Immigrants... le cas italien Une vieille histoire « Au large flibustier !... Hors de ma vue gibier de potence !..., Sapajou !... Marchand de tapis !... Paranoïaque !... Moule à gaufres !... Cannibale !... ». En 1958, Hergé sortait « Coke en Stock », la suite des aventures de Tintin. Il y avait déjà dans cette bande dessinée chorale pour les tintinophiles le résumé d'une réalité très ancienne : le trafic d'êtres humains. Le Capitaine Haddock, à bord de la Ramona dont les cales regorgeaient d'esclaves Noirs, expulsa sans ménagement du pont un marchand d'esclave Arabe l'insultant copieusement dés qu'il compris ses intentions. Et alors que le bateau des négriers s'éloignait, il s'égosilla encore à l'aide d'un mégaphone « Pirate ! Ectoplasme ! Coloquinte ! Rapace ! » jusqu'à finir littéralement exténué. Près de 60 ans plus tard on assiste peu ou prou à la même chose. Des Africains Noirs devenus marchandise pour des négriers arabes et noirs. L'OIM dénonçait en avril 2017 l'existence de marchés aux esclaves en Libye du sud-ouest, marchés tenus par des Libyens aidés de Ghanéens et Nigérians, esclavage dénoncé plus largement en cette fin d'année fort hypocritement (l'esclavage est encore pratiqué dans de nombreux pays). Othman Belbeisi : “En allant sur ce marché, vous pouvez acheter pour 200 à 500 euros un migrant qui vous aidera chaque jour dans votre travail… Une fois achetée, cette personne vous est remise et elle passe sous votre responsabilité. Beaucoup s'enfuient, beaucoup sont maintenus attachés alors que d'autres sont prisonniers dans l'espace où chaque jour, ils sont forcés de travailler.” Chronologie Rappelons d'abord le lien historique (au-delà de la proximité géographique) entre Italie et Libye (30 ans de colonisation), lien qui reste discret bien que prépondérant dans la diplomatie Italienne et la crise des immigrants, de même que le lien économique (l'Italie étant le premier client et fournisseur des Libyens, sous Kadhafi du moins). Lors d'un traité signé entre Berlusconi et Khadafi en 2008, l'Italie s'était alors engagée à verser 5 milliards d'euro de dédommagement sous forme d'investissements pour solder la colonisation, en échange de quoi la Libye s'engageait à lutter contre l'immigration clandestine. En 2015, c'est le début de la fameuse (((crise des migrants))). Mais la route empruntée cette année est majoritairement celle de la Grèce et des Balkans. L'Italie n'aura que quelques milliers d'individus à gérer, des Albanais notamment, l'immigration d'Europe centrale et du sud étant ancienne. En 2016 avec l'accord signé avec la Turquie (en mars), le nombre d'immigrants clandestins global chute. Mais c'est l'Italie qui connaît un report massif de ces arrivées sur son territoire avec plus de 180 000 entrées à elle-seule cette même année (environ 150 000 en 2015), sur un total officiel de 387 739 entrées en Europe sur 2016. Ce pays est donc devenu LA porte d'entrée de l'Europe et le phénomène ne s'est pas arrêté en 2017, loin s'en faut. Quelques chiffres qui en disent long : Rien que pour la semaine du 23 au 29 juin 2017, selon les chiffres de l'IOM, l'Italie a accueilli 11 086 immigrants (le double de la semaine précédente). En deux semaines l'Italie a accueilli la moitié de ce qu'elle a eu à gérer lors du premier trimestre 2017, soit 24 293 personnes (sur un total européen de 30 465). On le voit, c'est l'Italie qui a supporté à elle-seule 75% de cette immigration. En 2017 178 277 immigrants sont arrivés en Italie. En 3 ans, l'Italie a pris en charge 700 000 personnes, qui certes, ne restent pas nécessairement en Italie mais qui provoquent une très forte tension. En 2018, les chiffres ont encore chuté et se sont équilibrés désormais entre Grèce, Espagne et Italie. Au premier semestre 2018, 14 330 nouveaux arrivants (exclusivement par voie maritime) sur un total de 44 570. Les chiffres sont donc très clairement en baisse mais l'accumulation des difficultés, les violences et les crimes sordides commis ont fait exploser les Italiens. Celui de Pamela Mastropietro, 18 ans, violée, poignardée, écorchée vive et démembrée par un dealer Nigérian demandeur d'asile et ses présumés complices va mettre la péninsule en ébullition. Basta cosi ! Autre différence entre Grèce, Italie et Espagne : l'origine des immigrants. Pour l'Italie (Tunisie, Érythrée, Nigéria, Soudan, Côte d'Ivoire) et l'Espagne (Afrique sub-saharienne, Maroc, Guinée, Mali...) c'est clairement l'Afrique. Pour la Grèce, c'est un mélange de Moyen-Orient (Syrie, Irak, Afghanistan) et d'Afrique (Cameroun, RD de Congo, etc.). 2017, l'année charnière L'Italie était avec la Grèce, l'une des principales portes d'entrée de l'Europe pour l'immigration clandestine. Depuis la fermeture de l'axe balkanique elle est devenue au premier semestre 2016 quasiment la seule, sa situation de péninsule rendant la surveillance de ses côtes très complexe depuis toujours. L'Italie est depuis longtemps une terre où l'immigration clandestine est nombreuse et suscitant des débats quant à la criminalité qu'elle implique. A cette immigration clandestine classique (Roumains, Albanais, pays de l'Est, roms), s'est ajoutée une autre, venue d'Afrique du nord, puis plus récemment encore d'Afrique noire et en partance des côtes libyennes en raison du chaos qui règne dans ce pays. La route Libye-Italie a concerné quasiment exclusivement l'immigration clandestine africaine en 2016-2017. La route via la Libye étant très dangereuse, on assiste à un report de cette immigration sur le Maroc, avec comme destination l'Espagne. A l'été 2017 c'était par milliers parfois (et même davantage) que chaque jour de nouveaux rafiots remplis à ras bord étaient secourus au large des côtes libyennes quand ce n'était pas directement dans les eaux territoriales de ce pays. Face à l'ampleur du phénomène les autorités italiennes sont allés jusqu'à menacer de fermer leurs ports à tous les navires étrangers si rien n'était fait en Europe, menace qui a été mise à l'œuvre avec le cas récent de l'Aquarius. Marco Minniti, le Ministre de l'Intérieur, parlait alors « d'une énorme pression » pour les ports italiens. Il expliquait : « Si les seuls ports vers lesquels les réfugiés sont acheminés sont les ports italiens, cela ne marche pas. C'est le coeur de la question. Je suis un europhile et je serais fier si même un seul bateau, au lieu d'arriver en Italie, allait dans un autre port. Cela ne résoudrait pas le problème de l'Italie mais ce serait un signal extraordinaire. » Rappelons aussi que lorsque des personnes en péril sont secourues en mer, la loi est qu'elles doivent être accompagnées dans le port le plus proche. Théoriquement il devrait donc s'agir de Malte, mais la petite île explose déjà sous le nombre. Alors pendant très longtemps les bateaux se dirigeaient vers les ports italiens (Messine, Vibo Valentia, Palerme, Reggio de Calabre, Trapani, Brindisi, Porto Empedocle). Nous étions choqués à plusieurs titres de Calais et ses bidonvilles (que ce soit de l'existence même de ce bidonville pendant des années ou du laxisme des autorités anglaises et françaises) mais la même chose se produit à Vintimille à la frontière franco-italienne. On l'appelle le « calais italien ». Mais pire encore le cas de Castel Volturno (région de Naples) où plus de la moitié de la population est désormais composée d'immigrés et où la mafia nigériane contrôle désormais la ville. Et cela fait des années que cela dure. Déjà en 2014, des affrontements se déroulaient à Portopalo (Sicile) : Une vidéo d'une question posée à l'Assemblée Nationale française qui illustre aussi la problématique : Le torchon brûle entre la France et l'Italie, mais pas seulement... M. Salvini, responsable de la Ligue, a frappé du point sur la table : « Sauver des vies est un devoir, transformer l'Italie en un énorme camp de réfugiés, non. L'Italie en a fini de courber l'échine et d'obéir, cette fois il y a quelqu'un qui dit non ». En clair ce qui est reproché à la France c'est son hypocrisie, ses déclarations d'intention en contradiction avec ses actions. Notre presse aux ordres a beau fustiger la nouvelle coalition italienne populiste (et "d'extrême-droite" bien entendu), la réalité est que ce n'est pas nouveau. Le 27 juin 2017, 150 immigrants qui avaient pénétré illégalement sur le sol français par Vintimille ont été raccompagnés en Italie. Cela a déclenché la colère de Marco Minniti : « Nous ne pouvons plus tolérer ces changements de stratégie » . Considéré comme un espoir pour les Italiens notre Président jupitérien est passé du statut du petit Mozart de la politique européenne au titre peu enviable de « normal ». J'avais évoqué précédemment le cas autrichien mais, signe de la tension croissante, un point de passage stratégique entre ces deux pays a vu se dresser une barrière métallique. En 2016 des manifestants, communistes, no-borders avaient contesté à de multiples reprises la construction de cette barrière sur le col de Brenner, donnant lieu à de violentes manifestations. Mais face à la fermeture de la route des Balkans, face au manque de contrôle des italiens, l'Autriche a décidé de verrouiller sa frontière. Fin juillet 2017, le ministre des affaires étrangères autrichien (farouchement opposé à la politique de Merkel en matière d'ouverture totale des frontières d'il y a 2 ans) était monté au créneau. Sébastien Kurtz avait déclaré : « Nous espérons que soit mis fin au transfert régulier des migrants illégaux entre les îles italiennes comme Lampedusa et le continent italien ». « Permettre de poursuivre leur route vers le Nord, n'a pas uniquement pour conséquence de mettre sous pression l'Europe centrale, mais aussi d'inciter de nouveaux migrants au départ, de faire gagner plus d'argent aux trafiquants et d'augmenter le nombre de naufrages ». « Les missions de secours en mer de migrants ne doivent plus être considérées comme un ticket pour l'Europe centrale ». Un reportage de France24 : On peut aussi signaler qu'en Italie, c'est sous la pression d'élus locaux et leurs administrés que le camp de Vintimille a été démantelé mais face au problème qui ne pourra jamais être réglé car sans cesse alimenté en nouveaux arrivants un camp officiel a néanmoins vu le jour en juillet 2016, sans aucune limite de taille. Fiammetta Cogliolo, attachée de presse de la Croix-Rouge commentait alors : « Nous avons eu des instructions de la préfecture d'Imperia pour accueillir tous ceux qui veulent, sans limite numérique. Des travaux sont en cours pour ajouter 20 préfabriqués et arriver à 500 places (contre 360) et des tentes seront aussi montées en cas de nécessité ». Les immigrants ont été répartis entre ce camp, une église et des camps à ciel ouverts improvisés. Leur recensement est impossible. L'Europe, coupable ? C'est la France de Sarkozy sous l'impulsion du va-t-en guerre BHL qui a détruit ce pays pour des raisons que la justice parviendra peut-être à éclaircir. En même temps ce ne sont pas des Français qui réduisent en esclavage les Noirs en Libye. La LDNA a fait hier une opération à la statue de Jeanne d'Arc pour dénoncer la responsabilité du « pays de Jeanne d'Arc ».Nous sommes d'accords avec eux sur le fait que les responsables doivent être jugés mais ne pouvons que constater également que ces jeunes ne s'estiment pas Français : ils disent « la France, vous êtes responsables ». Comprendre qu'ils ne s'incluent pas dans la France eux-mêmes. En mai 2017, Marco Minneti s'est rendu à Tripoli, visite qu'il qualifia lui-même d'« étape importante pour contrôler l'intégrité de la frontière maritime en Libye, en vue de mettre fin à la mort d'immigrants en Méditerranée ». Le gouvernement italien a alors sévi :
- En imposant un code de conduite aux ONG
- En exigeant que d'autres pays européens ouvrent leurs ports aux bateaux chargés d'immigrants secourus en mer, allant jusqu'à menacer de fournir des visas Schengen à tous les immigrants
- En agissant pour limiter l'afflux de populations : par exemple en obtenant des tribus libyennes qui dégagent d'importants profits de ce trafic qu'elles changent de modèle économique, en faisant en sorte que les bateaux des ONG cessent leur activité aux abords des côtes libyennes, que les gardes-côtes libyens prennent part à l'interception des embarcations avant qu'elles n'atteignent les eaux internationales
L'accord de Tripoli a permis une coopération entre garde-côtes libyens et bâtiments militaires italiens avant de limiter les passages de bateaux clandestins. Cela explique une chute notable de l'immigration clandestine depuis la Libye durant quelques semaines alors même que la crise fut paroxystique fin juin 2017. Conclusion Majoritairement, les pays d'origine des immigrants, pour ce qui est de l'Europe, ne sont pas en guerre. Ces migrations sont économiques ce que même l'UE admet. On peut toujours rejeter la faute sur les européens, sur le manque de moyens mais comment continuer d'ignorer les horreurs commises en Afrique, que ce soit par des régimes génocidaires comme celui du Général Omar Al-Bashir au Soudan (qui a inscrit dans la loi la lapidation, l'amputation et autres dispositifs de la charia et a fait près de deux millions de morts et des millions de déplacés) ou par des islamo-mafieux locaux ? Signalons également que la ligue arabe et l'union africaine refusent d'appliquer le mandat d'arrêt émis par la Cour pénale internationale à l'encontre d'Al-Bashir, par ailleurs accusé d'avoir détourné 9 milliards de dollars. Comme au Soudan, les dirigeants de nombre de pays africains d'où partent ces populations s'enrichissent outrageusement sur le dos de leurs populations, que ce soit en Gambie, au Nigéria où la corruption est colossale ou ailleurs. La corruption, les guerres inter-ethniques, l'oppression des islamistes en Somalie, la dictature en Érythrée et puis la misère sur un continent incapable de se prendre en charge, de réguler sa population, de la nourrir, d'instaurer la paix. Voilà ce qui fait que ces gens prennent tous les risques. L'été 2017 fut un moment de crise européenne majeur impliquant l'Italie. Dans un article de La Republica du 9 août 2017, le journal déplorait que la crise des immigrants avait fait perdre tout sens commun (jusqu'à la gauche) à la population et aux dirigeants italiens et l'accusation (de complicité avec les passeurs, d'organiser l'invasion avec financement de certains oligarques dont un bien connu, etc.) portée à l'encontre des ONG relevait d'une « inversion morale ». La crise migratoire était et est toujours en tête des préoccupations, devant le chômage, au point d'inverser le sens moral où les (bons) sentiments humanistes se retrouvent derrière « une interprétation égoïste du sentiment national ». Ezio Mauri conclut : « Ce qui se décide ici, en ce moment, c'est la question de savoir si les nantis de ce monde (riches de droits et de prospérité) peuvent se désolidariser définitivement des miséreux de la planète, simplement parce qu'ils n'en ont plus besoin. Ou si, même après la crise, subsiste un peu de ce lien (politique et pas seulement humanitaire) qui, face aux inégalités du sort, consiste à réunir les perdants et les gagnants de la mondialisation, et à leur chercher un avenir commun. ». Les italiens (les européens) seraient des nantis... ces humanistes oubliant au passage que l'immigration clandestine d'une manière générale se concentre dans des zones urbaines déjà en difficulté. En Italie comme en France, le sujet, comme partout, divise et souvent de manière radicale : il y a les radicalement pour, et les radicalement opposés. Même son de cloche / de minaret du côté du Maire Leoluca Orlando (démocrate-chrétien de gauche), Maire de Palerme : « L'avenir a deux noms : Google et Ali l'immigré. Google exprime la connexion virtuelle et Palerme est aujourd'hui la ville la mieux câblée et informatisée de toute la Méditerranée. Ali le migrant représente la connexion humaine. Nous voulons être une ville accueillante et moderne. ». « Depuis que je suis maire et que la mafia ne gouverne plus la ville, une chose extrêmement belle est arrivée : nous avons été envahis par les immigrés. ». Tout est dit. Le Maire oublie juste de préciser que comme à Castel Volturno, la mafia nigériane gère (très probablement avec l'accord et pour le compte de la Cosa Nostra) le trafic de drogue et les centaines de prostituées nigérianes, prostitution que l'on retrouve partout en Italie et dans le reste de l'Europe : Quand le Président de France Terre d'Asile explique que la crise est derrière nous, le déni des réalités se poursuit : les migrations ne sont pas prêtes de s'arrêter. 2018 est juste une année de pause. Eu égard à la catastrophe écologique qui est déjà en cours, aux inégalités profondes qui subsistent entre Nord et Sud, à la démographie incontrôlée dans certains pays, la corruption, le sale boulot de certaines ONG, l'instabilité politique... La réponse ne pourra être que globale et passera nécessairement par une profonde remise en question générale, mais il est peu probable que les élites l'entendent ainsi. Les populations, italiennes comme celles d'Autriche, des pays de l'est et du centre n'accepteront probablement pas de voir transformées des nations qui ont mis parfois des siècles à se bâtir en camps de réfugiés géants. L'Aquarius est donc une goutte d'eau dans l'océan des masses candidates au non-eldorado européen. Encore récemment un autre navire des garde-côtes italiens avec plus de 900 d'immigrants a débarqué dans le port sicilien de Catane : 800 seront répartis ailleurs en Italie. Plus que 40 millions dirait Jacquot...
Voir en ligne : https://www.agoravox.tv/IMG/jpg/italie-migrants.jpg