Sylvie Kauffmann est très fatiguée… Par Etienne Pellot

Source : Proche & Moyen-Orient, Etienne Pellot, 30-04-2018
Dans Le Monde du 26 avril dernier, Sylvie Kauffmann – directrice éditoriale de ce quotidien (ou plutôt de ce qu’il en reste) – fait, comme à son habitude, la leçon à ses lectrices et lecteurs, dans une laborieuse dissertation intitulée « La vérité, victime de guerre ». Accroché par ce titre déclamatoire, on s’attend, bien évidemment, à quelques révélations sur les derniers bombardements occidentaux censés répondre à l’attaque chimique présumée syrienne du 7 avril dernier.
Malheureusement, après avoir à nouveau tapé sur Russia-Today-France (c’est plus fort qu’elle !) et craché sur l’anthropologue Emmanuel Todd – ô surprise, la directrice éditoriale nous assène un cours sur les mécanismes de lutte contre les armes chimiques. On s’attend alors à découvrir et apprendre des choses oubliées… Profonde erreur, puisqu’elle fait remonter cette lutte à la création du Joint Investigative Mechanism (JIM/Mécanisme conjoint d’investigation), datant du … 7 août 2015 ! Fake news caractérisée, elle saute – tout simplement – à pieds joints par-dessus l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), créée le 29 avril 1997. Cet oubli est-il à mettre au compte d’une grande fatigue ou sur celui de son dogmatisme idéologique ?
Toujours est-il que cette amnésie sélective lui évite de faire quelques rappels historiques qui ne sont pas très à l’honneur de ses amis américains. En effet, le premier directeur général de l’OIAC – le grand diplomate brésilien José Bustani – a été, proprement flingué par John Bolton – actuel conseiller à la sécurité nationale américaine, à l’époque secrétaire général-adjoint au désarmement -, en … 2002 ! Quel crime avait-il commis ? Il s’apprêtait à envoyer ses inspecteurs en Irak à la recherche des fameuses armes de destruction massive invoquées pour déclencher l’invasion anglo-américaine de l’Irak au printemps 2003.
En septembre 2017, prochetmoyen-orient.ch l’avait rencontré chez lui à Rio1. Nous écrivions alors : « c’est par acclamation qu’il a été élu premier directeur général de l’OIAC. « Mon mandat exigeait que je séduise le plus de pays possible au monde pour qu’ils accèdent à la convention sur l’interdiction des armes chimiques », se souvient José Bustani ; « de 1997 à 2002, j’ai ainsi pu augmenter le nombre des pays membres d’une bonne moitié… » Les plus récalcitrants se trouvaient dans le monde arabe, considérant l’arme chimique comme « le nucléaire du pauvre ». En multipliant les visites et les consultations, José Bustani arrive notamment à convaincre la Libye et l’Irak en 2001, ces deux Etats donnant leur feu vert au principe des inspections : « ces deux pays clefs pour le monde arabe ont, finalement, compris l’opportunité d’une telle démarche sur les plans de la sécurité et de leur crédibilité diplomatique », commente José Bustani ; « à ce moment-là, j’ai donc communiqué la bonne nouvelle aux membres de l’OIAC, dont les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies, indiquant que nous pouvions désormais compter sur deux nouveaux membres importants en matière de désarmement chimique : la Libye et l’Irak ».Lire la suite

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