La magie en terre d'Islam au Moyen Âge - Conférence par J-C Coulon et J. Véronèse à l'ENC

« Ne croyez pas que vous percevrez le mystère des lettres en vous servant de la raison discursive, vous y arriverez par la vision intuitive et la grâce divine ». al Buni Présentation des intervenants (source : site enc-sorbonne.fr) Jean-Charles Coulon : Docteur de l'université Paris IV en histoire médiévale et en études arabes (2013), Jean-Charles Coulon a bénéficié d'une bourse « Aide à la mobilité internationale » pour travailler à l'Institut français du Proche-Orient, à Damas (2010-2011). Il a été chargé de collection pour le domaine arabe à la Bibliothèque universitaire des langues et civilisations (2013-2015). Il est, depuis 2015, chargé de recherche à la section arabe de l'Irht-Cnrs (Institut de recherche et d'histoire des textes). Il est directeur adjoint de la revue Arabica. Ses recherches portent sur l'histoire des sciences occultes et de la magie dans le monde musulman médiéval. Julien Véronèse : Maître de conférences à l'Université d'Orléans (EA 4710 Polen-Cesfima), il consacre l'essentiel de ses recherches aux traditions latines de magie savante et à leur réception en Occident à la fin du Moyen Âge. Après avoir édité différentes textes de magie rituelle attribués à Salomon qui se diffusent à compter du xiie siècle (Ars notoria, 2007 ; Almandal/Almadel, 2012), il emploie actuellement une année de délégation à l'Irht (Cnrs) à l'étude du thème de l'invocation et de la conjuration des démons en Occident aux xive et xve siècles, entre « nigromancie » et exorcisme canonique. Introduction Encore aujourd'hui la magie est omniprésente en Islam. Il suffit de fréquenter quelques forums pour réaliser à quel point le croyant y fait appel pour tout... et n'importe quoi oserais-je ajouter. Mais quelles sont ses sources ? Quelle est son histoire ? Jean-Charles Coulon, auteur d'une thèse unanimement saluée pour sa haute qualité montre « comment les traditions magiques arabes se sont adaptées à l'évolution des sciences promues par les hautes sphères du pouvoir tout au long du Moyen Âge. ». Découpage temporel de cette conférence/débat et quelques explications

  1. 00:00 : Présentation de l'ouvrage de Jean-Charles Coulon (JCC) « La magie en terre d'Islam au Moyen-Age »
  2. 04:40 : Début de l'intervention de JCC, remerciements, etc.
  3. 05:50 : Présentation de la thèse : les toutes premières études anthropologiques et ethnographiques de la magie en Islam datent seulement de 1900-1910. JCC nous présente ici les tous premiers livres consacrés à ce thème, leur contexte et leurs limites.
  4. 09:03 : Les trois plus anciennes sources s'agissant de la magie en Islam.
  5. 12:27 : L'impossible définition de ce qu'est la « magie » en terre d'Islam. La S2-V102 du coran évoque les deux anges déchus Harout et Marout qui auraient enseigné la magie aux hommes. Deux définitions se sont développées en même temps : cette première (l'origine maléfique de cet enseignement selon la tradition) d'ordre théologique et une deuxième définition d'ordre philosophique : ce qui est caché à la plupart des êtres et dont la découverte est difficile. De là découlent deux interprétations : une magie destinée à éloigner le croyant de Dieu, un sihr (magie) fausse menant à l'association, la mécréance, la débauche (la fornication, consommation d'alcool, etc) et un sihr halal (licite) menant au savoir, à la sagesse, etc.

Selon le compilateur Tashkopruzade (mort en 1561), le sihr comporte 14 « sciences » que présente ici le conférencier. Mais certaines de sous-disciplines, comme la Rouquia, furent elles-mêmes présentées de manière négative par certains exégètes très tôt (8ième siècle). D'autres hadiths, à partir de témoignage de guérison d'un des compagnons de Mahomet, présentent au contraire celle-ci de manière positive. Un autre hadith prétend que, par la Rouquia, Mahomet lui-même pouvait soulager des pustules, du venin de serpent, etc. Bref, en fonction des conditions dans lesquelles est pratiquée la Rouquia, elle est associée à de la mécréance ou bien est jugée licite.

  1. 23:54 : Comment s'est développée la magie ? La magie astrale a des prémices sous les Omeyyades (661 – 750) mais fut surtout développée sous les premiers califes Abbassides aux 8ième et 9ième siècles. Retour sur l'intérêt de ces derniers, traductions, arabisation (appropriation) des connaissances astrales, botaniques, etc. des connaissances greques, égyptiennes, mésopotamiennes, indiennes. La magie astrale atteint son apogée au 10ième siècle. Plus tardivement (milieu du 9ième – 12ième siècle) une autre forme de sihr se développe : la »magie coranique » (ou « soufisme opératif »). Elle repose sur le décodage de la parole prétendument divine, de sa grammaire permettant d'agir sur la création et le monde. Cette deuxième source (soufi) aura une très grande influence au Maghreb
  2. 33:55 : Présentation d'al Buni, des sources de son traité, des écrits qui lui sont attribuables ou non, de la postérité de celui-ci chez les Mamelouks notamment avec une utilisation de celui-ci par Abd al Rhaman al Bistami (15ième siècle) au travers des noms divins. C'est ce dernier qui va donner à l'oeuvre d'al Buni un caractère magique qui n'existait pas chez ce dernier. L'auteur livre plusieurs exemples de carrés magiques d'époque, avec la correspondance entre lettres arabes, signes du zodiaque, etc.
  3. 40:25 : Conclusion de l'auteur : différence entre le sihr et la simiya (« science opérative des lettres ») dont l'oeuvre d'al Buni relève. JCC rappelle ici deux grandes phases, celle des Abbassides (8-10ième siècle) où le mécénat des califes se focalise sur cette sagesse universelle, avec une abondance de traductions de l'héritage antique. Une deuxième phase se situe entre le 13ième et 15ième siècle où véritablement la simiya prend sa dimension actuelle
  4. 43:40 : Début de l'intervention de Julien Véronèse (JC)
  5. 45:50 : Les passerelles entre chrétienneté latine et tradition arabo-musulmane, la dernière étant bien davantage documentée. Les textes datent au mieux du 12ième siècle s'agissant de l'étude de la magie savante occidentale. Avant cela, on connait une « traditon commune » à visée thérapeutique ou de défense, sans réel fondement théorique où se mêlent des éléments de la liturgie chrétienne. Ces charmes et incantations circulent essentiellement en latin. L'intervenant revient sur la quantification de l'apport des textes arabes de magie astrale traduits en latin. Une étude comparative de textes arabes/latins montre l'expurgation des références arabes dans les deuxièmes. Une partie de la magie astrale occidentale n'a néanmoins pas de source arabe.
  6. 53:48 : Les différences s'agissant des frontières entre science et magie et entre religion et magie dans le contexte arabe (où cette frontière n'existe pas) et latin. Dans le monde médiéval occidental (du 12ième au 14ième), cette frontière entre sciences et magie est elle aussi trouble et peut se résumer au rejet par les ecclésiastiques d'un certain nombre de pratiques occultes considérées comme relevant de la superstition, puis à partir du 14ième considérées comme relevant de l'hérésie. Cette censure des pratiques ésotérique relève surtout des théologiens et non de la papauté, nous explique JC.
  7. 1:02:45 : Les difficultés des historiens de la magie médiévale
  8. 1:07:25 : Evocation de ces mêmes difficultés de l'historien s'agissant de la magie arabe par JCC.
  9. 1:08:10 :Les questions du public

Pour aller plus loin : le blog https://djinns.hypotheses.org Source : http://www.enc-sorbonne.fr/fr/actualite/magie-terre-islam-au-moyen-age et chaîne YT de l'ENC
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/magie-islam-moyen-age.jpg

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