Nous montrions dans deux articles précédents, quelles étaient les GOPÉ 2014-2015 avec notamment les lois dites « El Khomri » ou « Macron » [1] et pourquoi ces recommandations qui découlent de l’article 121 du TFUE (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) sont incontournables et reprises en France dans le PNR (Programme National de Réforme) [2].Il convient de se pencher davantage sur ces GOPÉ 2016-2017 [3] puisque ce sera la politique économique et sociale qui sera menée en France quel que soit le candidat élu à cette élection présidentielle 2017, sauf si c’est François Asselineau puisqu’il sortira la France de l’Union européenne. Je tâcherai ici de les décrypter car ces documents sont l’exemple type de la novlangue bruxelloise. Ce document assez formel commence avant les « recommandations » par toute une série de considérations : Dans le point 2 de ces considérations, la Commission expose le fait que la France « connaît des déséquilibres macroéconomiques excessifs ». Le rapport parle de croissance faible, dette publique élevée et compétitivité dégradée. Tout ceci est vrai mais il sera intéressant de voir quelles sont les conclusions tirées par la Commission. Dans le point 5, la Commission analyse le programme national de réforme présentée par la France, tel un élève à son maître, le 29 avril 2016. La Commission note en outre que « les mesures pour atteindre les objectifs prévus en matière de déficit à partir de 2017 n’ont pas été suffisamment précisées. » Le Conseil estime également que « la France risque de ne pas respecter les dispositions du pacte de stabilité et de croissance. Par conséquent, des mesures supplémentaires seront nécessaires pour assurer une correction durable du déficit excessif en 2017 au plus tard. » Vous l’aurez compris, la Commission et le Conseil veulent que la France baisse ses dépenses publiques. Les points 7 et 8 permettent de comprendre où veut tailler Bruxelles. Les réformes territoriales qui étaient demandées dans les GOPÉ 2014-2015 sont ici louées : « la réforme récente de l’administration locale est susceptible de renforcer l’efficacité du système sur le moyen à long terme. » Un point très important est évoqué et permettra de comprendre les recommandations : « il n’est pas possible de réaliser d’importantes économies à court terme sans ralentir considérablement la croissance des dépenses de sécurité sociale, qui représentent plus de la moitié des dépenses publiques. » C’est fondamental car depuis 20 ans, il faut noter que les dépenses de l’État stagnent voire baissent en pourcentage du PIB. Les dépenses qui augmentent sont les dépenses sociales, notamment à cause du chômage de masse ou en santé/retraite de par le vieillissement de population. Toute demande significative de baisse des dépenses publiques sera donc au détriment des prestations de santé, d’assurance-chômage ou de retraites. Passons ensuite aux « recommandations » car les considérations et « recommandations » se recoupent pour les points 9 à 23. Notons en préambule avant d’analyser les 5 points et de traduire la novlangue bruxelloise que ces « recommandations » sont établies pour la période 2016-2017, comme si l’élection présidentielle ne changeait rien. Et pour cause, dans le cadre de notre appartenance à l’UE, la ligne politique et sociale est déjà fixée. N’était-ce pas M. Juncker lui-même, président de la Commission européenne, qui déclarait « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » ? Les 9 recommandations importantes ci-dessous et leur traduction :
1- « Réduction des dépenses publiques »
Comme nous l’avons vu dans les considérations, il est impossible de réduire de manière importante les dépenses publiques sans remettre en cause les dépenses sociales que sont la santé, l’assurance-chômage et les retraites.
2- « Veiller à ce que les réductions du coût du travail soient pérennisées » et que les « évolutions du salaire minimum soient compatibles avec la création d’emplois et la compétitivité »
C’est assez clair, il faut donc geler le niveau du SMIC voire le réduire. Le salaire minimum en Bulgarie étant d’environ 200 euros par mois selon le cours de l’euro, il y a du boulot…
3- « Réformer le droit du travail pour inciter davantage les employeurs à embaucher en contrats à durée indéterminée »
Il s’agit de pouvoir licencier beaucoup plus facilement et de transformer le CDI en un CDD bis.
4- « Entreprendre une réforme du système d’assurance-chômage afin d’en rétablir la viabilité budgétaire et d’encourager davantage le retour au travail »
Baisser les prestations chômage et réduire la durée d’indemnisation.
5- « Éliminer les obstacles à l’activité dans le secteur des services, en particulier dans les services aux entreprises et les professions réglementées »
Destruction et mise en concurrence de toutes les professions réglementées que sont les artisans-taxi, notaires, avocats, pharmaciens, médecin, etc.
6- « Prendre des mesures visant à réduire les impôts sur la production et le taux nominal de l’impôt sur les sociétés »
Baisse de l’impôt sur les sociétés et autres taxes sur les entreprises.
7- Élargir « la base d’imposition sur la consommation, notamment en ce qui concerne la TVA »
C’est très clair, on baisse les impôts sur les sociétés et on augmente la TVA, impôt non redistributif et payé par tous les citoyens…
8- « Supprimer les dépenses fiscales inefficaces, notamment celles dont le rendement est nul ou faible »
C’est la fameuse suppression de l’ISF (Impôt de Solidarité sur la Fortune).
9- « Adopter la réforme concernant la retenue à la source de l’impôt sur le revenu des personnes physiques d’ici à la fin de l’année 2016 »
C’est la fin de la notion de foyer fiscal et la remise en cause potentielle de la politique familiale.
En conclusion
Les candidats à la prochaine élection présidentielle auront beau se prévaloir, comme à chaque élection précédente, d’une insoumission, de patriotisme économique, de désobéissance aux traités, de souverainisme, de fermeté avec la Commission européenne, de renégociation des traités [4], etc… en somme encore et toujours d’une autre Europe…[5] les électeurs Français doivent comprendre que sortir de tels slogans creux dans le cadre des traités européens relève de l’oxymore. Quoi qu’il dise, quoi qu’il ait promis, le candidat élu sera de toute façon contraint d’appliquer les politiques économiques ordonnées par Bruxelles, et ce tant que la France restera empêtrée dans le carcan européen. Les européistes (et les crédules) ont tendance à atténuer la portée des GOPÉ en expliquant qu’il ne s’agit que de recommandations et non pas d’obligations. C’est faux pour au moins deux raisons :
- Depuis le pacte de stabilité et de croissance (PSC) de 2011 [6], et avec le « six-pack » [7], la Commission peut sanctionner financièrement les pays en cas de manquement ou de retard dans l’application des mesures préconisées. En cas d’« écarts importants », la Commission adresse à l’État membre un avertissement et sa situation est suivie tout au long de l’année. Si elle n’est pas redressée, la Commission peut proposer la constitution d’un dépôt correspondant à 0,2 % du PIB. Pour la France, il s’agirait donc d’un dépôt de 4,3 milliards d’euros. Les « recommandations » dans les textes se transforment donc, dans les faits, en obligations.
- C’est aussi nier le fonctionnement des institutions européennes puisque la machine bruxelloise repose sur le concept de « pression des pairs ». Le principe même de ces GOPÉ, c’est justement d’exercer constamment une pression sur les représentants d’un État. Certes, ils peuvent ne pas suivre telle ou telle mesure pendant telle ou telle année en échappant aux sanctions. Mais il leur est concrètement impossible de refuser d’appliquer toutes les mesures tout le temps. Du reste, le principe même des GOPÉ serait sinon vide de sens. En fait, il s’agit d’un étau intellectuel, juridique et moral qui se resserre peu à peu et auquel il est impossible de se soustraire durablement.
Pour retrouver notre démocratie et nous sortir de cette prison des peuples, le seul vote utile et libérateur est celui pour François Asselineau.
Charles-Henri GALLOISResponsable national de l’UPR en charge des questions économiques