FAKE NEWS : LA GRANDE PEUR…
En juin 2017, après la rupture diplomatique de l’Arabie saoudite, d’autres pays du Golfe et de l’Egypte avec le Qatar – au motif d’une proclamation pro-iranienne de ce dernier -, l’émirat proteste, expliquant que c’est un faux fabriqué par un… pirate informatique ! Procédé dont les services américains ne tardent pas à attribuer la paternité au… Kremlin, accusé aussi d’avoir aussi tordu la dernière élection présidentielle américaine au profit de Donald Trump ! Une conclusion s’impose aussitôt : les Russes peuvent déstabiliser les élections partout dans le monde et quand ils le veulent. Il faut donc absolument contrôler Internet ; les « réseaux numériques » vont tuer la démocratie !
Essentiellement propagées par la Russie – selon les belles âmes occidentales – les Fake News expliqueraient alors le Brexit, l’élection de Trump et la disparition des éléphants. Par conséquent, l’Allemagne et la France préparent une loi pour contrer ces maudits Fake News, la Commission européenne y travaillerait aussi. Dans son dernier livre – autant nécessaire que salutaire – notre médiologue préféré François-Bernard Huyghe remet les pendules à l’heure ! Son principal constat : il ne faudrait pas que la grande peur, dont il décrit scientifiquement les mécanismes, ne justifie une réinstallation de guillotines propices à neutraliser toutes espèces de contestation, de critique et d’opposition.
Grand est le risque de voir se reproduire les pires atteintes aux libertés civiles et politiques, les Patriot Act et autres lois d’exception justifiées par la chasse aux Ben Laden du moment. Au nom de la lutte contre le terrorisme, la corruption et la prolifération des armes de destruction massive, on a bien compris, désormais comment les Etats-Unis imposent au monde entier leurs normes juridiques (en toute unilatéralité et extraterritorialité) afin d’avantager leurs entreprises et fonds de pension. America First, c’est d’abord « par ici la monnaie », mais toujours au nom de la morale et des droits de l’homme pour le bien de la planète. Mais dans toutes ces affaires consubstantielles à la mondialisation, de quoi parle-t-on au juste ?
François-Bernard Huyghe : « nous avons tendance à traduire par fausse nouvelle, récit d’événements qui ne se sont pas déroulés (ou le déni de faits qui sont avérés). Initialement, Fake News désigne plutôt un contenant : des pages ou des sites qui se présentent comme d’authentiques outils d’information et qui ne le sont pas. Il y a d’ailleurs une ambivalence dans l’expression de Fake News. Elle peut vouloir dire que l’on donne pour des nouvelles – contenus, événements dignes d’être rapportés – des faits non avérés, inventés, faux. Mais elle peut aussi signifier que l’on présente comme « nouvelles » (au sens de : destinées à informer le public suivant un régime de vérification) des discours militants ou des démonstrations idéologiques qui ne visent qu’à persuader de valeurs et de visions du monde ». Un peu plus loin notre médiologue ajoute : « on peut presque définir le Fake comme une rumeur assistée par ordinateur ».Lire la suite
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