L'injonction au débat - LBM 87

Le débat devient un principe qu'il faut respecter absolument et sans condition, un impératif catégorique, voire un dogme. Refuser un débat est devenu synonyme de lâcheté, de sectarisme ou d'intolérance, la preuve par quatre qu'on n'a pas d'arguments à défendre et qu'on a tort. Pourtant, il faudrait définir ce qu'est un débat car le principe du débat est lui-même sujet à débat. La conception libérale du débat est une discussion entre interlocuteurs exposant des idées opposées sur un sujet donné et au cours duquel s'oppose deux rationalités qui auraient à se convaincre. Mais le débat est-il dissociable des conditions du débat et de règles discursive encadré par une éthique ? Notre position est qu'il faut être d'accord sur certains fondamentaux pour que le débat en soit un, autrement c'est un pugilat. Considérer le débat comme un combat ou un duel est s'inscrire dans un rapport de force et de compétition duquel se dégagera un gagnant et un perdant. Pour vaincre tous les coups sont autorisés : chercher à humilier les interlocuteurs par des astuces rhétoriques minables, se servir d'outils rhétoriques abusifs, faire des attaques personnelles pour discréditer ses opposants et donner l'impression de dominer etc. Débattre naïvement sans connaitre ces procédés, c'est se condamner à se faire piéger par les tours de passepasse rhétorique des interlocuteurs mal intentionnés. Ce qui se dissimule derrière les injonctions au débat qui n'ont rien de démocratiques, c'est le culte de la force, de la démagogie et des sophismes défendu aujourd'hui par l'extrême droite. L'extrême droite prétend être pour le débat mais lorsque la situation n'est pas à son avantage politique, rhétorique et stratégique, elle n'applique pas ses grands principes, elle ne veut pas échanger des idées pour en sortir mutuellement grandit et ne se soucie guère de la vérité, elle est opportuniste et ne cherche qu'à faire gagner son camp en détruisant les camps ennemis car son idéologie se fonde sur le culte de la force : pour elle, écraser physiquement et psychologiquement un adversaire est synonyme d'avoir raison. L'extrême droite n'est pas ouverte à la critique bien qu'elle passe son temps à être elle-même très critique, elle n'utilise pas les outils d'une personne respectueuse de son interlocuteur mais des armes rhétoriques particulièrement agressives qui poussent à la joute verbale. Selon le principe d'asymétrie des idioties ou loi de Brandolini, la quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure à celle nécessaire pour les produire. Il en ressort que la désinformation a un avantage important, rétablir la vérité étant particulièrement coûteux. L'extrême droite part donc avec une longueur d'avance dans la persuasion des foules grâce à un discours simpliste. Il n'existe pas avec elle de position consensuelle sur laquelle les gens raisonnables pourraient s'entendre. On peut accepter ou refuser le débat mais on ne peut pas obliger à débattre, la liberté ne consiste pas à obliger les gens à faire ce qu'on exige d'eux.
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/l-injonction-au-debat.jpg

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