Note de lecture de Michel Drac : "Pour que vive la France" de Marine Le Pen

FN d'hier et d'aujourd'hui Cette note de lecture aurait pu s'intituler ainsi. Une note de lecture, vraiment ? Je ne le crois pas mais nous aurons peut-être l'occasion d'en parler dans les commentaires. Les élections approchent et beaucoup d'indécis se demandent encore s'il est utile (et moralement acceptable mais ce verrou a sauté depuis un moment déjà) de voter FN eu égard au passé de ce parti, passé que ses opposants ne manquent jamais de rappeler tout en ignorant au passage les faits d'armes peu glorieux d'autres mouvements politiques. Alors allons-y : FN équivaut pour beaucoup encore à "collabos", "nostalgiques de l'Algérie française" (quand c'est pas du 3ième Reich), "réacs" et "racistes". La question qui pourrait se poser est : est-ce toujours le cas ? Et il est bien évident pour tous (sauf les chiens de garde comme Ruquier qui en a fait la démonstration récemment avec Philippot) que cette caricature n'a plus de sens au point où le tiers de l'électorat se dit près à voter pour. Drac rappelle quand même les origines de ce parti et il est honnête de le faire. Ajoutons, même si c'est évident, que ce n'est pas pour le FN que les gens vont voter à la présidentielle, mais pour Marine. Cette note de lecture du livre de 2012 "Pour que vive la France" ne commence en réalité qu'à partir de la douzième minute et vingtième seconde environ. Tout le début de sa vidéo est consacré, à partir du précédent livre de MLP plus autobiographique, à l'histoire du FN et montrer la rupture qui est le véritable thème de cette vidéo à mon sens. En anglais on parlerait de "generation gap", mais une fois n'est pas coutume la langue de Shakespeare ne sied pas ici car cette expression traduite généralement par "fossé des générations" illustre mal ce qui est en réalité un abîme, un abysse même, générationnel. Drac analyse très justement le fait que le FN est passé d'une génération du passé (et profondément passéiste), issue en partie de la collaboration (mais pas seulement) constituée d'individus globalement nés pendant l'entre-guerre et qui sont "les grands perdants de tous les combats politiques des années 40 à 60" pour le citer, à la génération de Marine qui a abandonné la ligne "droitarde" nostalgique, pour une critique de l'idéologie mondialiste, ses instruments et ses conséquences. Politiquement MLP est en réalité la petite-fille de JMLP. Cette nouvelle ligne, mise en pratique de la dédiabolisation du FN tout en allant bien au-delà du vernis médiatique de celle-ci, se veut et réussit en partie à être fédératrice. Il ne s'agit plus d'opposer les français issus des couches populaires en fonction de leurs origines mais bien de les rassembler et d'emmener tout le monde vers une assimilation bien comprise, soit l'inverse de la communautarisation de la société. MLP s'affirme, de par son programme, comme une femme de gauche (l'arnaque anti-raciste en moins) car tournée vers les questions sociales, mais aussi une souverainiste. Le meilleur moyen d'observer cet abysse générationnel est d'observer l'extrême-droite, la vraie (car le FN n'est plus qualifiable ainsi), et le moins qu'on puisse dire c'est qu'elle est particulièrement haineuse envers MLP et son entourage. Les propos homophobes vont bon train à l'encontre de Philipot et les autres qui sont jugés et condamnés par ces esprits étriqués et fort heureusement très minoritaires, comme des "fiottes de gauchistes" pour reprendre leur terminologie aussi peu raffinée qu'intelligente. Je ne citerai pas de noms (si, un), mais cette extrême-droite là a la dent très dure envers ce nouveau FN lui reprochant en substance d'avoir abandonné la critique de l'immigration de masse et autres dénonciations de supposé complot judéo-maçonnique, au point, pour certains, de ne même pas appeler à voter pour elle. Je n'en citerais qu'un seul car il a eu la velléité de se présenter lui-même aux élections : Henri de Lesquen. Cet individu appelle à voter Fillon (probablement ravi de ce précieux soutien comme on peut l'imaginer...). De Lesquen, c'est la vieille extrême-droite se ralliant traditionnellement à la bourgeoisie capitaliste incarnée par "Fillon-la-raie-à-gauche" comme l'affuble Drac. Ah ils sont colère les vieux droitards et les jeunes (cons) identitaires car Marine a le malheur de n'être ni homophobe ni raciste ni antisémite ni anti-maçonnique. Voilà qui suffit à ces esprits binaires pour la détester et se ranger derrière un vieux menhir qui appartient au siècle précédent, voire pire, vieille tradition de l'extrême-droite oblige, derrière la droite des affaires. Revenons à nos moutons. Marine Le Pen, dont on répète à foison qu'elle n'est qu'une héritière, est donc l'incarnation même du saut générationnel du FN. La génération 68 a été la grande gagnante de cette deuxième moitié de 20ième siècle : elle est (ou arrive) à la retraite en relative bonne santé et avec tous ses trimestres. Elle peut toiser les suivantes, les doigts de pied en éventail sur un transat depuis le Maroc où elle coule ses vieux jours ou depuis une résidence secondaire quand les autres peinent à en avoir une principale. Elle n'a jamais eu de raisons de soutenir un FN radical, et n'en a toujours pas, du moins le croit-elle.
En revanche la suivante, la "génération X" celle de Marine (qui est celle de Drac né la même année) et celle d'après, la "génération Y", oui. Elle a connu et connaît le chômage de masse, les affres de l'idéologie mondialiste, l'insécurité dans toutes ses dimensions. Et ô miracle, elle trouve la ressource de refuser de faire le deuil d'une souveraineté qu'elle estime ni morte ni enterrée. Ces deux générations X et Y sont bien en réaction face à un discours dominant, celui de l'éducation nationale qui l'a pourtant méthodiquement assailli d'un "devoir de repentance", d'une culpabilité éternelle et absurde et qui a tenté et tente toujours d'ôter tout sentiment patriotique chez ses élèves, car évidemment... "le nationalisme c'est la guerre", merci tonton. Elle a résisté aux discours mensongers des médias de masse (grâce au net) et de la quasi-intégralité de la classe politique à l'exception de quelques rares esprits lucides tels que Philippe Seguin, Jean-Pierre Chevènement et même un Villepin qui par son discours a permis de nous lester du poids de la responsabilité de la destruction de l'Irak, son million de mort (score en cours) et le chaos que nous subissons tous désormais.
Ces deux générations, X et Y, sont euro-sceptiques, anti-mondialistes, mais pas bêtement opposées au reste du monde dans un "repli sur soi" comme le laissent entendre nos chers* médias de masse. Ces deux générations se retrouvent dans les discours de Jean-Luc Mélenchon comme dans celui de Marine. Pour les autres, les plus de 60-70 ans il n'y a hélas plus grand chose à attendre. Ils sont allé aux primaires de gauche et de droite et pour certains n'ont pas réalisé que mêmes les candidats en ont trahis les chartes en refusant de soutenir leurs vainqueurs. Ils vont disparaître mais comme le dit Drac c'est hélas encore eux qui décident, et forcément le font dans ce qu'il pensent être leur intérêt. Drac parle d'un FN nationnal-souverainiste mais cette formule en forme de pléonasme n'a pas tellement d'autres raisons d'être que de souligner une forme d'opposition à l'autre courant du FN : les identitaires incarnés par Marion Maréchal-Le Pen. Or comme le rappelle justement Drac, la ligne identitaire ne constitue pas une base suffisante pour une réflexion politique et j'ajouterais qu'elle est absurde dans la France de 2017. La France de 2017, est, quoi qu'on en pense multi-ethnique. On peut presque faire un parallèle entre cette jeunesse (par définition immature) identitaire et le gauchisme : les deux sont dans le déni ; les premiers nient la composition réelle de la population française, les deuxièmes en nient les difficultés pourtant évidentes qui en découlent. Marine Le Pen, nous explique Drac, n'a quasiment pas évolué depuis 2006 dans son positionnement mais c'est à juste titre. Nous avons, depuis 2006 ("la décennie à cheval" pourrait-on la nommer à plusieurs titres**), eu le droit à :
Toujours plus de dérégulation avec les effets que l'on connaît et dont certains candidats proposent (façon de parler, ils appliquent les directives dans les intérêts des transnationales seules bénéficiaires) l'accélération
Le mondialisme et ses effets en termes de mouvements de biens, de capitaux et de personnes
La perte quasi totale de souveraineté, juridique, économique, politique et monétaire Alors quel bilan en tirer pour l'élection de 2017 ? D'abord dire que dans l'ultime partie de cette vidéo (aux alentours de trente-et-unième minute) Michel Drac répond à la question "Pourquoi je vote MLP ?". Il aurait pu choisir davantage d'items (UE/Euro, questions sociales, environnement, grands domaines éco (industrie, transport, politique énergétique, etc.), éducation et recherche, immigration, justice, politique extérieure, questions sociétales et enfin questions institutionnelles (par exemple quels candidats proposent quoi pour mieux garantir une plus juste démocratie)) mais il a choisi une voie plus synthétique et l'analyse des lignes de fractures est simple mais pertinente. En complément, cette note de lecture qui est probablement la plus décisive de toutes celles faites par Drac s'agissant de la campagne, met l'accent sur cette question générationnelle et invite à bien prendre conscience que les forces vives de la nation sont les (plus ou moins) jeunes hommes et femmes de 15 à 60 ans, qu'ils soient étudiants, fonctionnaires, employés, entrepreneurs, artistes, artisans-commerçants, agriculteurs, ouvriers, etc. ou chômeurs. La génération de 68 va disparaître mathématiquement et avec eux mourront leurs illusions perdues (depuis longtemps), leurs hypocrisies et ignorances*** de ce que vivent les forces vives de 2017. Pardonnons-leur car, pour partie, ils ne savent pas ce qu'ils font... Il est donc, pour finir sur une note positive, rassurant de voir ces forces vives reconnaître dans le duo JLM / MLP et leurs programmes les deux réels et possibles candidats d'opposition qu'ils sont. Faute de mieux, à chacun de décider selon ses tendances de la personne à qui il souhaite confier les clés de la boutique (en piteux état), mais une chose est certaine : tous les autres sont soit intégralement le système (Macron, Fillon, Hamon...), soit représentent objectivement des courants marginaux (extrême-gauche, Dupont-Aignan, Lassalle, Cheminade, Vaseline). * "chers" est à prendre soit ironiquement soit au sens "coûteux"
** une décennie de deux quinquennats identiques, à cheval sur deux autres et au galop pour dissoudre la France dans le magma euro-atlantiste
*** L'hypocrisie que l'on retrouve chez un Ardisson qui trouve sympa d'avoir des Kebabs... mais à Barbès, pas dans le 16ième où il a le privilège de résider ; et l'ignorance, je dirais naturelle, que l'on a quand on ne vit pas les difficultés de la France périphérique (celles des banlieues comme celles du monde rural, grand oublié de la campagne) Source : - Chaîne YT de Michel Drac - On peut retrouver les livres de Michel Drac ici
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/drac-livre-marine-le-pen.jpg

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