Nous sommes entrés en crise politique. Les incidents du samedi 1er novembre, mais l’évolution aussi des revendications et des slogans des Gilets Jaunes l’attestent. Ces incidents sont regrettables, et dans un certain nombre de cas condamnables. Mais, la première des violences, une violence bien supérieure à ce qui s’est passé dans les rues de Paris ou de Marseille, est bien le fait de forcer des millions de français de vivre dans les conditions qui sont les leurs. Cette violence là est réellement intolérable, et c’est pour ne pas l’avoir compris que ce gouvernement et ce Président doivent aujourd’hui faire face à une telle colère. Cette colère n’est pas prête à s’éteindre, mais de cela il n’est pas sûr que le pouvoir politique l’ait compris.
Cette crise, d’ailleurs, n’est pas sans rappeler celle de mai 1968. Bien sûr, on pointera les différences, et elles sont évidentes. Mai 1968 avait commencé comme un mouvement étudiant, parisien qui plus est. Rien, ici, de comparable en apparence avec le mouvement actuel. On a suffisamment insisté sur son émanation de la « France Périphérique » pour qu’il ne soit pas besoin d’y revenir. Des ressemblances importantes cependant existent néanmoins.
1 – Les Gilets Jaunes, un mouvement qui s’inscrit dans la continuité des grandes insurrections sociales des français
En 1968, le mouvement étudiant, en fait relativement minoritaire même s’il faut se souvenir qu’il y avait dans les universités bien moins d’étudiant qu’aujourd’hui, s’était heurté initialement à l’intransigeance du pouvoir. Cela avait donné lieu à des manifestations extrêmement violentes (biens plus que ce qui s’est passé autour des Champs Elysées). Le phénomène de sympathie et d’identification aidant, les travailleurs étaient entrés dans la lutte après le 13 mai, de manière largement spontanée, on parlait à l’époque de « grèves sauvage ». Ce mouvement ne fut contrôlé qu’ex-post par les syndicats. Les grèves et occupations d’usine spontanées se sont donc multipliées. La première a lieu à l’usine Sud-Aviation de Bouguenais, en Loire-Atlantique, le 14 mai avec plus de 2500 salariés ; il s’agira à la fois du premier et du plus long des mouvements ouvriers de Mai 68, prenant fin le 14 juin. Le 22 mai, au plus haut de la grève générale, ce sont dix millions de salariés ne travaillent pas. La grève générale avait rapidement fait tâche d’huile. Cette grève avait alors débouché sur les « accords de Grenelle », marquant ainsi la dissociation, probablement inévitable, entre les revendications des manifestants (qui scandaient « De Gaulle démission ») et des revendications directement tangibles pour les salariés (hausse du SMIC, quatrième semaine de congés payés, etc…).Lire la suite