Après deux semaines de luttes populaires, des milliers de Mahorais de sont réunis le 19 avril 2016 pour lutter ensemble contre les violences et pour une reconnaissance réelle de l’État français
La focalisation permanente des médias français sur l’expansion du mouvement « Nuit Debout » (expansion dont ils sont des acteurs non négligeables), ne laisse pas d’étonner. De là à parler d’un « sponsoring » de première classe, il y a un pas que nous ne franchirons pas. Il ne s’agit pas, en écrivant cela, de discréditer gratuitement ce mouvement par ailleurs porteur d’espoir quant à la capacité des Français à se réveiller et à se rassembler, mais simplement d’interroger cette curieuse focalisation médiatique. Pendant que cette réaction épidermique aux moindres évènements se déroulant sur la place de la République capte une attention parfois démesurée (le non-évènement de la visite de l’inénarrable Alain Finkielkraut…), d’autres mouvements d’envergure secouent les terres de France, dans une remarquable indifférence.
2011-2016 : Les grandes révoltes populaires de Mayotte passées sous silence
Mayotte est un territoire si excentré de l’imaginaire collectif et de la réalité géographique de la métropole que beaucoup de Français ne sauraient situer ce département sur une carte
Ainsi, voilà deux semaines environ, les habitants du département d’outre-mer de Mayotte, entre Madagascar et la côte du Mozambique, ont lancé une grève générale pour demander l’égalité sociale avec les citoyens de la métropole. Vous savez à peine où se situe Mayotte ? Vous ne saviez pas que c’était un département français ? Vous ne vous êtes même jamais posé la question ? C’est normal. La quasi-totalité des évènements se déroulant sur les territoires et départements d’outre-mer sont passés sous silence en métropole. Les DOM-TOM possèdent leur propre chaîne de télévision, avec leurs propres émissions d’information, des contenus « adaptés » concernant leur propre histoire sur la chaîne « France Ô » (si, si, vous savez, la dernière de votre canal TNT). Ce qui en soi peut se défendre, mais génère un effet pervers : les journalistes parisiens se sentent pour le moins peu concernés par ce qui se passe dans cette France du bout du monde, qui n’apparaît même pas sur les cartes de notre pays diffusées dans les journaux télévisés au moment où il s’agit de vous situer le village dans lequel prend place leur dernier « reportage ».
Nassuir Oili, 9 ans lors des manifestations de 2011, avait perdu un œil suite au tir de flashball d’un gendarme. Il était devenu un symbole du large soulèvement populaire totalement passé sous silence dans les médias de la métropole.
Déjà, en automne 2011, alors que Mayotte était devenue le cent-unième département français depuis quelques mois seulement (31 mars 2011), les médias brillèrent par le silence quant aux manifestations qui, plusieurs semaines durant, mobilisèrent une très large frange de la population contre l’augmentation brutale du coût de la vie. À l’époque, ce furent l’affaire Bettencourt, la primaire du PS ainsi que la surmédiatisation des Indignés qui donnèrent le prétexte au scandaleux silence concernant la situation insurrectionnelle. L’île fut paralysée, des barrages furent montés, des magasins pillés, les gendarmes mobiles chargèrent à plusieurs reprises, mais il fallut attendre la mort d’un manifestant avant qu’enfin, de faibles échos des revendications populaires et de la situation chaotique ne parviennent jusqu’en métropole. Un enfant de 9 ans avait perdu un œil suite au tir de flashball d’un gendarme mobile à Longoni le 7 octobre 2011. L’enfant avait affirmé que le gendarme l’avait visé délibérément. Le gendarme avait été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire. À Mamoudzou, chef-lieu du département, un jeune homme s’était également retrouvé dans le coma suite à un tir de flashball après avoir cherché à traverser en scooter une voie occupée par la police. De telles tragédies et de tels débordements sont aujourd’hui prévisibles, dans la mesure où le syndicat UNSA police Mayotte a fait part aux plus hautes instances de l’État de l’incapacité des forces de l’ordre épuisées et excédées, à gérer la situation.
Hydrocarbures, base militaire, électoralisme, expropriation foncière et immigration : les vrais enjeux de la départementalisation
Rappelons qu’en aucune manière, les Français n’avaient été consultés avant la départementalisation de Mayotte. Les enjeux géostratégiques sont énormes, puisque le canal du Mozambique dans lequel se situe Mayotte regorge d’hydrocarbures. Les eaux territoriales françaises représentent désormais plus de la moitié de la superficie du canal du Mozambique. Plusieurs études ont évalué les réserves entre 6 et 12 milliards de barils de pétrole, et 3 à 5 milliards de mètres cubes de gaz. Voilà qui explique l’engouement du gouvernement français et de son armada de multinationales du pétrole pour les îles entourant Madagascar. Par ailleurs, la départementalisation s’est également jouée dans une série de calculs électoralistes, où élus de l’UMP et du PS se sont tour à tour imaginés que les Mahorais, en échange de mesures clientélistes bien senties, voteraient pour eux sans broncher. Enfin, Mayotte constitue une base militaire de choix pour l’État français, permettant de contrôler les trafics maritimes de ce fameux canal du Mozambique et de disposer d’un système d’écoutes au large de la côte est de l’Afrique. Pour les jeunes Mahorais en détresse sociale et au chômage, l’armée est bien souvent la porte de sortie de la misère la plus accessible. L’État joue d’ailleurs explicitement cette carte par le biais d’un « service militaire adapté », une aubaine, dans le département le plus jeune de France, où la moitié de la population a moins de 20 ans. Ce n’est donc pas la charité chrétienne qui a poussé nos chères élites au rattachement de ce territoire, dont une frange non négligeable de la population ne maîtrise pas encore couramment le français, et s’exprime au quotidien en shimaore (dialecte issu du swahili) ou en shibushi (dialecte issu du malgache).
Les Mahorais manifestent régulièrement contre le chaos engendré par l’immigration clandestine, tout en exigeant de l’État qu’il assure leur sécurité et en montrant leur attachement indéfectible à la France
Par ailleurs, son statut de département français agit comme un cadeau empoisonné, puisque sur ses 200 000 habitants, on compterait plus de 60 000 immigrés clandestins, venus en grande majorité des Comores voisins. Les Mahorais souffrent de cette situation générant un niveau de délinquance, de criminalité et d’insécurité grandissant, qu’ils sont les premiers à dénoncer. Leur combat actuel est également un combat pour l’accès à la sécurité, qui est une condition nécessaire à l’établissement de l’État de droit. Paradoxalement, les manifestations motivées par un désir d’égalité sociale avec les citoyens de la métropole, notamment en termes de sécurité, fournissent bien malgré les organisateurs et la plus large frange de la population, un contexte propice à la prolifération des émeutes et du chaos.
Enfin, L’État a décidé de soumettre les habitants de l’île, dont les mœurs sont conditionnées par le droit coutumier, aux normes de la capitale. Cette « normalisation » concerne également l’impôt sur le revenu, la taxe d’habitation et la taxe foncière. Or, le droit coutumier local reconnaît la propriété collective à usage familial, sans immatriculation ni enregistrement. Durant un certain temps, l’État a doté les Mahorais d’une Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT). Il refuse désormais aux habitants de renouveler ces AOT et leur propose de racheter le terrain sur lequel ils ont toujours habité ! Les plus démunis s’apprêtent à être expulsés de leur demeure ancestrale, et ceux qui parviennent à se doter d’un titre de propriété se demandent maintenant comment ils vont réunir les fonds nécessaires à l’acquittement de leur taxe foncière.
Accusé d’avoir torturé les populations, le dirigeant de l’île d’Anjouan Mohamed Bakar s’était réfugié clandestinement sur Mayotte pour éviter les poursuites en mars 2008. Les clandestins Comoriens s’en étaient pris violemment aux métropolitains à cause de la complicité supposée du gouvernement français avec Bakar
Environ 20 000 Mahorais se trouvent aujourd’hui sans titre de propriété pour leur habitation. Les gouvernements français successifs comptent-ils tous les mettre progressivement à la rue ? S’imaginent-ils qu’ils se laisseront déposséder sans rien faire ? Qu’adviendra-t-il quand ils voudront récupérer leurs biens certainement rachetés par des expatriés payés à prix d’or pour venir travailler sur l’île ? Le gouvernement tient-il réellement à voir se reproduire régulièrement, de manière de plus en plus massive, des chasses aux blancs, comme celle organisée en mars 2008 par des clandestins Comoriens excédés, lorsque Mohamed Bacar, le dictateur de l’île comorienne d’Anjouan, a trouvé refuge à Mayotte avant de se réfugier au Bénin avec la bénédiction des réseaux de la France-Afrique ? Tient-il à voir la population Mahoraise elle-même prendre les armes contre les immigrés Comoriens ? Tient-il à mener le plus jeune département français jusqu’à la guerre civile ? Si la lâcheté d’une telle non-gouvernance, d’un tel manque de prévision quant à son orientation pour Mayotte se perpétue, une telle issue s’avère inéluctable. S’approprier un territoire, c’est s’approprier son histoire, dans toute sa complexité. En départementalisant Mayotte, nos élites ont lié sans nous en demander le droit notre destin au destin très complexe des Comores. Pris en tenaille entre l’immigration comorienne à laquelle il oppose sa souveraineté et le processus latent d’expropriation foncière orchestré par le gouvernement français, le peuple mahorais est en quête de directions pour sortir de l’impasse.
Des luttes sociales sabotées par un meurtre raciste, les émeutes et l’état d’urgence
C’est dans cette perspective que le mouvement pour l’égalité sociale avait été initié dès novembre, avant d’être neutralisé par l’état d’urgence. En février, le Collectif des Citoyens inquiets de Mayotte avait tenté d’alerter les autorités quant à la situation du pays par le biais d’une pétition, corroborant les propos du procureur de la République Joël Garrigue et du procureur général, qui évoquaient déjà une situation « catastrophique » et un risque de « cataclysme » dans le département d’ici 2017. Le collectif avait appelé les élus de Mayotte à manifester devant l’assemblée nationale tout en conviant les médias à rendre témoignage de l’état de crise. Au début du mois d’avril, des fonctionnaires aux salariés du privé en passant par les retraités et les chômeurs, toutes les franges de la population s’étaient unies pour relancer le mouvement et faire des réclamations très concrètes. Les investissements promis par le préfet Seymour Morsy le 16 mars dernier ne semblent pas avoir convaincu. Les manifestants demandent aujourd’hui l’alignement des allocations sociales et des autres prestations sur le niveau de la métropole. Ils exigent également des mesures réelles visant à lutter contre l’insécurité qui sape toutes les dimensions de la vie quotidienne sur l’île. Ils demandent par ailleurs l’abandon du « projet de loi El Khomri ».
La ministre des Outre-mer George-Paul Langevin
Dans la nuit du 11 au 12 avril dernier à Mamoudzou, des « jeunes cagoulés » auraient détruit des véhicules et caillassé des habitations d’après la préfecture, qui évoque des « affrontements entre bandes rivales » et dénombre 85 voitures endommagées ainsi qu’une personne blessée. La police étant débordée par les missions périphériques qui lui sont imposées (chasse aux sans-papiers, prévention des révoltes sociales…), les infractions et la délinquance quotidiennes ne sont pas sanctionnées. La ministre des Outre-mer George Paul-Langevin a annoncé le 13 avril « l’envoi de renforts », alors que les citoyens sont confrontés à des bandes armées semant la discorde et la peur.
La grève générale a provoqué la suspension des livraisons maritimes, générant une pénurie dans les supermarchés et mettant nombre de salariés au chômage technique. Il a même été envisagé de rapatrier des dizaines d’individus hospitalisés vers la Réunion afin qu’ils puissent y être soignés correctement. Le mouvement a pris une telle ampleur que même des élus ont rejoint les manifestations. En 2011, l’intersyndicale à l’origine du mouvement contre la vie chère avait soupçonné le gouvernement de « manipulation », dans la mesure où aucun des élus invités à la table des négociations n’avait participé aux mouvements de grève. Les syndicalistes avaient alors affirmé que seul but de ces discussions était d’étouffer la révolte. Mais ce samedi 16 avril 2016, c’est l’intersyndicale elle-même qui, après avoir été reçue par George-Paul Langevin, a décidé de mettre fin à la grève générale.
Le bidonville de Kaweni où un métropolitain de 38 ans aurait été assassiné par des mineurs dans la banlieue Mamoudzou, chef-lieu de Mayotte, n’a malheureusement rien à envier aux favelas brésiliennes
Cette décision fait notamment suite au meurtre à l’arme blanche d’un « métropolitain » par trois mineurs, vendredi 15 avril, à Kaweni, une véritable favela du Nord de Mamoudzou. La victime était un père de famille, et aurait été au départ agressée pour un sac à main. Deux des trois présumés criminels sortaient de prison pour viol et pour vol. Les fonctionnaires métropolitains étant généralement envoyés à Mayotte pour cadrer et former les habitants depuis le sommet de la pyramide, les blancs sont souvent montrés du doigt comme des pilleurs de richesses à Mayotte, et sont particulièrement sujets aux violences. De fait, ils sont mieux payés et vivent entre eux dans des ghettos de fonctionnaires métropolitains que les Mahorais appellent « Mzoungou land ». Jusque dans la pratique de leur profession, les fonctionnaires métropolitains sont complètement isolés du reste de la population pour des raisons ethniques, linguistiques et culturelles.
La politologue Françoise Vergès ciblait très bien ce problème, parmi tous ceux rencontrés par la population :
Comme l’explique le résumé d’une communication de l’Association Française de Sociologie sur ce sujet : « alors que le français est la langue officielle, les Mahorais sont seuls en mesure de dialoguer avec des usagers qui ne la maîtrisent pas ». À cause de ces conditions de travail particulièrement difficiles, l’État a énormément de mal à recruter des professeurs pour aller enseigner à Mayotte. Les enseignements se tiennent en français dans les écoles, mais le français n’y est pas enseigné. Une situation totalement absurde et révoltante : des Français, des citoyens en devenir, n’ont pas même accès à la langue de Rabelais. Un enfant scolarisé sur trois se trouve donc en situation d’illettrisme. Quel avenir cela augure-t-il pour ce département français ?
Mardi 19 avril 2016, une foule impressionnante de plusieurs milliers de Mahorais s’est rassemblée pour une « opération île morte » afin d’appeler les autorités françaises à lutter réellement contre les violences et la criminalité qui enveniment la vie quotidienne de toutes les strates de la population.
Est-il besoin de le préciser, les violences ne touchent pas que les blancs. L’ensemble de la population est menacée par la criminalité galopante. Mardi 19 avril, une opération « île morte » a été décrétée par les habitants, afin de protester contre la montée des violences, et d’appeler une nouvelle fois le gouvernement à doter le département des structures nécessaires à la sécurité des habitants. Lundi 18 et mardi 19, le préfet a organisé deux réunions afin d’évoquer tous ces problèmes, mais avant tout (bien évidemment…), d’amener progressivement l’île à la « reprise des activités ». Le grand cadi, juge musulman remplissant des fonctions civiles, était présent à la seconde de ces réunions, puisqu’il dispose encore aujourd’hui d’un statut politique reconnu par l’État ; il est nommé par le préfet. Comme l’Alsace-Moselle, la Guyane ou les territoires français du pacifique, Mayotte dispose en effet de son propre « régime de laïcité ». Les citoyens musulmans originaires de Mayotte peuvent choisir comme alternative au droit commun français un statut personnel dérogatoire qui maintient notamment les situations de polygamie préexistantes à la départementalisation, et qui autorise les juges de la République à consulter les cadis concernant l’application du droit local avant de trancher. Bien que leur fonction ait été fortement diminuée, les cadis font toujours office d’assesseurs, de médiateurs et de conseillers auprès des instances de la république en ce qui concerne l’application du droit des personnes. 95 % de la population mahoraise est musulmane, et l’on y recense plus de 300 mosquées. Le sujet est sensible et oppose les partisans d’une assimilation totale à terme à ceux qui exigent une « laïcité aménagée ».
Les élus, entre démission politique et revendication d’un « droit au respect »
Le ton est monté lors de ces réunions, entre le préfet et le procureur d’un côté, et les élus de l’autre. Le procureur a reproché aux élus leur manque d’assiduité aux réunions avec les autorités judiciaires. Lorsque la question de l’immigration clandestine a été abordée, les dissensions étaient telles que les élus se sont retirés durant trois heures dans un hémicycle séparé. À l’issue de cet aparté, ils ont signé une motion adressée à Manuel Valls concernant « le droit au respect ». « Nous ne pouvons plus accepter le ton sur lequel le préfet et le procureur nous ont parlé, […] arrêtez de nous dénigrer lors de nos prises de paroles publiques », ont-ils déclaré. Chacun des deux camps se renvoie régulièrement la balle concernant la responsabilité politique du véritable chaos auquel mène l’immigration massive venant à la fois du continent africain et des Comores. Les associations qui prennent en charge les strates sociales les plus vulnérables de Mayotte ne manquent pas de dénoncer régulièrement la démission des élus, dont ces derniers accusent le préfet et le procureur. Chacun se lave les mains…
Ce n’est que suite à la mobilisation citoyenne historique de l’opération île morte que cette réunion a pu avoir lieu. Sans susciter trop d’espoir, les élus se sont dit résolus à « à mobiliser tous les outils à leur disposition en terme de prévention, d’animation d’accompagnement et d’insertion des jeunes en partenariat avec L’État pour donner à cette jeunesse désorientée des perspectives d’avenir ». Aucun engagement n’a été pris ni par les élus ni par le préfet et le procureur, chacun trouvant finalement son propre intérêt dans toute déclaration pouvant amener à un « retour au calme ».
Le visa Balladur, l’immigration comorienne, la responsabilité des Mahorais et la tragédie des enfants perdus
C’est en 1974 que les Comores ont opté pour l’indépendance. Considérée autrefois comme la terre la plus arriérée de l’archipel, Mayotte, désormais française, est maintenant perçue comme un eldorado. Le salaire de base y est huit fois plus élevé que dans les Comores. Pour une population de 200 000 habitants, certains comptent entre 60 000 et 100 000 immigrants comoriens chaque année. Plus 20 000 personnes sont expulsées de l’île chaque année. Les policiers passent leur temps à renvoyer des gens qui reviennent dès que la somme nécessaire au voyage leur est acquise, ce qui détourne les forces de l’ordre de leur mission première (qu’ils n’ont, de leur propre aveu, plus les moyens d’assurer) de garantie concrète de la sécurité des citoyens. Du fait de cette immigration notamment, une personne sur cinq vit sous le seuil de pauvreté à Mayotte, et le taux de chômage frôle les 27 % soit environ deux fois plus qu’en métropole. Des centaines de Comoriens trouvent la mort chaque année en tentant de rejoindre Mayotte. À titre d’exemple, pour la seule année 2011, plus de 150 Comoriens trouvèrent la mort dans les eaux territoriales françaises, on ne peut mieux exprimer le désespoir qui pousse malgré cela tant de personnes à prendre de tels risques, femmes et enfants compris.
La situation arrange bien des employeurs, puisque l’on compte au moins 10 000 travailleurs illégaux sur l’île, et 80 % de la main d’œuvre en bâtiment. Certains Comoriens y trouvent également leur compte, puisque la mafia des Kwassa kwassa (petites embarcations de pêche très rapides, dont les fabricants sont devenus des entrepreneurs), transformés en passeurs, ont acquis une telle influence qu’ils sont aujourd’hui à même de corrompre aisément des fonctionnaires et des élus en vue de pérenniser leur trafic d’êtres humains. La responsabilité va donc également, peut-être en premier lieu, à ces élus et autres responsables politiques se laissant aisément corrompre avant de jouer les vierges effarouchées lorsqu’ils sont interrogés sur leur rôle éventuel dans cette tragédie. Cette immigration favorise également la prostitution massive et les mariages d’intérêt en vue d’obtenir la nationalité française.
Plus de 6000 enfants erreraient dans les bidonvilles de Mayotte. Pour la plupart issus de l’immigration clandestine comorienne, ils seraient abandonnés par leurs parents afin de demeurer inexpulsables jusqu’à leur majorité
Par ailleurs, et c’est peut-être l’aspect le plus grave de la situation, plus de 6000 enfants de clandestins en bas-âge y seraient abandonnés à leur sort. Nés en France, ils deviennent Français par le droit du sol, mais leurs parents sont renvoyés chez eux manu militari. Le droit des réfugiés n’est absolument pas respecté à Mayotte, d’où la prolifération de ces situations catastrophiques. Selon la loi française, un enfant trouvé seul en situation irrégulière ne peut être renvoyé chez lui, mais pas un enfant venu avec ses parents. Le camp de rétention de Mayotte est le seul en France dans lequel sont internés des enfants. Les conditions de détention y sont particulièrement dégradantes. Les enfants abandonnés en vue de l’obtention de la nationalité, quant à eux, fouillent les décharges pour trouver de quoi manger et se regroupent dans des bidonvilles. Ce qui explique en très grande partie l’explosion permanente de délinquance et de criminalité submergeant Mayotte. Face à cette situation, Nicolas Dupont-Aignan a demandé la suppression du droit du sol à Mayotte, ce qui, en tout état de cause, ne réglerait pas le problème de l’immigration de travail clandestin. La régularisation étant quasiment impossible sur l’île, nombre de clandestins tentent d’atteindre la Réunion ou la métropole par avion, en se munissant de faux passeports.
C’est en 1995 qu’Édouard Balladur imposait un visa d’entrée pour Mayotte aux habitants des trois îles comoriennes Mohéli, Anjouan, Grande Comore, abolissant de fait la libre circulation entre Mayotte et les Comores. On dénombre plus de 10 000 morts au large de Mayotte entre 1995 et 2015. Il existe aujourd’hui des associations de « défense des immigrés » qui proposent une pétition visant à la supression du « visa Balladur ». Quel avenir cette suppression augurerait-elle pour Mayotte, déjà submergée par l’immigration ? Les militants défendant cette suppression vivent-ils à Mayotte où mènent-ils cette campagne depuis la métropole ? Des organisations de Mahorais telles que le Comité Mayotte Département s’opposent à cette suppression du visa Balladur, et semblent plutôt attendre des autorités qu’elles luttent activement contre l’immigration clandestine, pourtant favorisée dernièrement par les responsables politiques. Elles appellent les Mahorais à la responsabilisation. Comme le rappelle ce comité, on ne peut pas dénoncer l’immigration clandestine et ses désastreuses conséquences d’un côté, et en tirer de manière éhontée bénéfice de l’autre :
« Nous ne pouvons pas dire non aux clandestins et louer des chambres, des cases ou des bangas à ces mêmes clandestins. Nous ne pouvons pas dire non aux clandestins, et leur donner du travail avec un salaire de misère. Et ceux qui emploient ces pauvres personnes, et qui se font prendre, l’État doit les sanctionner sévèrement. Je comprends la compassion mais le Mahorais ne doit pas s’attrister, compatir, s’émouvoir tous les jours face à cette misère. Il faut prendre les décisions qui s’imposent, parfois difficiles mais fermes et braves. Car, la présence des clandestins à Mayotte permettent à beaucoup de voyous mahorais de masquer des délits qu’ils commettent en accusant les illégaux. »
Le rapport Lurel pour l’égalité réelle, une « trahison » de l’idéal Mahorais ?
Victorin Lurel, ancien président du conseil régional de la Guadeloupe et ex ministre des Outre-mers, est à l’origine d’un rapport « télécommandé » par Valls sur « l’égalité réelle » dans les Dom-Tom aux conclusions contestées. Un moyen de se laver les mains d’une crise sociale inévitable ?
Devant l’évidence d’une explosion prochaine de la situation à Mayotte, mais aussi dans d’autres départements d’outre-mer, Manuel Valls avait commandé le 9 mai 2015 un rapport sur l’égalité réelle dans les DOM à Victorin Lurel, ancien président PS du conseil régional de la Guadeloupe (2004-2015) et ancien ministre des Outre-mer du gouvernement Ayrault (2012-2014). Ce rapport a été rendu le 16 mars 2016 à George Paul-Langevin et Ericka Bareigts, secrétaire d’État chargée de l’égalité réelle. Selon Kamaldine Attoumani Soumaila, candidat aux législatives de 2012 à Mayotte et directeur de « Kweli consulting », ce rapport ne peut avoir pour effet que de provoquer la colère des habitants des DOM. Soumaila va jusqu’à supposer que le rapport Lurel n’a pour objectif que de provoquer volontairement des velléités indépendantistes dans les départements d’outre-mer. L’irresponsabilité des élites locales et nationales mènera-t-elle à long terme à la guerre civile ? La question ne se pose plus seulement pour les DOM-TOM, mais également pour la métropole. K.A. Soumaila se confiait en ces termes à la chaîne de télévision Mayotte 1re le 28 mars 2016 :
« Mayotte et les autres DOM ne participeront plus aux efforts nationaux et seront isolés dans leur région. Je me demande s’il n’y a pas des risques ou des visés indépendantistes là-dessous surtout quand on connaît ses tendances… autonomistes. C’est inquiétant parce que depuis 70 ans de départementalisation, aucun DOM n’a jamais émis le souhait de quitter la république. Le SMIC ne sera plus fixé sur le barème national mais il sera fixé sur le salaire minimum de chaque département en fonction de sa région, c’est inquiétant. Et puis, quand Victorin Lurel parle de la diminution de la sur-rémunération des fonctionnaires, ça revient à niveler les salaires par le bas. »
Selon lui, l’avalanche de taxes annoncées dans le rapport ne peut avoir pour effet que de trahir la volonté « d’égalité réelle » dont se prévaut ce texte :
« La vie chère est vraiment structurelle dans les départements d’outre-mer et particulièrement à Mayotte. Quand je vois l’avalanche des taxes en tous genres dans les propositions du rapport Lurel qui va faire objet d’une loi, je me sens le devoir d’alerte envers l’ensemble des outre-mer et pas uniquement Mayotte mais aussi l’ensemble des Français. C’est un problème d’intérêt général. »
De telles mesures mettraient selon lui en danger les familles les plus démunies dans ces territoires, les plus fragilisées socialement de la République :
« Dans le rapport Lurel, rien n’indique que les taxes ne seront pas appliquées aux produits de première nécessité. Ce qui pénalisera les familles les plus démunies et posera un problème à la consommation. C’est inquiétant pour les populations aux revenus faibles. Rajouter les taxes réduira la capacité à épargner, ça pose un vrai problème social. »
Devant une telle « trahison », il en appelle à la responsabilité des élus et invitait les populations d’outre-mer à se mobiliser avant la mise en place du « projet » Lurel commandé par Valls, prévue pour cet été :
« Je fais deux hypothèses : soit les élus sont pour le rapport Lurel, soit ils n’ont pas mesuré les conséquences de telles propositions. Se rendent-ils compte qu’on part vers une discrimination des outre-mer qui subissent déjà la vie chère au quotidien ? Il est important que les gens se manifestent avant que le projet de loi ne sorte cet été. »
À constater l’ampleur de la mobilisation populaire à Mayotte, inédite dans toute l’histoire des DOM-TOM, il semblerait que Kamaldine Attoumani Soumaila ait été entendu par les habitants au bord du désespoir. Visiblement, son constat n’a pas été entendu par le gouvernement. Il est fort probable que sous prétexte de répondre aux attentes des populations dans les plus brefs délais, le gouvernement ne fasse qu’entériner les propositions du projet Lurel concoctées avant les mouvements de lutte, sans même consulter la population sur ses besoins réels.
B. Cazeneuve a joué la carte de « l’antiterrorisme » pour doter Mayotte d’une unité de « super gendarmes » en janvier. Un moyen bien pratique de neutraliser les mobilisations de novembre 2015 et de prévenir les révoltes inévitables à venir, plutôt que de garantir la sécurité quotidienne des Mahorais
Pour l’heure, la seule réponse apportée par Paris aux revendications des citoyens de Mayotte est une réponse policière et militaire. Si en prévision des révoltes à venir, et au prétexte de la lutte anti-terroriste notamment, le ministère de l’intérieur a intégré sur l’île des troupes de « super gendarmes » dès janvier 2016, rien n’a été fait pour protéger les populations. À l’immense majorité musulmans, les citoyens de Mayotte sont avant tout suspects dans « le combat que nous menons contre le terrorisme », et c’est explicitement dans cette seule perspective que Bernard Cazeneuve a créé un Groupe de Peloton d’Intervention d’Outre-Mer (GPIOM), unité spéciale du GIGN à Mayotte en janvier. Aucunement pour lutter contre la délinquance et la criminalité générées par la pauvreté grandissante, qui menacent l’intégrité des Mahorais bien plus qu’un quelconque projet « terroriste »visant Mayotte… Il semblerait d’ailleurs que les membres du gouvernement s’intéressent aux « menaces terroristes » éventuelles dans les DOM-TOM surtout lors de leurs propres visites. Il leur est bien opportun de mobiliser les forces de l’ordre afin d’assurer leur propre sécurité, et de faire ainsi coïncider « menace terroriste » et révolte populaire et sociale d’envergure.
La France, Mayotte et les Comores : une relation diplomatique problématique
Répétons-le, l’attachement de la métropole à Mayotte ne tient pas à la charité chrétienne de la République, mais aux ressources d’hydrocarbures du canal du Mozambique auxquelles la conquête des eaux territoriales lui donne droit d’accès. Voilà qui explique le mépris affiché du gouvernement français à l’égard des populations de Mayotte. Il revient aux Mahorais de savoir s’ils tiennent à rester citoyens d’une république qui n’a aucune ambition d’égalité politique réelle à leur égard, ou s’ils veulent, à l’image des Comores, obtenir leur indépendance. Il s’agit en réalité d’un non-choix, puisque proclamer l’indépendance reviendrait, comme le montre l’exemple des Comores, à se condamner à la misère. Les Mahorais ne sont pourtant pas dupes, et font le constat répété de l’échec de la départementalisation telle qu’instiguée par Nicolas Sarkozy. Ils restent pour autant extrêmement attachés affectivement et culturellement à la France, qui acheta le groupe d’îles constituant Mayotte en 1848 à un sultan local. En 1958, un rassemblement de Mahorais, le « congrès des notables », réclame déjà la départementalisation pour se séparer des Comores et se rattacher définitivement à la France. À trois reprises (1974, 1976, 2009), les Mahorais expriment par référendum le souhait de constituer un territoire français à part entière.
Ahmed Sambi, président de l’Union des Comores de 2006 à 2011 (ici avec M. Kadhafi), a marqué une forte opposition à la départementalisation de Mayotte. Une dissension diplomatique problématique dans les relations entre la France et les Comores
Ceci dit, du point de vue du droit international, la départementalisation de Mayotte peut être considérée comme illégale, puisqu’elle repose sur les premiers référendums du 8 février et du 11 avril 1976, considérés par une résolution de l’assemblée générale de l’ONU datant du 21 octobre 1976 comme « nuls et non avenus ». C’est la position de l’Union des Comores qui revendique ce territoire. En raison notamment de cette première « illégalité », l’ancien président des Comores Ahmed Abdallah Sambi (2006-2011) jugeait à son tour le référendum de 2009 sur la départementalisation de Mayotte comme « nul et non avenu », considérant Mayotte comme une terre comorienne. Le Parti Communiste Français se situait dans cette ligne, puisqu’il fut le seul parti représenté au parlement français à ne pas appeler à voter en faveur de la départementalisation, en raison des revendications de l’Union des Comores appuyée par l’Union Africaine. Certains dirigeants Russes n’ont pas manqué de rappeler la contestation internationale de cette annexion à la France, lorsque le 11 mai 2014 à Bakou, François Hollande avait qualifié les référendums de Donetsk et de Lougansk de « vraies fausses consultations ».. N’omettons pas pour autant de souligner que lorsque la question mahoraise est soulevée dans les Comores, c’est bien souvent pour focaliser l’attention des observateurs internationaux et du peuple comorien, afin qu’il ne remette pas en question la gestion de la politique intérieure de l’Union. Quel avenir les Comores offriraient-ils à Mayotte, alors que les Comoriens sont dans une telle misère qu’ils sont prêts à mourir avec femme et enfants pour rejoindre le département français ?
Si les Mahorais font le choix de demeurer un département français coûte que coûte, la très grave crise sociale que traverse l’île ne peut être résolue que dans le cadre d’une coopération de l’État français avec les autorités comoriennes. Certains ne manqueront pas de voir les signes d’une entreprise « néo colonialiste » dans la suggestion d’une aide au développement accrue de la France à l’égard des Comores. Il en va pourtant de la survie de Mayotte en tant que département français, mais surtout, de la survie des Comoriens qui sont des milliers à trouver l’abîme du canal du Mozambique pour dernière demeure. Il en va également de la survie des Mahorais, que l’immigration massive réduit à la crainte permanente de la délinquance, de la criminalité et de la surpopulation. La tâche est plus aisée à définir qu’à accomplir, car l’instabilité politique des Comores ne favorise pas le développement des relations diplomatiques avec la France. La situation est d’autant plus complexe que le statut de Mayotte est en lui-même un sujet de dissension majeur entre les gouvernements successifs de la France et des Comores.
L’union des Comores traverse en ce moment même une grave crise politique. M. Soilhi et A. Assoumani s’accusent mutuellement de fraude électorale. Ce qui n’augure rien de bon pour la situation du pays. L’immigration comorienne clandestine massive vers Mayotte n’est donc pas prête de s’estomper
La situation politique des Comores est pour le moins instable. À l’heure même où nous écrivons ces lignes, Mohamed Ali Soilhi (vice-président de 2011 à 2016) et Azali Assoumani (président de 2002 à 2006), les deux finalistes des élections présidentielles de l’Union des Comores, ont chacun déposé un recours devant la cour constitutionnelle, s’accusant mutuellement de fraude. Seulement 1,11 % des suffrages les départageaient lors de l’annonce des résultats du scrutin le 15 avril 2016, soit environ 2000 voix d’écart, en faveur d’Assoumani (40,98 % contre 39,87 %). Des bureaux de vote auraient été saccagés par des militants dénonçant des bourrages d’urnes lors de la tenue des élections. Certains représentants des candidats auraient été empêchés d’entrer dans les bureaux. La fiabilité du logiciel employé par la commission électorale est remise en question. La même signature aurait été repérée sur plusieurs procès-verbaux. Les noms de personnes décédées et d’immigrés auraient été répertoriés sur plusieurs registres d’électeurs. Mohamed Ali Soilhi accuse Azali Assoumani d’avoir personnellement participé au saccage des bureaux de vote lors du processus électoral sur l’île d’Anjouan (première île d’émigration vers Mayotte), et demande sa disqualification. Selon Soilhi, certains bureaux d’Anjouan ne se seraient pas exprimés. Il demande donc l’organisation d’une élection partielle sur l’île. La cour constitutionnelle a jusqu’au samedi 30 avril 2016 pour trancher. La question est d’autant plus sensible que l’on dénombre près de 300 000 Comoriens dans toute la France, dont 120 000 rien qu’à Marseille (15 % de la population), ce qui vaut à la cité phocéenne d’être parfois surnommée « la cinquième île des Comores ». Les Comoriens y vivent généralement parmi les strates de la société les plus défavorisées, de sorte que, comme l’explique l’élu marseillais d’origine comorienne Nassurdine Haïdari, « la délinquance des jeunes d’origine comorienne y est une réalité de plus en plus prégnante ».
De Nuit Debout à Mayotte, l’indifférence des médias aux vraies questions politiques et leur fascination pour la violence
Concernant Mayotte, notons qu’enfin, ces derniers jours, les médias de masse subventionnés se sont mis à s’intéresser à la situation sociale et politique, mais d’un point de vue bien singulier. Lorsqu’ils se rendent sur place ou relatent ce qui s’y passe, c’est surtout pour relayer le spectacle de la violence, et très rarement pour évoquer les causes profondes de la révolte populaire et sociale. En ce sens, leur attitude vis-à-vis de ce contexte est comparable à celle qu’ils manifestent vis-à-vis de Nuit Debout, comme le démontre très bien Daniel Schneidermann, fondateur de l’émission Arrêt sur Images.
Comme le montrait déjà avec intelligence le film hollywoodien Bataille à Seattle (S. Townsed, 2008) et comme le rappelle D. Schneidermann, les journalistes subventionnés par les États et par les milliardaires de l’oligarchie mondialisée ne semblent s’intéresser qu’à la dimension violente des soulèvements populaires, qui les aide à persuader le bon peuple que toute tentative de changement est synonyme de chaos. Par ailleurs, l’interprétation de ces rôles par des vedettes millionnaires illustre parfaitement l’étendue de la capacité de récupération du Spectaculaire marchand, dont on trouve déjà des éléments dans la dimension carnavalesque (au sens où l’entend Jean Baudrillard dans Carnaval et Cannibale) des manifestations.
Le Cercle des Volontaires a fait récemment les frais de cette obsession médiatique. Pour avoir filmé la réaction d’Alain Finkielkraut suite à son éviction de la Nuit Debout, nous nous sommes retrouvés à la une de tous les médias de masse. Pour une interview banale recueillant les réactions (pour le moins victimaires et théâtrales) d’un individu dont le moins que l’on puisse dire est que nous ne partageons pas ses convictions et que nous ne manquons pas de le faire savoir, combien d’entretiens sereins d’exception réalisés par nos soins, invitant des personnalités ostracisées par les organes d’information subventionnés et jamais relayés ? Cet engouement surprenant pour l’une de nos productions témoignait simplement de la capacité du Spectacle (au sens où l’entend Guy Debord), à s’approprier, à ingérer, à amplifier tout ce qui peut le nourrir, pour divertir, au sens étymologique, c’est-à-dire faire diversion et passer sous silence ce qui a réellement de l’importance et qui échappe à l’empire du spectaculaire. Ce qui se passe d’essentiel, à l’heure où nous composons ces lignes, place de la République comme à Mayotte, comme à d’autres endroits de France et du monde, c’est justement ce qui échappe au spectaculaire, ce que ni l’argent ni le spectacle ne sauraient acheter.
Galil Agar
Pour aller plus loin :
À Mayotte « comme au temps des colonies », MOM migrants outre-mer, Olivia Müller, 14 mai 2015.
Documentaire Une journée à l’école à Mayotte, par Solidarité Laïque.
Documentaire sur différents aspects de la vie à Mayotte, dans la collection « poussières d’empire » sur France 5.
Site du Comité Mayotte Département.
Page Faceboook du Collectif des citoyens inquiets de Mayotte rassemblant des articles faisant état de la situationPage Facebook du Collectif Mayotte en danger, faisant office de revue de presse, rassemblant de nombreux articles concernant la situation catastrophique de l’île sur les plans sanitaire, sécuritaire, économique et social.
Sur l’histoire et la culture musulmane de Mayotte : le documentaire Islam de France : Mayotte, Youssef el Ouazzani, 2015.
Trajectoires de fonctionnaires en contexte postcolonial : Statuts, genre et ethnicité dans l’administration française à Mayotte. Association Française de Sociologie.
Sur l’immigration clandestine à Mayotte et les enfants perdus venus dse Comores :
Reportage d’Arte Mayotte, l’île perdue, Cécile Allegra, Thibaut Delavigne, Sasha Marro et Thierry Bréant 2015.
Reportage de Thalassa sur l’immigration depuis Anjouan vers Mayotte.
20 heures de France 2 Mayotte : la république en échec, diffusé le 22 janvier 2013.
Sur la polygamie à Mayotte: le documentaire Whuilli ilawa Mahoré.
Pétition pour la supression du visa Balladur lancée par Fasti (Fédération des Associations de Solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s).
Sur la transformation des territoires, la violence et la société du spectacle :
Guy Debord, III. Unité et divsion dans l’apparence, VII. L’aménagement du territoire dans La Société du Spectacle, 1967.
Jean Baudrillard, Carnaval et Cannibale, L’Herne, 2011.
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