Source : Proche & Moyen Orient, Richard Labévière, 08-01-2018
Mi-novembre 2017, une équipe de la télévision américaine CNN assiste à une vente d’êtres humains, quelque part en Libye non loin de la capitale Tripoli. En l’espace de quelques minutes est filmée la mise à prix d’une douzaine de migrants, cédés par des passeurs pour des sommes variant entre 500 et 700 dinars libyens (jusqu’à 435 euros). Avec stupeur et indignation, l’opinion internationale redécouvre l’horreur de l’esclavage, comme si cette pratique d’un autre âge avait définitivement disparu. Pleuvent alors les habituelles litanies : horreur et damnation, plus jamais ça ! etc., etc…
Depuis des années pourtant, des reporters courageux dénoncent des situations d’esclavage qui perdurent notamment en Mauritanie, au Soudan, en Arabie saoudite, au Qatar et parfois jusqu’au cœur des capitales occidentales, mais sans vraiment susciter beaucoup d’intérêt. Encore moins d’indignation face aux différentes formes d’esclavage moderne qui prolifèrent sur la dépouille des services publics et plus généralement d’un salariat devenu archaïque : travail intérimaire, stages, CDD, bénévolats et autres ubérisations de la plupart des tâches et fonctions humaines numérisées, algorithmées, traçables et sous contrôle !
Esclavage en Libye ! Le scandale fait la une de la grande presse internationale avant d’être absorbé par la bûche de Noël et la galette des Rois. Sont toutefois réactivés les poncifs récurrents : c’est la faute de la colonisation, de l’Union européenne, voire plus largement de l’Homme blanc… Heureusement quelques consciences lucides, comme l’écrivain sénégalais Felwine Sarr et le philosophe camerounais Achille Mbembe, rappellent les Africains et les Etats africains à leurs responsabilités1. D’une manière plus large, une idée ne serait elle pas de convoquer une conférence internationale tripartite – Union africaine, Ligue arabe et Union européenne – sous l’égide des Nations unies pour remonter aux causes – aux vraies causes – de la crise migratoire actuelle. En effet, il ne suffit pas de décréter des quotas, de verser de l’argent aux mafias de passeurs et de fustiger l’égoïsme des Hongrois, Polonais et autres Autrichiens pour instaurer une politique efficace visant à gérer des déplacements de millions de personnes !
Se rappeler que de tels problèmes n’existaient pas du temps de Mouammar Kadhafi n’est pas qu’une évidence et donne partiellement raison aux pourfendeurs de l’Occident. Au printemps 2011, avec l’aval des Etats-Unis, Nicolas Sarkozy et David Cameron ont décidé de faire une guerre à la Libye à des fins humanitaires , en fait pour soutenir un changement de gouvernement. Sur la base de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations unies, ils se sont ingérés dans une guerre civile opposant des factions de Cyrénaïque – armées notamment par l’Egypte – aux forces gouvernementales afin de renverser Mouammar Kadhafi. Adoptée le 17 mars 2011, la résolution 1973 instaurait une zone d’exclusion aérienne et une aide aux populations civiles, mais n’autorisait certes pas à changer le régime de ce pays pivot entre l’Algérie, l’Egypte et la bande sahélo-saharienne.Lire la suite
Source