« Attention, ce lirve est un lirve qui se vautre dans le populimse. Merci de votre compréhension ». C’est avec cet avertissement volontairement mal orthographié que Tatiana Ventôse et Greg Tabibian introduisent leur récent ouvrage Jusqu’ici tout va très mal (Plon). Derrière cette fausse erreur se cache à la fois une critique et une promesse : d’une part, la critique acerbe d’une novlangue gouvernementale dont les slogans annihilent la pensée, et d’autre part la promesse de participer, avec cet ouvrage, à sa nécessaire déconstruction.
Car pour les deux Youtubeurs, le constat est clair : « Quarante années d’individualisme forcené ne semblent pas avoir rendu les individus plus heureux ». Nous sommes aujourd’hui confrontés à « un long mouvement d’accélération vers le chômage de masse, la précarité généralisée, le terrorisme sans frontières, la mondialisation sauvage et les découverts à partir du 5 du mois ». Et dès lors que « les héritiers de l’individualisme persistent à appliquer des recettes qui n’ont jamais porté leurs fruits », il est temps pour toute une génération d’ « assumer ses responsabilités » et de « prendre les choses en main ».
Souhaitant réimposer les leçons du réel face à l’aveuglement idéologique de la classe dirigeante, les auteurs de Jusqu’ici tout va (très) mal dressent le bilan des échecs politiques de ces dernières décennies. Après un premier chapitre sur le thème de la sécurité, sont abordées les dérives qui menacent les conditions de travail, les services publics, la cohésion nationale, et plus largement les ressources naturelles et la biodiversité. Le président Emmanuel Macron n’échappe pas à la plume cinglante de Tatiana Ventôse et Greg Tabibian, puisqu’un chapitre entier lui est consacré, ce dernier étant dépeint comme « un coup d’accélérateur vers le chaos, vers la destruction des règles communes et de ce qui faisait tenir le pays plus ou moins debout ».
Mais les auteurs ne limitent pas leur critique à la seule politique gouvernementale, et dénoncent également l’enfermement idéologique des partis d’opposition qui ne restent dès lors que de « fausses solutions ». Selon eux, l’un des périls de notre démocratie résiderait dans le fait que ces partis ont fait le choix assumé du sectarisme pour satisfaire avant tout leur base militante, et que leur refus de s’émanciper de leurs propres prismes idéologiques empêche l’émergence d’une alternative crédible.
Et face à ce vide politique, plusieurs « illusions » ont peu à peu pris place dans le champ des débats. C’est notamment le cas des Social Justice Warriors (SJW) dont Tatiana Ventôse et Greg Tabibian dénoncent le système de pensée selon lequel l’addition des causes minoritaires parviendrait à engendrer une cause majoritaire. Les auteurs insistent également sur les dangers que représentent deux slogans individualistes bien plus répandus : la surestimation de l’individu (« Deviens l’initiateur du changement ») et la culpabilisation de l’individu (« Le problème c’est toi ») – les deux faisant l’impasse totale sur le poids des structures.Lire la suite
Source