On ne peut que déplorer la fréquence avec laquelle les actes terroristes frappent des civils en ce moment. L'aggravation de la menace terroriste en Europe doit-elle nous résigner à "s'habituer à vivre avec la menace d'attentats", comme le préconisait l'ex-ministre Manuel Valls en janvier 2015 ? Il est évident que chacun voudrait voir cette menace disparaître, pour ne plus s'inquiéter pour ses proches, ou même pour sa propre vie. Accepter le terrorisme comme une fatalité ne semble pour personne une perspective réjouissante. Alors comment mettre un terme à ce phénomène ? Faut-il repérer, arrêter, expulser tous les individus suspects d'entretenir des rapports avec les mouvances djihadistes ? Une telle solution semble relever de la gageure. Faut-il frapper l'État Islamique plus durement encore dans l'espoir de l'éradiquer ? Qu'on pense aux milliers de civils et d'enfants que les armées occidentales tueraient elles aussi dans leurs opérations. Les forces européennes doivent-elles vraiment commettre le même genre d'atrocités qu'elles reprochent aux terroristes de pratiquer ? De plus, rien ne dit que cela mettrait fin au terrorisme. D'une part, il suffirait qu'il reste quelques djihadistes éparpillés pour que la menace subsiste, et d'autre part, les motivations de ces derniers pour frapper l'Occident n'en seraient que plus fortes. Observons le mode opératoire des terroristes : ils n'ont pas besoin de bombe ou de matériel sophistiqué pour commettre un attentat. Un marteau, ou une camionette, leur suffirait pour provoquer un bain de sang. Il est donc légitime de se demander si les réactions des puissances occidentales contre le terrorisme n'aggravent pas le problème plutôt qu'elles ne le résolvent. Plus important encore : ces réactions ne sont pas justes. Est-il vraiment nécessaire de rappeler qu'il n'est pas juste de massacrer des civils étrangers dans le seul but de protéger les siens ? On ne tue pas des innocents pour protéger, ou pour venger d'autres innocents, c'est du terrorisme. Dans la chronique ci-dessous, Audrey Vernon expose, avec une parfaite ironie faussement nunuche, mais véritablement intelligente, les paradoxes de la coalition internationale dans leur lutte contre les terroristes. Précisons que Audrey Vernon a pendant plusieurs années été la compagne de Marc-Édouard Nabe, et qu'elle fait partie des personnages de son dernier livre Les Porcs. Il est donc logique de la voir proposer ici une réflexion orientée non pas vers l'opposition frontale avec les terroristes, non pas vers le raidissement sécuritaire, mais vers une compréhension des causes géopolitiques profondes du terrorisme islamique. Le vrai problème est ici posé avec brio : nous sommes horrifiés, à juste titre, des tueries commises par les terroristes, mais les armées de nos pays ne se comportent pas mieux lorsqu'elles sont sur le terrain. S'il est tout à fait légitime et humain de pleurer sur le sort des victimes du Bataclan, de Manchester, de Londres, etc, il devrait également être légitime de pleurer sur le sort des civils tués par les forces occidentales. Et s'il est tout à fait légitime de condamner les actes des terroristes islamiques, il devrait être naturel de condamner les opérations perpétrées par la coalition internationale. Puisque le sujet est sensible, je prends la peine de bien souligner : il n'est pas question de justifier quelque tuerie que ce soit, de faire l'apologie des actions terroristes. Expliquer le terrorisme en en montrant les causes n'est pas excuser, ce n'est pas justifier. Si l'on veut que le terrorisme cesse, il faut arrêter d'entretenir les causes qui l'alimentent. On objectera peut-être que les terroristes poursuivront leurs massacres dans les pays européens même si ceux-ci arrêtent de faire la guerre contre l'État Islamique. Ce n'est pas, en tout cas, ce que l'État Islamique dit. Car un fait de première importance s'est produit il y a quelques jours, qu'aucun média n'a semble-t-il pris la peine de relayer : l'État Islamique a envoyé un message. D'après le contenu de ce message, celui-ci a été envoyé au gouvernement français ainsi qu'à la police, à l'armée, et aux médias les plus influents. Étrangement, aucun citoyen français n'en a eu vent. Pourtant, ce message contient des informations capitales, qui devraient être connues de tous. Nous apprenons en effet que l'État Islamique menace la France d'une nouvelle vague d'attentats. Mais outre les menaces sur l'armée et sur les civils, le texte contient deux éléments d'importance. Premièrement, l'État Islamique explique ici les raisons des attentats. Il ne s'agit pas, comme se plaisent à le répéter des abrutis mal informés, de "tuer au nom de Dieu", mais de répondre de façon proportionnée aux agressions armées de l'armée française. Deuxièmement, l'État Islamique propose de mettre fin au bain de sang. Oui, vous avez bien lu : l'État Islamique propose d'arrêter les attentats sur le sol français. Les conditions exprimées sont simples : la France doit arrêter sa politique agressive envers l'islam et les pays musulmans. Il est incroyable qu'une information d'une telle importance soit cachée aux Français ! Alors, comment suis-je malgré tout au courant de l'existence de ce message ? Tout simplement parce que l'État Islamique a eu la présence d'esprit d'adresser son message à l'écrivain Marc-Édouard Nabe, qui a été le seul à le relayer sur son twitter. Des terroristes s'adressant à un écrivain pour transmettre leurs réclamations ! À ma connaissance, c'est une grande première. Quels barbares étonnants ! Il est difficile de ne pas faire un lien avec la parution du dernier livre de Nabe, Les Porcs, dont le thème principal est le conspirationnisme. Marc-Édouard Nabe n'a en effet de cesse de répéter que le terrorisme exprime non pas une volonté barbare de tuer au nom de Dieu, mais une réponse aux politiques anti-arabes perpétrées par l'Occident depuis des décennies. Le complotisme nie cela pour faire du terrorisme un phénomène servant à manipuler les esprits pour gouverner dans le sens des intérêts des élites mondialistes, ce qui est on-ne-peut-plus à côté de la réalité. Ce message n'est-il d'ailleurs pas un camouflet donné à toutes les théories du complot ? Est-ce que la réalité ne saute pas au visage quand on lit ces menaces glaçantes ? D'ailleurs, je voudrais faire porter l'attention sur un détail. L'une des conditions exprimées est la suivante : "Nous exigeons l'arrêt immédiat et total des soutiens et des ventes d'armes aux régimes tyranniques qui dirigent les pays musulmans". La théorie selon laquelle ce serait le commerce d'armes avec l'Arabie Saoudite et le Qatar (car j'imagine que c'est de ces pays dont il est question) qui alimenterait le terrorisme en prend un sacré coup. L'État Islamique propose donc ici une solution pour mettre fin aux actes terroristes en France. Est-ce que les remplir serait "faire le jeu" des terroristes, est-ce qu'il faudrait les rejeter sous prétexte que ce serait faire acte de soumission ? La question qu'il faudrait plutôt se poser, c'est si la France a un réel intérêt à poursuivre une guerre injuste au Moyen-Orient. Il serait illusoire d'exiger des représentants français qu'ils agissent dans le sens de la justice, mais l'intérêt que représente la tranquillité d'une France débarrassée de la menace terroriste semble trop important pour que ces revendications puissent être balayées d'un revers de la main, sous prétexte qu'elles émanent de terroristes. Et si on essayait ? Et si le président Macron décidait de mettre fin à cette guerre, juste pour voir ce qui se passe, pour voir si les djihadistes tiennent parole ? Les attentats cesseraient peut-être réellement, les tueries inutiles seraient terminées. N'est-ce pas un enjeu de taille ? Alors ? Chiche ?
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/audrey-vernon-coalition-internationale.jpg
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