Le Face-à-face entre Hubert Védrine (ancien ministre des Affaires étrangères) et Eric Zemmour, sur les thèmes suivants : Guerre en Syrie, Erdogan, Migrants, Europe, Islam, Conflit de civilisations... Stéphane Garnier — Eric Zemmour VS Hubert Védrine : Le Face A Face (FACE À L'INFO DU 05/03/2020)
HV : Hubert Védrine (ancien ministre des Affaires étrangères, essayiste) EZ : Eric Zemmour (journaliste, essayiste) Guerre en syrie : le pire est à venir ? EZ : La Russie et la Turquie, des pays qui savent ce qu'ils veulent. HV : L'Europe a de bons sentiments mais elle est fragile et indécise EZ : Russie et Turquie, des Etats-Nations qui jouent sur les rapports de force (comme au 19ème siècle).
Les européens sont perdus, complètement à côté de la plaque. Erdogan : le nouveau Calife turc ? EZ : "L'immigration c'est la guerre." La Turquie est spécialiste de ce genre de situation (Grèce, Anatolie.. aujourd'hui au nord de la Syrie et "en Europe ils veulent également envoyer une population musulmane"). Ils profitent d'un humanisme béat, qui est un humanitarisme... Erdogan ne se cache pas... "Il leur a vraiment dit : envahissez et colonisez l'Europe chrétienne." Migrants : l'erreur stratégique de l'Europe ? HV : Naïveté européenne de ne pas s'être préoccupée des frontières externes.
Rappelle que les idéaux européens sont magnifiques. EZ : plutôt un suicide collectif... HV : C'est une vision de l'Europe trop caricaturale, trop négative.
Les mouvements migratoires ce n'est pas forcément la guerre... ils peuvent être très bénéfiques (...) ça dépend comment, ça dépend du rythme, ça dépend de la proportion... EZ : l'immigration peut être un bienfait quand : 1) elle est désirée par les peuples qui accueillent et 2) quand les immigrés qui arrivent ont une vraie volonté d'assimilation au peuple dans lequel ils veulent vivre... Sinon ça s'appelle une invasion et une colonisation. (émeutes en Grèce, révolte des migrants... "Vous appelez ça comment sinon une guerre ?") Erdogan : la menace de "millions" de migrants EZ : "l'Europe elle n'est pas naïve, elle a décidé qu'elle sortait de l'histoire, et que elle veut d'abord désintégrer les nations qui sont à l'intérieur, et ensuite imposer un monde sans nations... un monde uniquement d'individus et de grandes structures mondiales. Et c'est ce monde qui est en train d'éclater." Migrants : de la guerre aux portes de l'Europe HV : Vous caricaturez l'état d'esprit des dirigeants et des peuples européens.
L'union fait la force, malgré tout. EZ : "La fausse union fait la faiblesse." L'Europe trop faible face au risque migratoire ? HV : Il faut accepter l'idée que l'Europe devienne une puissance. Sur la question migratoire, je crois à une cogestion des pays de départ et de transit. EZ : "Seule la Hongrie a défendu les frontières de l'Europe." "Pour moi, je pense vraiment que nous vivons un moment historique, qui est la mort de l'Europe... si elle ne renonce pas à ses principes humanitaires. Je pense qu'il va falloir choisir entre nos principes humanitaires et la survie de la population d'origine de l'Europe. Nous en sommes là. Je pense que la démographie fait l'histoire. (...) Si l'Europe ne refuse pas tout migrant, et en particulier tout migrant musulman, je pense que c'est une catastrophe pour l'Europe. L'Europe est au bord du collapsus et de la désagrégation. Et je pense que les peuples l'ont compris..." HV : "On n'a pas à renoncer à nos principes humanitaires."
"Ce qui est humanitaire, dans le bon sens, c'est d'aider les pays d'où ils partent (...)
Il faut qu'ils restent dans leur pays, tous ces gens qui sont jeunes, dynamiques, entreprenant, courageux..."
"L'approche humanitaire, c'est de permettre à ces gens de vivre correctement chez eux." Migrants : à quoi joue Recep Tayyip Erdogan ? HV : il veut reconstituer une puissance.
"Il veut empêcher l'autonomie kurde ; c'est son obsession (...) ça passe par des alliances qui peuvent changer tous les quinze jours..."
"Il pense qu'il a un pouvoir de chantage énorme" (sortir de l'OTAN).
"Nous devons savoir ce que nous voulons face à lui." Erdogan : le nouveau Calife turc ? EZ : "Erdogan, à la fois c'est un frère musulman, un islamiste, et deuxièmement c'est un néo-ottoman qui rêve de reconstituer l'empire ottoman (...) Il veut étendre à la fois l'islam et l'empire ottoman (...) C'est pour ça qu'il a soutenu jusqu'en 2015 Daesh. Il faut rappeler quand même que la Turquie était la base arrière de Daesh. (...) Excusez-moi, je ne comprends pas pourquoi la Turquie est encore dans l'OTAN. Je ne comprends pas pourquoi l'OTAN existe encore. (...) La Turquie n'a plus de raison d'être l'alliée des occidentaux (...) Avec la Russie ça va mal aller... Ils sont condamnés à s'affronter. (...) Je ne comprends pas pourquoi on ne veut pas admettre qu'il est notre ennemi..." L'islam modéré contre l'islam totalitaire ? HV : "Il y a à l'intérieur de l'islam dans le monde entier, notamment à l'intérieur de l'islam sunnite, une sorte de guerre mondiale. Un affrontement général en tout cas, entre la minorité fondamentaliste, voire salafiste, ou wahhabite (...) une minorité qui s'en prend d'abord aux musulmans qui ne sont pas sur leur ligne. Je pense que c'est une énorme erreur analytique d'amalgamer tout ça. Je pense qu'il y a une vraie lutte à l'intérieur de l'islam, et que d'une façon extraordinairement courageuse, dans tous les pays musulmans il y a des gens qui résistent à ça... (...) Il faut les aider par rapport à ça. Et quand on le peut, intelligemment, il faut aider les musulmans entre guillemets normaux, modérés, à résister à ça." EZ : "Je pense que l'islam ce n'est que l'islamisme au repos. Et l'islamisme c'est l'islam en mouvement. C'est exactement la même chose... Deuxièmement, il y a peut-être des musulmans modérés, mais il n'y a pas d'islam modéré. Donc, vos musulmans modérés seront balayés, que vous les aidiez ou non. Ils seront balayés parce que l'islam a toujours balayé ses modérés depuis mille ans. C'est comme ça, c'est une religion totalitaire... Je pense que votre subtilité relève de la maladresse des habiles... Maintenant, vous avez dit quelque chose de très juste : c'est un phénomène mondial. Simplement, la France est en avance parce que nous avons la population musulmane la plus importante d'Europe. Je crois comme Samuel Huntington qu'il y a un conflit des civilisations. Que partout où il y a une importante population musulmane il y a des troubles et des conflits ; on le voit en Inde, on le voit en Russie, on le voit en Chine, on le voit en Europe, partout... Vous savez, le grand historien René Grousset explique que il y a un conflit entre l'Occident et l'Orient depuis la Grèce antique... et il dit à un moment : l'islam a été le porte-drapeau de la revanche de l'Orient depuis le 7ème siècle. (...) Et aujourd'hui, je pense que depuis les années 70, depuis l'augmentation des prix du pétrole et depuis l'augmentation démographique, l'islam est de nouveau à l'offensive. Voilà, c'est un mouvement historique et planétaire." HV : "Je pense que votre analyse ne débouche sur rien en fait. Elle est complètement nihiliste." EZ : "On est dans un conflit de civilisations ; il faut prendre des mesures pour s'armer." HV : "Je pense que votre analyse est trop tragique et débouche sur le vide absolu. Je pense que vous ne tenez pas compte du fait que à l'intérieur de n'importe quel pays arabe, n'importe quel pays musulman, absolument partout, il y a des forces de société que je salue : des intellectuels, des poètes, des romanciers, des avocats, des femmes, qui luttent contre ça. Alors que vous vous décrivez comme inéluctable... Si c'est inéluctable, qu'est-ce qu'on fait ? Une guerre générale ? EZ : Il faut simplement prendre des mesures pour limiter les flux migratoires, etc."
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