Source : Proche & Moyen-Orient, Richard Labévière, 18-02-2019
LE PAPE, DERNIER VRAI DIPLOMATE ? Guillaume Berlat. Dans un monde sans repère, sans vision, il est toujours réconfortant d’entendre une voix singulière, y compris lorsque celle-ci prêche dans le désert, au sens propre et, parfois, figuré. C’est ainsi que nous pourrions qualifier la visite du Pape François aux Émirats arabes unis (EAU)1 du 3 au 5 févier 2018. Éclipsé par l’actualité nationale (grand débat national, suites de l’affaire Benalla, incendie de la rue Erlanger…) et internationale (crise au Venezuela, bras de fer numérique entre la Chine et les États-Unis autour de la 5G, confirmation de la rencontre entre Donald Trump et Kim Jong-un au Vietnam les 27 et 28 février 2019…), ce premier déplacement de trois jours dans la Péninsule arabique est particulièrement important sur la scène internationale. Notons que le Pape est reçu comme un roi par le Prince Mohamed Ben Zayed al-Nathyan tout en restant, pour sa part, attaché à son vœu de pauvreté (Cf. le contraste impressionnant entre le ballet des limousines blanches et petite auto de marque Kia, modèle Soul. Ce déplacement mérite notre attention à plus d’un titre tant il comporte au moins trois dimensions essentielles.
UNE DIMENSION SPIRITUELLE : LE DIALOGUE DES RELIGIONS
Cette visite constitue une première en termes spirituels, constituant un premier pas du Souverain Pontife dans la Péninsule arabique, terre pas spécialement connue pour sa tolérance religieuse2. Le Pape François y est bien accueilli, y célèbre plusieurs offices en présence des représentants d’autres religions, mettant ainsi en pratique son projet de dialogue des religions. Dans ce domaine, comme dans tant d’autres, le Pape François se situe dans la cohérence et dans la continuité. En présence de 400 personnalités prononce une allocution de haute tenue, d’une rare intensité, « l’appel d’Abu Dhabi » dans lequel il lance un vibrant appel à la fraternité. Il signe un document « sur la fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune ». Avant ce temps fort de cette visite, il a visité la « neuvième plus grande mosquée du monde avec ses 40 000 places » et s’est entretenu avec le Conseil des Sages, organisation internationale de hauts responsables religieux musulmans. Pour conclure son message fort, le Pape François réclame « la liberté religieuse » et pas la « seule liberté de culte », notamment pour les « chrétiens de la bien-aimée et névralgique région moyen-orientale ». Il faut que des sociétés ou des personnes de diverses religions aient le même droit de citoyenneté » et non « le droit à la seule violence sous toutes ses formes »3. De fait, il stigmatise les apôtres de la tolérance à géométrie variable4. On ne saurait être plus clair ! Sur un plan interne, le contexte de cette visite constitue le meilleur exemple de la volonté du Pape argentin de faire toute la lumière sur les dérives internes à l’église catholique. Après la pédophilie, il veut s’attaquer courageusement et sans tabou aux abus de religieuses par des prêtres5.
Mais, cette symbolique visite sur le plan religieux comporte des aspects plus vastes embrassant la géopolitique.Lire la suite
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