Le totalitarisme analysé par Alain de Benoist. Au passé et au présent.

Bonjour. J'ai retranscris pour la communauté Agoravox cette brève interview de Alain de Benoist sur le totalitarisme, que j'ai trouvée claire, très synthétique, au large spectre de lecture et définition de ce qu'est le totalitarisme, particulièrement pénétrante intellectuellement, et hélas je le crois devenue "un peu" nécessaire à méditer. Bon visionnage ou lecture à vous.
Et partagez, diffusez...
---- Retranscription :

X (it) :
Tu dis que les démocraties libérales sont toujours dans le risque de leur négation totalitaire. Donc, dans les démocratie libérales dans lesquelle nous vivons il est toujours possible d'un instant à l'autre ce déclic par lequel les démocraties libérales se transforment en un totalitarisme. Alain de Benoist : Oui, c'est un sujet un peu difficile évidemment. Je pense qu'on peut l'aborder de deux manières différentes. La première manière, disons, c'est une réflexion sur la notion de totalitarisme. La notion de totalitarisme a été énormément employée depuis son apparition dans les années 20 et surtout les années 30, essentiellement pour décrire les deux phénomènes qu'ont été le communisme soviétique et le national socialisme, le nazisme. Mais on a assisté depuis quelques temps à un usage je dirais inflationniste du terme totalitarisme qui aujourd'hui est employé un peu à tort et à travers comme une sorte de mot attrape tout pour définir un petit peu n'importe quoi. Et cette banalisation du terme de totalitarisme finalement le vide de son sens dans une certaine mesure ; si tout peut être totalitaire rien n'est totalitaire. Donc je crois qu'il faut revenir à un petit peu pus de rigueur concernant ce terme. Cela dit il y a deux grandes manières de définir le totalitarisme à mon sens. La première c'est par les moyens dont il use. la deuxième c'est par les fins qu'il vise ou les objectifs qu'il poursuit. Et on s'aperçoit que c'est surtout la première manière qui a été exploitée. C'est à dire, on va dire par exemple, que les régimes totalitaires ce sont des régimes qui suppriment le pluralisme des partis, qui reposent sur la mobilisation des masses par un parti unique, qui suppriment les libertés élémentaires, qui exigent l'embrigadement de la jeunesse, la suppression de la vie privée, qui emploient des méthodes de répression et de contrainte extrêmement fortes allant jusqu'à des camps de concentration le goulag eccetera, bien. Mais en réalité cette description des régimes totalitaires est un peu une description ad hoc, c'est à dire que l'on part de la réalité historique - il y a eu des régimes de ce type - on essaye d'en définir les caractéristiques, et on revient sur l'ordre des moyens. Ce n'est pas une démarche qui est sans intérêt, mais à mon avis c'est une démarche insuffisante. Car on perd de vue la finalité de tout ça ; pourquoi est ce que les régimes totalitairs mettent en oeuvre des moyens totalitaires. Pourquoi est ce qu'un certain de nombre de régimes recourrent à ce type de moyens. Ce n'est pas pour le plaisir, ou par simple perversion, ou parce que c'est plus commode - c'est d'ailleurs pas commode du tout.
Il y a une fin à cela. Et la fin, c'est de rendre la société aussi homogène que possible. Ca peut être l'objectif de faire apparaitre un homme nouveau. Mais l'objectif à mon sens, il relève de ce que j'ai appelé l'idéologie du même. Lo stesso. C'est à dire qu'il faut faire disparaitre les disparités, les différences, ce qui distingue les individus et les groupes, pour faire en sorte que on rentre dans l'ère du même ; parce que le même c'est plus transparent, c'est plus mobilisable, et c'est un idéal. A mon avis un idéal détestable mais c'est un idéal bien entendu. Il faut qu'on aille vers le même au lieu d'aller vers le divers. Il faut qu'on aille vers l'un plutôt que d'aller vers le multiple. Et c'est seulement lorsque l'on a compris que c'est cela la finalité du totalitarisme que l'on peut comprendre en quoi le totalitarisme n'est pas seulement un phénomène uniquement aberrant, circonscris étroitement dans l'histoire, mais un épisode d'un mouvement beaucoup plus ancien, beaucoup plus vaste, qui a des sources aussi bien religieuses que profanes, et qui est l'aspiration à la négation de la diversité, l'aspiration au même. Et si l'on comprend cela alors on comprend que cette aspiration au même peut éventuellemnt se passer des moyens des régimes totalitaires. Elle peut s'exprimer sous différentes formes. Et c'est là où on est renvoyés à la société actuelle. Qui de toute évidence n'est pas une société totalitaire dans l'ordre des moyens. Nous sommes en train de parler vous et moi en ce moment, nous n'avons pas à craindre d'être mis demain en prison, déportés dans un camps de concentration, eccetera. Nous sommes dans une société de surveilance, dans une société où il y a des conctraintes bien entendu, mais c'est une société qu'en même temps on décrit comme hédoniste et permissive. Donc les choses sont assez complexes. Mais cette société, on voit bien que en même temps, elle tend à éradiquer les différences. Les différences individuelles et surtout les différences collectives. Dans le vaste mouvement de mondialisation où sont enagées aujourd'hui les démocraties libérales, on voit bien que ce qui fait obstacle, ce sont les valeurs partagées particulières, les cultures populaires enracinées, les modes de vie spécifiques, et que l'idéal de transformer la planète en un immense marché exige que toutes ces différences soient petit à petit éradiquées, et que seules subsistent les petites différences individuelles insignifiantes au regard de la mise en place de c ette logique du même, gouvernée par l'idéologie dominante qu'on appele la pensée unique ainsi de suite. Alors c'est sous cet angle à mon avis, et ça c'est la deuxième approche que j'évoquais tout à l'heure, c'est sous cet angle que l'on peut déceler, dans la société où nous sommes, un penchant totalitaire. Qui n'est pas un penchant de l'ordre des moyens mais un penchant de l'ordre des fins. Et enfin, ce que l'on peut dire comme observation adjacente, c'est que cette société en place aujourd'hui, société d'inspiration libérale et individualiste, se caractérise très fondamentalement par la disparition des repères. Les gens souffrent de ne pas pouvoir avoir des contextes de sens, des repères qui leur permettent de se guider, on a l'impression que tout s'effrite, que tout se défait. Or une telle société est infiniment vulnérable, parce que étant donné qu'elle n'a plus d'armature organique, qu'il n'y a plus cette socialité qui fournissait des cadres et des repères, elle peut aisément basculer dans quelquechose qui ressemblerait alors là à un totalitarisme au sens strict. L'auteur auquel je pense en disant cela c'est Anna Harendt. Anna Harendt a bien montré comment les régimes totalitaires ont manipulé des masses qui étaient d'une part en crise bien sûr, mais aussi qui étaient des masses relativement amorphes, que l'on pouvait mobiliser, la fameuse mobilisation des masses. que l'on pouvait mobiliser d'autant mieux qu'elles n'offraient plus elles n'avaient plus en elles ces éléments de régularité organique qui pouvaient faire obstacle, qu'elles étaient devenues en quelque sorte amorphes ; et par conséquent très mobilisables. Donc, c'est un sujet qui est un peu complexe, mais il y a aujourd'hui une croyance assez répandue qu iest de dire bon la société actuelle elle est évidemment très imparfaite mais au moins elle nous prémunit contre le risque de verser dans le totalitarisme. Certains disent même il ne faut surtout pas la changer car si on la changeait on tomberait on risquerait de retomber dans les expériences totalitaires que nous avons connues dans le passé. Ca je crois que c'est un propos qui est très optimiste mais également très faux tout simplement. Les sociétés du type dans laquelle nous vivons sont au contraire très menacées de verser dans le totalitarisme, en mesure même des caractéristiques qui sont les leurs et non pas malgrès les caractéristiques qui sont les leurs. 2017, 9mns
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/Totalitarisme_De_Benoist.jpg

Source