières, le numérique européen). Mais il lui faudra convaincre les États de la zone euro.
De la volonté politique, il en faudra à tous les chefs d’État. Macron, européen convaincu dans son discours du 26 septembre à la Sorbonne, écoutera-t-il l’économiste grec quand il lui conseille d’aller jusqu’à menacer de la politique de la chaise vide ?
En tout cas, Macron peut lire Varoufakis. Merkel aussi, elle qui vient de déclarer : « Je ne vais rien exclure ni tracer des lignes rouges. » Varoufakis est devenu un adulte qui assume le clivage en vue d’améliorer la zone euro. Macron-Merkel, pourrez-vous marquer l’histoire en «proposant pour l’Europe autre chose que le doute » ?
(1) Conversations entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l‘Europe. Yanis Varoufakis. Éditions les liens qui libèrent. Octobre 2017.
Ouest France