Le fil du rasoir entre transparence, délation et diffamation : le cas MetaTV

La vidéo suivante a déjà été proposée mais elle n'est pas passée apparemment. Depuis près de 4 ans, MetaTV et son animateur Tepa, invitent de nombreuses personnalités issues d'horizons divers, invités qui ont un temps de parole qui leur permet d'exposer leurs idées sans être interrompues toutes les deux minutes. S'il peut être justifié d'avoir des réserves quant à certains d'entre eux, ce média a le mérite d'etre ouvert à tous les sujets. La Tronche en Biais avait été reçue chez Meta TV, preuve que cette dernière a l'esprit ouvert et critique au point d'accueillir des sceptiques le temps d'une émission. Bref, malgré certains invités aux propos quelque peu exotiques (de mon point de vue), je fais partie de ceux qui apprécient cette chaîne partant du principe qu'il appartient à chacun de se faire sa propre opinion quant au sérieux des discours qui y sont tenus par les invités, la fréquence de ceux-ci ne permettant pas matériellement à son animateur de tout vérifier et l'absence de contradicteur n'aidant pas toujours l'auditeur/spectateur. Re-bref comme beaucoup ici, j'ai horreur qu'on me dise ce qu'il convient de penser, ce qui relève ou non du complotisme comme se le permettent sans vergogne nos chers (au sens coûteux) médias traditionnels auto-proclamés sérieux. Du coup il est dommage de voir étalé en place publique des accusations graves de détournement de fonds associatifs et autres abus de confiance (passibles de prison ferme), accusations qui relèvent de l'organisation interne d'une association. C'est pourtant ce qu'a souhaité faire un (ou plusieurs, vu qu'il y a plusieurs conversations entre différents intervenants) de ses (ex- ?)membres dénonçant ces délits et leurs auteurs présumés (voir la vidéo). Au-delà de l'affaire, cela amène trois réflexions. La première est qu'il est étrange d'enregistrer des appels téléphoniques entre membres d'une association (à la rigueur si l'on soupçonne son expert-comptable de se livrer à des manœuvres frauduleuses, ça peut se comprendre en vue d'établir d'éventuelles preuves), mais ce qu'il l'est encore plus c'est de diffuser ces conversations. C'est surtout totalement illégal. Voici ce qu'en dit le Code Pénal : Article 226-1 du CP - Modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002 Est puni d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui : 1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ; 2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé. Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé. L'auteur de la vidéo, qui sur une chaîne qui porte le même nom que l'officielle (la marque meta tv étant enregistrée à l'INPI sous le n°4157402 par Meta Tv France, association) avec un logo très proche (à ceci près qu'il est écrit « Méthane TV » sous-titré « L'usine à gaz ») a probablement cru qu'il était, au-delà de sa responsabilité personnelle impliquée selon lui s'agissant des comptes de l'association, nécessaire de porter à l'attention des donateurs cette information. C'est plus que discutable mais passons. Reste que la forme intrigue. Entre autres, la diffusion des relevés de comptes qui ne permettent pas de conclure autre chose qu'en effet, il est étrange de voir des retraits en liquide fréquents pour une association... mais peut-être existe-t-il des pièces comptables justifiant de l'utilisation de ces retraits de caisse et ces paiements en CB ? En leur absence il est impossible de conclure quoi que ce soit sans la consultation de l'ensemble des pièces. Bref, cette "opération transparence" a de sérieuses lacunes et si je poste cette vidéo (ce que l'on pourrait me reprocher) c'est aussi pour éviter les commentaires qui fleurissent jugeant les uns ou les autres sans avoir les éléments permettant de le faire, comme notamment la personne qui a également proposé cette vidéo ici même précédemment. On pourrait aussi évoquer le timing de diffusion de cette vidéo (peu de temps à des législatives où Tepa est candidat), mais ça sentirait peut-être un peu trop la théorie du complot puisqu'en réalité elle a été diffusée... la veille du premier tour. Pas de quoi bousculer un scrutin ; en revanche de quoi se faire plaisir ? On pourrait également s'étonner du délai entre la première conversation des deux intervenants et le dépôt de plainte (presque 1 an et demi) mais là encore ce n'est pas le sujet. La deuxième c'est cette obsession de la transparence. L'auteur ici en fait régulièrement mention et c'est un sujet qui revient en permanence. Alors soyons clairs, s'agissant des deniers publics il est évident que la transparence doit être totale, que ce soit dans l'attribution de subventions accordées à certaines associations (particulièrement s'agissant d'associations dont l'utilité publique est contestable), celles attribuées à la presse, les indemnités et leur utilisation par les élus. Nous avons un grave problème à ce niveau en France et sommes loin, très loin d'un modèle comme celui des danois où la moindre dépense d'un homme politique est justifiée et consultable par tous en ligne. Maintenant s'agissant d'une association (surtout si elle ne bénéficie pas d'aides publiques), cette transparence devrait être réservée à ses membres, ses cotisants et, sur demande, à ses éventuels donateurs qui devraient avoir un droit de regard sur l'utilisation des fonds qu'ils apportent (au-delà d'un certain montant bien entendu). Troisièmement s'il y a une chose très dérangeante ici, c'est bien le règlement de compte en public. Il est apparu il y a quelques années ce phénomène de délation publique (par un mari ou une femme trompée, par des élèves « outant » un autre, le diffamant ou même le persécutant). Vous allez me dire, les corbeaux ça a toujours existé. On dénonçait son voisin, un commerçant soupçonné d'indélicatesses ou encore des gens persécutés par un régime pour leur origine, leurs pratiques intimes, par simple vengeance, jalousie ou bêtise. Mais la délation parvenait à une autorité qui avait le devoir d'en vérifier le bien-fondé. Elle ne se faisait pas publiquement, avec des milliers de gens prompts à endosser le rôle d'avocat, de procureur ou plus prosaïquement d'un membre d'une foule déversant sa bile sur l'accusé ou l'accusateur, participant au lynchage de l'un ou l'autre. Etrange comment cette ère de sur-communication a, sur fond parfois d'un bon sentiment (la transparence), débouché de plus en plus vers ce qui s'apparente à de la diffamation publique. Mais comme on ne va pas se battre contre le « progrès », et en souhaitant que tous gardent à l'esprit que des éléments manquent pour se le permettre, j'en termine avec la formule consacrée : à chacun de juger. P.S. : Objectif avoué de cet article : 0 commentaire dans le style de ceux que j'ai entendre et déjà lire ailleurs. Estimation du pourcentage de réussite : environ 0%
Voir en ligne : http://www.agoravox.tv/IMG/jpg/tepa-meta-tv.jpg

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