(Billet invité)
La traduction en espagnol de mon ouvrage publié en 2011 aux éditions du Seuil, La Démondialisation, survient alors que les événements de ces derniers mois, voire de ces dernières semaines, apportent une forme de confirmation aux thèses de ce livre. Le processus de démondialisation, dont on pouvait voir les premiers signes dans le courant des années 2000, s’est radicalement accéléré. Il est probablement devenu irréversible, du moins pour la période historique dans laquelle nous sommes entrés.
Mais, qu’appelle-t-on « démondialisation » ? Certains confondent ce terme avec une interruption volontaire des flux d’échanges qui courent tout à travers la planète. Ils confondent ainsi un protectionnisme, qui peut être amplement justifié dans la théorie économique et la pratique de l’autarcie. Mais, surtout, ils oublient que les échanges, échanges de bien mais aussi échanges culturels voire échanges financiers, sont bien plus ancien que le phénomène nommé « mondialisation » ou « globalisation ». Car la « mondialisation » pour ne garder que ce seul mot, ne se réduit pas à l’existence de ces flux. Ce qui avait fait émerger le phénomène de la mondialisation était un double mouvement. Il y avait à la fois la combinaison, et l’intrication, des flux de marchandises et des flux financiers ET le développement d’une forme de gouvernement (ou de gouvernance) où l’économique semblait l’emporter sur le politique et les entreprises sur les Etats. Or, sur ce point, nous ne pouvons que constater une reprise en mains par les Etats des flux, un retour victorieux du politique.
Alors, disons-le, la démondialisation ce sera le grand retour du politique sur le « technique », et le « technique » est ici incarné dans l’économique et le financier. Non que les raisonnements économiques et financiers perdront toute importance. Ils continueront de devoir être pris en compte. Mais, il deviendront désormais second par rapport au politique, qui recouvrera ses droits. L’économique et le financier redeviendront des instruments au service du politique. Et, avec ce retour en force du politique, nous pourrons avoir celui de la démocratie, d’un ordre qui tire sa légitimité non du marché mais du peuple, qui est mis au service des intérêts du peuple, et qui se matérialise dans le pouvoir du peuple. La phrase de Lincoln[1], « Du peuple, pour le peuple, par le peuple » va retrouver tout son sens. La démondialisation, doit donc être comprise comme le retour de la souveraineté, celle des Nations bien sûr que l’on avait analysée dans un ouvrage de 2008[2], mais une souveraineté qui prend la forme en démocratie de la souveraineté du peuple.
Bien sûr, ce retour de la souveraineté ne garantit pas celui de la démocratie. Il est des systèmes souverains qui ne sont pas démocratiques. Mais, la souveraineté permet la démocratie, car il faut se souvenir qu’il ne peut y avoir de régime démocratique qui ne soit pas souverain. Et c’est pourquoi la démondialisation doit être regardée comme une chose positive, car elle implique cette réaffirmation de la souveraineté qui rend possible la démocratie et elle détermine alors le contexte des futurs combats politiques.Lire la suite
Source