Source : Truthdig, Chris Hedges, 15-12-2019
Mr. Fish / Truthdig
La finance mondiale a pris le contrôle des économies de la plupart des États-nations. Les citoyens observent, impuissants, le transfert d’argent et de biens sans grande régulation à travers les frontières. Ils regardent comment les emplois dans le secteur manufacturier et les professions libérales sont délocalisés vers les régions du Sud où la plupart des travailleurs sont payés un dollar ou moins de l’heure et ne bénéficient d’aucun avantage. Ils voient les impôts des riches et des sociétés bénéficier d’abattements, souvent jusqu’à zéro. Ils regardent les programmes d’austérité démanteler ou privatiser les services publics et les services sociaux de première nécessité, ce qui fait grimper les frais pour les usagers. Ils voient le chômage et le sous-emploi chroniques écraser les travailleurs, surtout les jeunes. Ils voient les salaires stagner ou diminuer, laissant les travailleurs et travailleuses avec des dettes insoutenables. Cette tyrannie économique est à l’origine des troubles à Hong Kong, en Inde, au Chili, en France, en Iran, en Irak et au Liban ainsi que de la montée des démagogues de droite et des faux prophètes tels que le Premier ministre britannique Boris Johnson, le Président Donald Trump et le Premier ministre indien Narendra Modi.
Peu importe que les libéraux ou les conservateurs, les Tories ou les travaillistes, les républicains ou les démocrates soient au pouvoir. Le capital financier est imperméable au contrôle politique. En adoptant une position neutre sur le Brexit lors des élections, le parti travailliste nouvellement battu en Grande-Bretagne a mal interprété l’esprit du temps. Certes, son chef, Jeremy Corbyn, a dû faire face à des avertissements hystériques d’effondrement économique et a enduré une campagne de dénigrement – amplifiée par un média qui a lancé les accusations de ses adversaires conservateurs – qui comprenait des allégations selon lesquelles il était une menace pour la sécurité nationale et un antisémite, mais son incapacité et celle du Parti travailliste à comprendre à quel point les travailleurs étaient désespérés de trouver une solution, même une solution issue d’une pensée magique sur la promesse du Brexit, était une erreur. Le Brexit n’est pas une alternative réaliste à la tyrannie économique. Mais il offre au moins un espoir, même infondé, de briser les liens du pouvoir des entreprises. Il se présente comme une arme dans la guerre entre les initiés et les outsiders. Que cet espoir désespéré des outsiders soit colporté par des escrocs et des charlatans tels que Johnson et Trump fait partie de la maladie de notre époque, un écho des distorsions économiques et du populisme de droite qui ont vu les fascistes monter au pouvoir en Italie et en Allemagne dans la première partie du 20e siècle.
Goldman Sachs, JPMorgan Chase, Citibank, Exxon Mobile, Walmart, Apple et Amazon sont les versions modernes de l’East India Company ou de la Compagnie Française de l’Orient et de la Chine. Ces sociétés et d’autres parmi les sociétés mondiales d’aujourd’hui, avec l’aide de la Banque mondiale, de l’Organisation mondiale du commerce et du Fonds monétaire international, ont créé des monopoles inattaquables et ont effectivement évidé de nombreux États-nations, tant physiquement que culturellement. Les friches urbaines abandonnées, peuplées de personnes cruellement dépossédées, sont aussi courantes en France ou en Grande-Bretagne que dans la Rust Belt [en français : « ceinture de la rouille »), est le surnom d’une région industrielle du nord-est des États-Unis. Elle est nommée jusque dans les années 1970 la Manufacturing Belt (« ceinture des usines ») ; ce changement d’appellation est dû à l’évolution économique de la région, Wikipedia – NdT] américaine. Les gouvernements, prisonniers du contrôle des entreprises, ont été prostitués pour transférer la richesse vers le haut, gonfler les profits des entreprises et écraser la dissidence aux dépens de la démocratie.Lire la suite
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