Emmanuel Macron : de la méprise crasse au mépris de classe

Ce joyeux drille, qui nous explique le plus sereinement possible et sans sourciller, que la démocratisation culturelle amène le peuple — cet amas inepte pour les uns, cette force vive pour les autres — à se méprendre sur sa propre condition, s’appelle Jean-Pierre Enard.

Bien évidemment, devant ces images d’un autre temps, nous hésitons à trancher entre la franche rigolade qui nous secoue et le sérieux coup de sang qui nous anime. Avant de finalement se fendre d’une rapide recherche internet, et de constater que notre bon aristocrate aura une carrière des plus reluisantes, carrière qui lui permettra de mener une vie ancrée dans les principes qui sont les siens au moment du tournage de cette vidéo : entré au Journal de Mickey en tant que rédacteur, puis chercheur de gadgets pour Pif Magazine, avant de finir directeur de la Bibliothèque rose chez Hachette. On est loin de Jean-Paul Sartre. On est loin de la Pléiade. On est loin de tout ce à quoi pensait appartenir ce brave petit père cravaté.
Lundi 25 avril 2016, à Issoire, dans le Puy-de-Dôme.

Lors d’un déplacement dans le Puy-de-Dôme, le ministre de l’Économie Emmanuel Macron, ancien banquier d’affaires, ancien haut fonctionnaire, nouvellement entré dans la vie politique française (pour notre plus grand malheur), a été accueilli par ce à quoi il n’a jamais appartenu : le peuple. Ce même peuple, pour qui nos élites n’ont que mépris, et qui semble ne toujours pas avoir compris qu’il ne fallait plus se déplacer pour aller à la rencontre de ces seigneurs, qu’il convenait de cesser de leur accorder les bains de foule qu’ils réclament afin de produire de jolies images médiatiques pour celles et ceux sur qui ces dites images ont toujours prise.
Macron, qui vient récemment de lancer son propre mouvement politique, En Marche (vers quoi, Manu ?), entre think tank et parti politique ; et dont il a déclaré qu’il n’était « ni de droite ni de gauche » (osciller de droite à gauche : une nouvelle manière d’hypnotiser encore un peu plus les Français ?). Mouvement, et le ministre s’était bien gardé d’en faire part lors de son annonce officielle, qui est hébergé et bénéficie d’un important soutien logistique de la part de l’un des plus importants et des plus influents clubs patronaux, l’Institut Montaigne, dont on retrouve à la direction Claude Bébéar, figure tutélaire d’AXA, l’un des principaux groupe d’assurances français… Une preuve de plus, s’il en fallait une, de la collusion entre le pouvoir politique et le pouvoir financier.
C’est alors que pendant cette rencontre, une ouvrière l’interpelle et lui dit : « Vous ne savez pas ce que c’est de se lever à 5 heures du matin pour gagner un SMIC de rien du tout ». Ce qu’effectivement, il ne sait pas.
Tout comme il ignore qu’on continue à mourir dans les usines, en 2016, comme en témoigne le décès récent d’une ouvrière de Clarebout Potatoes, sur le site de Heuvelland, en Belgique. Cette jeune femme de 29 ans, mère de 2 enfants, a été retrouvée décédée sur son lieu de travail, étouffée par son écharpe, coincée dans le tapis roulant de la chaîne de production sur laquelle elle était intérimaire.
L’ouvrière qui avait invectivé le ministre lui propose ensuite d’écouter les propositions dont le peuple est porteur, ce à quoi Macron répond par… le rire. Un rire franc, pas dissimulé. Un rire gaulois, est-on tenté de dire. S’agit-il là d’un rire nerveux ou d’une démonstration du mépris absolu que ces nantis ressentent pour nous, de manière de plus en plus flagrante ? Toujours est-il que cela amène l’un des ouvriers sur place ce jour-là à rétorquer à notre inénarrable ministre : « Vous allez le payer de vous foutre de la gueule du peuple ».
En effet, force est de constater que semble se rapprocher la ligne de fracture au sein de la population, où, la masse critique enfin atteinte, nous serons à même de proposer un peu plus fermement que ce que peuvent le faire les deux ouvriers précédemment cités des solutions intelligentes pour redresser la situation du pays. Nos ministres, nos députés, tous ces parasites dont l’inutilité n’est plus à prouver, et dont la malveillance s’étale quotidiennement sur les pages de nos journaux et les écrans de nos téléviseurs, auraient alors grand tort de ne pas écouter nos propositions. Ils auraient tort, car comme le disent si bien les ouvriers : c’est bien le peuple qui crée la richesse. La litanie de lieux communs qui sert d’arguments de vente électoraux à nos politiques ne prend plus.
Il se pourrait que dans un futur proche, nous soyons debout la journée, mais plus devant nos chaînes de production ou nos ordinateurs. Alors, nos élites pourraient se mettre à regretter amèrement de ne pas avoir choisi de jouer la carte de la conciliation.
Kevin Amara
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