Source : Proche & Moyen-Orient, Guillaume Berlat, 29-01-2018
« On n’est jamais si bien servi que par soi-même ». Telle pourrait être la conclusion à tirer du long entretien accordé par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian à Isabelle Lasserre, l’experte unanimement reconnue des relations internationales dans le quotidien Le Figaro daté du 22 janvier 2018, date du « sommet de l’attractivité » organisé par le chef de l’État à Versailles. Le titre de cet entretien retenu par l’ex-ministre de la Défense de François Hollande est déjà tout un programme : « J’ambitionne une diplomatie qui agisse concrètement »1. Ce texte comporte de notre nouveau Talleyrand photographié en pied et impérialement assis en son palais d’Orsay sur les bords de Seine près de l’hôtel de Lassay (celui occupé par le président de l’Assemblée nationale) à trois jours de la « Nuit des idées » instaurée par Laurent Fabius. À la décharge de notre excellentissime ministre, il faut lui reconnaître une résilience hors du commun pour résister à l’ouragan Jupiter qui est partout à la fois et qui marche allègrement sur ses plates-bandes diplomatiques. Il ne lui laisse que quelques maigres os à ronger, tâche qu’un directeur d’administration centrale pourrait aisément effectuer à une époque où la Cour des comptes rappelle avec vigueur l’obligation d’une meilleure maîtrise de la dépense public au président de la République venue fêter la nouvelle année avec les magistrats de la rue Cambon.
Il est vrai que notre lorientais préféré, qui a parfaitement réussi à l’hôtel de Brienne, semble un peu plus gauche à l’hôtel d’Orsay. Il est vrai que notre jeune septuagénaire semble un peu perdu avec les codes de la diplomatie, de ses diplomates, confronté qu’il est à un monde qu’il peine à décrypter. Le diplomate ne se manie pas comme le militaire. Le bicorne est plus souple que le glaive mais ô combien plus retors. « La nuit des idées » serait plutôt la journée du brouillard ! En ce début d’année 2018, il est utile de disposer de la substantifique moelle de la pensée diplomatique du ministre en charge des relations internationales pour mieux l’analyser, dans un premier temps, puis pour mieux la juger, dans un second temps. Dans ces temps de pensée unique et aseptisée, une bonne disputatio ne peut pas faire de mal pour éclairer utilement l’expert de la chose du dehors. Présentée par le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères comme une diplomatie lorientaise qui, sous l’influence bienfaitrice de Jupiter, culminerait désormais à l’Everest, elle n’est en réalité qu’une diplomatie lorientaise qui serait malheureusement plutôt à l’ouest au sens propre et figuré du terme.
UNE DIPLOMATIE LORIENTAISE À L’EVEREST
Si l’on accepte de remettre en perspective cet entretien de Jean-Yves Le Drian pour la commodité de la présentation, l’on peut schématiquement établir une distinction très classique entre quelques principes directeurs (au service des citoyens français) et quelques points d’application dans le monde (au service de la paix).Lire la suite
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