On ne présente plus le réseau social Facebook. Si la majorité des utilisateurs de Facebook l’utilisent pour se divertir et rester en contact avec des amis ou des proches, d’autres l’utilisent pour s’informer, diffuser des informations et parfois militer, à leur façon, pour tenter de rendre le monde meilleur. Si vous êtes dans cette seconde catégorie, vous devez savoir qu’utiliser Facebook pour changer le monde explique en partie pourquoi il ne change pas.
En 2016, Facebook compte 1 milliard 200 millions d’utilisateurs journaliers : l’entreprise réalise 18 milliards de dollar de chiffre d’affaire, soit environ 15 dollars par utilisateur, et pourtant le service est gratuit. Cette contradiction est la principale clef de compréhension de ce qu’est réellement Facebook. Cela détermine un fonctionnement dont vous ignorez probablement ces quelques subtilités.
Raison 1 : Facebook, en réalité, c’est quoi ?
Facebook est une régie publicitaire conçue pour accumuler des informations sur les utilisateurs et diffuser de manière ciblée, grâce à ces mêmes informations, des contenus sponsorisés. Facebook choisi ce que vous voyez, et ce que vous ne verrez jamais. Facebook fait ce choix à votre place non pas parce qu’il serait une plateforme de contrôle social et réaliserait à cette fin une censure massive, mais parce que la raison d’être de Facebook est la publicité. Facebook est gratuit parce que ce sont vos données et votre présence sur la plateforme qui sont revendues aux annonceurs : selon la formule consacrée, « quand c’est gratuit, c’est vous le produit ». Vous êtes vendus à ceux qui paient pour que vous voyiez et cliquiez sur leurs contenus sponsorisés, et c’est en partie pour cela que Facebook choisi ce que vous voyez.
Raison 2 : vous travaillez pour enrichir Facebook
Sur Facebook vous dites ce que vous aimez, ce qu’il se passe dans votre vie, ce que sont vos projets et vos préoccupations. Si vous venez d’avoir un enfant et que vous le dites sur Facebook, alors vous aurez des publicités pour de l’habillement et de l’équipement pour enfant. Si vous êtes passionné de sport et que vous échangez sur ce sujet, vous verrez essentiellement du sport et des publicités de produits de sport. Facebook construit pour chaque utilisateur un profil socio-psychologique détaillé en fonction de ses « likes », de ses publications et des sujets qui l’intéressent. En réalité, c’est vous qui rendez possible l’enrichissement des actionnaires de Facebook. Vous fournissez gratuitement un travail de définition de profil et jouez le rôle de consommateur, sans aucune rémunération en retour.
Raison 3 : Facebook ne vise pas la production de contenu de qualité
Facebook ne cherche pas à ce que vous sélectionniez avec précaution ce que vous partagez avec vos amis virtuels : bien au contraire, Facebook vous pousse à raconter toute votre vie et à réagir à tout et à n’importe quoi. Les publications importantes, utiles, informatives, politiques, sont noyées dans un flot de publications personnelles ou divertissantes. Par ailleurs, les contenus sponsorisés et les contenus partagés par vos amis se confondent : vous finissez par ne plus faire l’effort de distinguer ce qui provient de vos amis et ce qui est sponsorisé et rapporte de l’argent à Facebook.
Raison 4 : Facebook déforme votre vision du monde
Si vous pensez que ce que vous voyez sur votre fil d’actualité est représentatif des opinions de votre entourage numérique ou de l’état général du monde, vous faites erreur. Et si vous pensez que ce que vous partagez est visible par tous vos contacts, vous êtes aussi dans l’erreur. A cause des algorithmes de filtrage, si votre partage concerne une cause, une injustice ou un projet politique, bien souvent les contacts qui le voient sont déjà convaincus de l’importance de ce que vous partagez. En réalité, les autres, ceux que vous voulez ou que vous croyez sensibiliser par vos partages, ne verrons jamais vos publications parce qu’ils n’ont jamais exprimé d’intérêt pour ce type de contenu, que vos affinités sont faibles et vos interactions trop rares.
Raison 5 : Facebook n’est pas une plateforme d’information
Le but de Facebook n’est pas d’éveiller les consciences. Comme support publicitaire, Facebook ne doit vous présenter que ce que vous voulez voir. Il doit vous renforcer dans vos croyances, et ne surtout pas vous faire sortir de la vision du monde rassurante – ou angoissante, conflictuelle – qu’il vous construit et dont vous avez inconsciemment besoin. Telle une chaine de télévision intelligente, il construit les programmes que vous voulez voir pour que vous restiez connecté. C’est ce qui le rend addictif, et fait que vous ressentez un manque lorsque vous cessez de vous y connecter. C’est en étant convaincu que vous comprenez le monde et qu’il tourne autour de ce qui vous intéresse – même si c’est le football, les séries TV ou la culture – que vous êtes perméable aux publicités et contenus sponsorisés sur votre fil d’actualité.
Raison 6 : Facebook vous isole socialement et idéologiquement
A cause de ces algorithmes de sélection de contenus, Facebook créé un silo social composé des amis avec lesquels vous partagez des centres d’intérêts, et un silo idéologique composé des publications qui ne traitent que de ce que vous connaissez déjà et renforce vos opinions et vos croyances. Par ce double phénomène, les publications militantes ou politiques importantes ne circulent que dans des réseaux limités de gens déjà convaincus, actifs et politisés. Ces militants pensent avoir une large influence alors qu’ils sont isolés dans une bulle. Facebook ne veut surtout pas importuner les utilisateurs avec des sujets qui ne les intéressent pas, ce qui compromettrait l’addiction nécessaire à la diffusion des contenus sponsorisés.
Raison 7 : Facebook divise la société
En générant ces silos sociaux et idéologiques, Facebook à tendance à créer des factions au sein de la société. Les traits communautaires, religieux, culturels, ethniques de chaque groupe social sont renforcés au détriment de ce qui réunit les hommes pour faire société. Poussé par ses impératifs financiers, Facebook contribue à rendre les individus stéréotypés, fortement clivés et donc facilement manipulables. Les interactions entre internautes, les partages, les « like » et les commentaires ne produisent ni opinion lisible ni consensus : au contraire, joutes verbales, caricatures et narcissisme dominent les interactions entre internautes.
Ce communautarisme numérique permet aux annonceurs de tester une publication sur des échantillons d’utilisateurs ayant des profils sociaux-psychologiques précis. Cela leur permet de confirmer ou d’infirmer une réaction recherchée avant le lancement de campagnes plus massives. Les utilisateurs de Facebook sont la cible de groupes d’intérêts variés, qu’ils soient évidemment commerciaux mais aussi politiques, gouvernementaux et médiatiques qui, par mesure d’impact et ajustement, retournent les opinions en faveur de leurs objectifs. Cette pratique interroge les principes même de la démocratie, puisqu’il ne s’agit plus d’informer de manière impartiale puis de laisser émerger librement les consensus dans la société. Ces outils permettent de cibler les internautes par groupe socio-psychologique pour créer des opinions compatibles avec les politiques voulues, les candidats présentés ou l’agenda des puissances financières et industrielles qui ont les moyens de ces stratégies.
Raison 8 : Facebook s’oriente vers une censure invisible
Dans la tâche fondamentale pour la démocratie qu’est l’information des citoyens, les médias classiques pyramidaux (presse, télévision, radio) sont en concurrence avec les grandes plateformes telles que Facebook ou Twitter, au travers desquelles les internautes sont libres de partager des contenus provenant de tous horizons. Les opinions que diffusent les médias de masse contrastent parfois radicalement avec celles des médias indépendants (médias citoyens, associations, lanceurs d’alerte, etc), et dont les points de vue sont essentiellement relayés via les réseaux sociaux. Des mesures contre les contenus jugés comme faux ou politiquement incorrects devaient donc arriver.
Facebook a déployé un processus d’évaluation de la véracité des contenus diffusés. Cette évaluation est sous-traitée à de grands médias et des organismes liés à des intérêts financiers et/ou politiques. Ils appellent cela le « Fact Checking ». Un contenu jugé « douteux », « faux » ou « conspirationniste » aura un indicateur, un drapeau rouge, invitant l’internaute à ne pas le consulter et encore moins le relayer.
Si cela semble laisser à chacun son libre arbitre, on peut craindre que la réalité soit tout autre. Pour censurer sans douleur et de manière totalement invisible, il suffit de limiter la diffusion d’éléments jugés faux ou politiquement incorrects. Quand un internaute partage un contenu il ne vérifie pas le nombre de ses contacts qui ont réellement vu celui-ci. Il ne vérifie pas si l’article qu’il a partagé, provenant d’un grand média comme Le Monde, a été vu par dix fois plus de ses amis que le contenu d’une association contre la dette des pays en voie de développement comme le CADTM. A cause d’un tel biais, les plus militants des internautes auront le sentiment qu’ils influencent l’opinion publique, alors qu’en amont autant qu’en avale ils sont neutralisés par la plateforme.
On peut craindre que toute publication qui devient virale soit évaluée sur le plan de sa conformité à l’idéologie dominante plus que sur celui de sa véracité. Jugée non conforme par de grands médias, celle-ci ne se diffuse plus malgré les partages volontaires de nombreux utilisateurs.
Raison 9 : Facebook n’a pas pour but de changer le monde
Le but de Facebook n’est pas de créer les conditions d’un changement dans la société, de créer une mobilisation à grande échelle pour des causes humanitaires, environnementales ou politiques. Il n’a pas pour but de produire des opinions, de l’intelligence collective ou d’éveiller les consciences. Au contraire, pour faire venir les annonceurs, il faut que le monde perçu au travers de Facebook soit majoritairement sans débats, sans réels enjeux, comme peut l’être un rayon de supermarché ou un centre commerciale. Les quelques enjeux présents doivent suivre l’agenda politico-médiatique du moment, ne viser personne en particulier, traiter de sujets vagues et peu clivant comme le réchauffement climatique ou les migrants. Comme le font les chaines de télévision, Facebook mélange publications réelles (actualité, politique) et publicités, pour rendre l’utilisateur plus perméable à ces dernières.
Raison 10 : Facebook ne vous veut pas du bien
Des centaines de millions d’êtres humains passent autours d’une demi heure de leur vie chaque jour sur Facebook. Et Facebook fait tout pour que cela continue. Chaque minute passée sur Facebook est autant de temps de cerveau disponible pour faire du marketing et récolter quelques centimes : peu importe que vous consacriez moins de temps à voir vos amis, votre famille, vos enfants, à agir dans le vrai monde pour le rendre meilleur, pour peser sur la destinée collective. Vous devez passer un maximum de temps derrière votre ordinateur ou sur votre mobile, sur votre fil d’actualité, de sorte que vous voyez les contenus sponsorisés. L’idéal de Facebook, c’est un homme trouvant le monde réel moins intéressant que le monde visible sur son mur. C’est ce qui est en train de se produire : de nombreux individus, dans les lieux publics, dès qu’ils doivent attendre, en famille ou en présence de leurs amis, préfèrent regarder leur mobile pour profiter d’un fil d’actualité Facebook plus centré sur leurs intérêts, plus riche et plus amusant que ce et ceux qui les entourent.
Le réseau social Do4Change : une alternative
Do4Change est un réseau social pour l’intelligence collective, la gouvernance horizontale participative et l’action concrète. Lancé en béta début 2017, c’est le fruit d’une initiative individuelle visant la mise au point d’un réseau social innovant et non biaisé. Offrant un panel inédit de fonctionnalités, il est à la fois une plateforme au service des mouvements citoyens et une alternative grand public à Facebook et Google+.
Do4Change vise l’émergence de consensus en termes d’opinions, de mode de vie et de volonté de changement, à petite comme à grande échelle. Il favorise l’émergence des alternatives nécessaires au monde de demain. Pour ce faire, il met à disposition des outils qui permettent à tout mouvement informel de devenir une organisation démocratique, ouverte, capable de concertations, de consultations, de débats, de prise de décisions et d’actions concrètes.
Pour le grand public, Do4Change permet de prendre conscience des enjeux et causes du monde actuel, d’avoir accès à des sources d’information variées, de participer à la vie sociale et associative locale, de pratiquer des modes d’auto-organisation et de gouvernance alternatives, de tirer parti de l’intelligence collective, de créer ou rejoindre des organisations transformatrices du monde réel.
Pour les organisations, qu’elles soient des associations, des entreprises ou des institutions, Do4Change favorise l’auto-organisation, l’autonomie et la prise d’initiative. Grâce à des processus horizontaux et collectifs, il permet une gouvernance émergente et participative dans l’esprit de l’entreprise libérée.
Do4Change se donne une mission pédagogique en offrant au plus grand nombre une expérience concrète de processus démocratiques comme la rotation des charges par tirage au sort, l’évolution collective des structures de pouvoir ou les prises de décision au consentement. Cette expérience est le germe d’un changement plus global, ou ce sont les citoyens eux-mêmes qui réclament l’instauration de tels processus démocratiques dans nos institutions, y compris au sein du gouvernement.
Dans le domaine des alternatives aux grands réseaux sociaux, la première difficulté est de rémunérer les compétences nécessaires pour construire une offre concurrentielle. La seule volonté de changer le monde est très insuffisante face aux grandes plateformes commerciales qui attirent tous les talents et se donnent les moyens de leurs ambitions. Il faut donc que la mise à disposition d’une telle plateforme soit un échange : un petit groupe de développeurs délivre de la valeur (sociale, opérationnelle, démocratique), et un très grand groupe de personne, voir la société toute entière, rémunère cette valeur.
Do4Change est globalement gratuit. Il adopte un modèle dit « Freemium », basé sur l’achat de crédit temps pour bénéficier d’améliorations relativement marginales. A terme, ce modèle vise à différencier une offre grand public gratuite et une offre plus professionnelle pour les organisations, conditionnée à un abonnement par utilisateur. Ce modèle économique est nécessaire pour préserver l’indépendance de la plateforme et garantir sa pérennité.
Concernant Facebook, pour que le service soit totalement indépendant de tout intérêt particulier internes (actionnaires) ou externe (annonceurs, forces politiques), chaque utilisateur devrait payer le service autours de 11 dollars à l’année. Une telle somme est largement accessible à tout citoyen connecté et à tout état développé : la défense de l’intérêt général, de la démocratie et l’émergence d’une intelligence collective nécessaire au monde de demain, mérite largement ce niveau d’investissement.
Un jour peut-être les états et la société civile comprendront qu’un réseau social forme un pouvoir dont l’indépendance est nécessaire à toute démocratie moderne. A juste titre, cette critique est faite envers les médias : il serait logique de la formuler envers les réseaux sociaux servant d’accès à l’information pour des centaines de millions de personnes. En attendant ce jour, ce qui garantit le mieux la protection de l’intérêt général est une relation de fournisseur à client, qui que soient ces clients : des organisations, des institutions, des particuliers ou des nations entières.
En développement, Do4Change est en version béta. Vous pouvez l’utiliser. L’objectif de l’équipe qui la développe est de passer en version une (1.0) vers la fin de l’année. Une campagne de crowdfunding est en cours pour cela sur la plateforme Ulule :
https://fr.ulule.com/do4change-decortex/
En contrepartie de votre contribution au financement de la plateforme, vous disposerez d’abonnements, vous serez cité dans les soutiens, vous pourrez poser des questions au créateur de la plateforme. Les contributions importantes se verront offrir un réseau social privé configuré aux couleurs de leur activité, association, club, institution ou entreprise (logos, couleurs, page d’accueil spécifiques).
Gabriel Rabhi
Sources :
http://highscalability.com/blog/2016/12/5/the-tech-that-turns-each-of-us-into-a-walled-garden.html
http://www.slate.fr/story/112681/qui-controle-ce-qui-apparait-sur-votre-fil-facebook
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