Journalistes en guerre contre le péril jaune, par Bertrand Rothé et Jacques-Marie Bourget

Certains pensent que les gilets jaunes votent FN, d’autres sont plus nuancés et expliquent autrement la montée du RN.
L’un des intérêts de la révolte qui gronde, et il n’est pas mineur, est d’avoir escamoté un masque. Jusqu’au 17 novembre, premier Episode des Gilets jaunes, sur les écrans de télévision, ou derrière les micros, les commentateurs, reporters, correspondants nous étaient présentés comme des « journalistes ». Alors que le plus souvent, en bons chiens de garde, ils répétaient seulement les éléments de langage transmis par la Place Bauveau. Elle-même dressée, instruite et respectueuse des impératifs des maîtres, c’est-à-dire tout mettre en œuvre pour tenir le rythme de leurs extravagants profits…
Revenons à l’intérêt médiatique de la rébellion. Celui que nous venons d’évoquer. Subitement, sans doute jugée pas assez pugnace, l’armada des bavards menteurs et autres porteurs de micros a soudain été remplacée sur les antennes par de vrais flics. Depuis le 17 novembre, pas un écran pas une oreille n’échappe aux commentaires du policier-expert, de l’expert-policier ou de l’expert-expert. D’hommes et de femmes, cartes de flics dans le sac à main pour lesquels le matraquage ne s’opère plus avec des bâtons, mais avec des mots. Le « story telling » de l’ordre, pas forcément républicain. Saluons donc cette réforme audiovisuelle subreptice, elle a l’avantage d’installer l’authentique contre la copie, le vrai policier contre l’imité.
En Mai 68, par des affiches collées sur les murs en révolte, les citoyens avaient été prévenus : « ORTF : tous les soirs la police vous parle ». Un conseil d’ami comparable à celui aujourd’hui imprimé sur les paquets de cigarettes : « Attention fumer tue ».
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