Billet invité
On parle beaucoup du SMIC ces jours-ci. Un rapport commis par un de ces groupes d’experts qui pullulent aujourd’hui, préconise d’en changer les règles d’indexation[1]. Cela aboutirait, de fait, à geler le SMIC. Au-delà, on peut penser que c’est un ballon d’essai lancé par ces cercles et cénacles qui n’ont jamais eu qu’une idée en tête : celle de supprimer le SMIC
De quoi s’agit-il en fait ? Il convient ici de rappeler que le SMIC, ou Salaire Minimum Interprofessionnel de Croissance est une création de 1970. On pourrait croire que c’est un « enfant de mai 1968 ». Il n’en est rien en fait. L’idée d’un salaire minimum est bien plus ancienne. Concrètement, le SMIC a remplacé le SMIG, ou salaire minimum interprofessionnel garanti qui, lui même, avait remplacé le Salaire Minimum Industriel. Et, en réalité, il a toujours eu une double fonction : il est destiné à relancer la consommation et à lutter contre la pauvreté.
On peut revenir sur sa genèse. Le SMIG, l’ancêtre du SMIC, fut instauré par la loi du 11 février 1950 et il fut appliqué à partir du 23 août suivant. Après douze ans de gel des salaires, lié à la mobilisation industrielle, puis à la guerre, puis à la reconstruction, le SMIG permettait à nouveau la libre négociation des conventions collectives. Entre 1950 et 1958, le taux d’inflation en France, en dépit de sa progression sensible, reste cependant inférieur au taux de croissance du SMIG. Cela produit une hausse constante des revenus les plus faibles, un mécanisme qui jouera un rôle important dans la lutte contre la pauvreté. En fait, un nombre relativement faible de travailleurs est payé au SMIG puis au SMIC. Mais, ce dernier joue un rôle essentiel dans la fixation des salaires et des rémunérations d’une partie bien plus grande des salariés, ceux que l’on dit payés « autour » du SMIC, soit jusqu’à 1,3 SMIC.
Sa fonction est donc double. Tout d’abord, il fonctionne comme un plancher minimum. Nul ne peut, sauf des exceptions prévues dans la loi, employer quelqu’un à un salaire inférieur au SMIC, soit aujourd’hui 1153 euros (net). Mais, en réalité, il a une autre fonction. En effet, le SMIC est indexé à hauteur de la moitié de l’augmentation du pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier. Cela aboutit à diffuser ces hausses de salaires. Il était, autrefois indexé sur les gains de productivité. Cette indexation avait pour but de contraindre les entreprises à un partage des gains de productivité, et l’on sait que ce partage est un facteur décisif dans la lutte contre le chômage. Or, ceci fut supprimé dans les années 1980, et l’on constate depuis que la hausse des salaires ouvriers, qu’il s’agisse du salaire moyen ou du SMIC, est nettement inférieure à la hausse de la productivité. Et l’on voit, là, surgir un problème qui ronge l’économie française, et les économies occidentales, depuis le milieu des années 1980. Depuis cette date en effet, la hausse de l’essentiel des rémunérations a été inférieure à celle de la productivité. Cela traduit une hausse importante des profits, autrement dit une accumulation de ces hausses essentiellement sur les 10% des personnes qui touchent les plus hauts revenus. Bien entendu, cela entraîne une hausse des revenus moyens, mais, si l’on regarde maintenant le revenu médian (autrement dit le niveau de revenu partageant en deux parties égales l’ensemble des revenus) on constate que ce revenu médian n’augmente que très faiblement depuis le début des années 2000. Le problème de l’appauvrissement d’une grande partie des salariés, que cet appauvrissement soit relatif ou absolu, en découle.Lire la suite