Source : Proche & Moyen-Orient, Richard Labévière, 03-06-2019
Il est plutôt inhabituel que prochetmoyen-orient.ch consacre son éditorial à un livre, et qui plus est un roman1. Le faire cette semaine répond à une nécessité tranquille motivée par trois raisons : 1) ce récit d’anticipation se fonde sur plusieurs réalités géopolitiques incompressibles et visionnaires ; 2) ses perceptions décentrées et libérées des obsessions parisiennes en font un vrai roman de la mondialisation contemporaine ; 3) la plume alerte raconte d’étonnantes aventures en comparaison desquelles les tribulations attendues de San Antonio ou de SAS sont de la petite bière. Sans forcer le trait, ce roman prend légitimement place dans la filiation de La Ferme des animaux, du Meilleur des mondes et de 1984…
Au début, on craint le pire parce que le scénario semble déjà vu et achevé avant d’avoir commencé. Erreur, profonde erreur, puisqu’au fil des pages s’affirme une saga épique crédible, haletante et si belle. Et il nous tarde de découvrir l’aboutissement dont on pressent qu’il dépassera les mièvreries du conflit des civilisations et de la fin de l’Histoire. Donc, nous ne sommes ni dans les prédictions téléphonées houellebecquiennes, ni dans les métaphysiques bobologiques du moment mais bien dans un réel déjà là ! Rien d’étonnant, l’auteur – Alain Gradiski – est un cadre territorial qui connaît le terrain, la musique, les hommes, les femmes et les lois du voyage.
Simple matelot, le héros embarque à bord d’un SNLE (sous-marin nucléaire lanceur d’engins) alors que la grippe Amina ravage les cinq continents. La survie passe-t-elle par une exfiltration à destination du grand froid des pôles ? Elle transite en tout cas par la mer et ses contraintes, dimensions de plus en plus décisives de notre mondialisation. Au soir de sa vie, le bourlingueur se remémore ses escales tourmentées : la base de Dumont-d’Urville2, celle de Vladivostok, le lac Baïkal, le port d’Hambourg, Genève, le Morvan, Cherbourg, la vallée d’Abondance, etc. Allié à une connaissance certaine du « milieu marine », Alain Gradiski sait que la terre est bleue et que les grands événements du monde à venir finiront sur les mers et les océans. Il sait aussi que toutes espèces de crises internationales – guerres, accidents industriels, catastrophes naturelles, déséquilibres démographiques et migratoires – aboutissent toujours à des urgences de sécurité civile nécessitant sauveteurs, sapeurs-pompiers, médecins, infirmières et marins…
GUERRE DE TOUS CONTRE TOUSLire la suite
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